Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Les bœufs d'autrefois

 

Contrairement à une idée reçue, il est rare de trouver la mention de bœufs dans les actes anciens. Leur présence à Champfromier ne semble plus raviver que le souvenir des anciens qui participaient au déneigement des routes de Champfromier au siècle passé. Ils étaient bien sûr alors présents dans de nombreuses fermes, et leurs propriétaires venaient les diriger dans les attelages comportant jusqu'à 4 ou 5 paires de bœufs pour tirer l'étrave triangulaire (le chasse-neige). Mais en fait ils n'étaient probablement apparus en nombre significatif que seulement après la Révolution avec les débuts de l'exploitation forestière, pour les charrois de grumes.

 Boeufs déneigement
Attelage de bœufs, passant devant la scierie Ducret de Champfromier (Pont d'Enfer), en direction de Chézery
(bien avant 1954 puisque le tilleul dans la cour ne correspond pas aux photos de famille des années 1950, et on ne distingue pas encore le poste à essence chez Lili)

 

Au préalable, et bien que l'étable à vaches se nomme "bovas", on sait que les fermiers aisés de Champfromier disposaient de chevaux, et ce n'est d'ailleurs pas par hasard que l'étable se nomme toujours "écurie" dans le langage du pays.

On relève en 1708 la vente "de deux bœufs poil châtain âgés de 4 ans, reçus avec leurs vices et tares" pour le prix de 50 livres tournois, par Louis Marquis-Perret [CI-10498] de Monnetier à Claude Rey-Parrain de Ruty (hameau de Montanges) [3E17442 (9 octobre 1708)].

Jean-Baptiste fils de feu Jaque Buffard de Tacon, paroisse de Châtillon, assigne 60 livres de supplément de dot de Bernarde Collet [9114], sa femme, sur "deux bœufs poil rouge âgés de 4 ans" le 21 novembre 1729 [3E17444, f° 333].

Un inventaire de Pré-Grevet en 1730 mentionne plusieurs bovidés et caprinés : "Plus cinq vaches mères, deux bœufs âgés de 3 ans, deux génisses âgées de deux ans et quatre veaux d’une année, plus quinze chèvres" [3E17459, Testament, n° 23 (20 avril 1730)].

Dans le cheptel de Damoiselle Gallatin à Châtillon, géré par le couple Juilland/Tavernier, se trouvaient en 1733, quatre bœufs âgés de 4 à 7 ans valant 261 livres, et deux autres ordinaires estimés 105 livres [3E17447 (f° 179, le 22 juin 1733)].

Prendre des coups pour deux bœufs (1786)

Il n'est pas toujours souhaitable de donner son avis, même si ce n'est que pour l'achat de deux bœufs en 1786. Claude-François Ducretz, laboureur de Monnetier s'en souviendra, qui reçut des coups, avec injures, et porta plainte auprès du châtelain de Montange, habilité à recevoir les petits délits.

"Le 14 août 1786, par-devant nous Pierre-Joseph Maurier, châtelain de Montange et François Guinet curial (...), a comparu Claude-François [2147], fils de fut François Ducretz, laboureur de Monnetier, lequel m’a remontré, fait plainte, et dit que le jour d’hier à 10 heures du soir, s’en allant depuis Montange chez lui, accompagné de François Bornet maréchal de Champfromier, Jean-Marie Vallet demeurant aux Sanges, et Joseph, fils de Jean-Baptiste Berrod-Bussioud de Montange ; et étant dans le chemin qui tend à Champfromier auprès de la croisée de celui qui tend au Moulin Vieu [Moulin de Vy, à Montanges ?], ledit Bornet marchanda deux bœufs appartenant audit Berrod ; le plaignant représentât à Bornet que les bœufs en question avaient été mal achetés, qu’ils n’étaient pas bien assemblés [qu’ils ne formaient pas une bonne paire] ; Berrod lui répondit qu’il ne les avaient pas volé, qu’il les avaient bien payé ; le plaignant lui répliqua qu’il ne disait pas qu’il les eut volé ; à l’instant ledit Berrod lui donna un coup de poing au côté droit de la bouche où il lui a fait une blessure avec perte de sang et contusion, et enflure dont les dents dessous et dessus ont été ébranlées, et une égratignure de l’autre côté de la bouche ; le plaignant fut renversé et jeté par terre par la violence du coup qu’il reçut, alors ledit Berrod le saisit par les cheveux, lui donna plusieurs coups de pieds par les côtés et par les reins, le traitant de bougre, de jeanfoutre, bougre de matin (?), et plusieurs autres injures, et sans le secours desdits Bornet et Vallet qui eurent beaucoup de peine d’ôter le plaignant d’entre ses mains, il l’aurait tué ; il lui donna encore un coup de poing sur l’œil droit où il a une contusion et meurtrissure. De tout ce que dessus le plaignant demande acte (...), et a signé [Signature : ducret]".

 

Source : AD01, 25B531, liasse 193.

Publication : G. Lancel. Remerciements : Michèle Camas (photo provenant du fonds Michèle Bernier) ; Serge Vallet (datation).

Première publication le 16 octobre 2019.Dernière mise à jour de cette page, le 25/10/19.

 

<< Retour : Autrefois, accueil