Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
On a souvent tendance à croire que dans les années 1700 les femmes de modeste condition, comme celles demeurant à Champfromier, du village, d'un hameau ou d'une ferme isolée, n'avaient aucune possibilité d'achat de terres ou de maison, qu'elles ne disposaient d'aucune ressource financière personnelle, autrement dit que seul le mari avait la possibilité d'acheter, ou de vendre, s'accaparant même tout l'argent de son épouse en dot du mariage... C'est faux, il n'est pas si rare de trouver des femmes acheteuses, achepteresses comme on disait à l'époque. Le mari la couvrait de son autorité, donnait son consentement, mais néanmoins la femme disposait de son argent dotal (souvent de l'ordre de 150 livres), venant de sa branche familiale.
Le 8 mai 1708, Marie, fille de Jean Neyrod du lieu de dessus La Mula [paroisse de Lancrans], femme de Jacque [CI-10024] fils de feu Jean Bornet, du lieu du Bourgeat [le Bordaz] hameau de Champfromier, achète une pièce de terre située rière le territoire et dîmerie dudit Champfromier, contenant la semaille d’environ 4 mesures de blé, moyennant le prix de 100 livres tournois. Elle est absente, mais son mari "pour elle ici présent". Les vendeurs confessent avoir déjà reçu cette somme provenant des deniers dottaux de l’achepteresse [AD01, 3E14280 (f° 41 du 8 mai 1708].
Le 18 mars 1709, "Louise [CI-9526], fille de feu Anthoine Bornet de Champfromier, ici présente, de l’autorité de Louis, fils de feu Jean Tornier dudit lieu de Champfromier (son mari), ici présent, (achète) une maison située audit lieu de Champfromier, ainsi qu’elle se comporte, avec le curtil, chenevière située derrière icelle, contenant la semaille d’environ une quarte de graine de chanvre", moyennant le prix de 94 livres 15 sols. La somme sera payée pour partie aux Marion de Marnod (St-Germain de Joux), créanciers du vendeur, et le reste "ledit vendeur confesse l’avoir déjà reçue des deniers dotaux de l’acheteuse" [AD01, 3E14280 (f° 28 du 18 mars 1709].
Parfois les transactions se font entre femmes, dans un cadre familial restreint : Le 16 novembre 1700, on relève dans un inventaire notariale de Me Vionnet, notaire à Châtillon, un "achat pour Anne, fille d’Amed Coderier [Coudurier], femme de Pierre fils de Pierre DuCrest blanchisseur du lieu de Champfromier, à elle passé par Anne Coderier sa tante dudit lieu, portant la somme de 50 livres [AD01, 3E14282]. L'acte correspondant à cet inventaire précise l'origine personnel des fonds "provenant des salaire et épargnes de l’acheteuse qu’elle avait rière elle lors de son mariage" [AD01, 3E 14278, f° 172 du 16 novembre 1700].
Les femmes empruntent aussi, parfois hors de leur paroisse, et à des hommes dont on ignore tout. Est-ce par relation, ou au contraire par rester dans l'anonymat ? Le 1er octobre 1712, s’est établie en personne Claudine Cuidard, veuve d’André Bergier de Châtillon de Michaille, confesse devoir à Nycollas Deodaty, originaire de Genève demeurant au lieu de Champfromier, à savoir la somme de 80 livres, et c’est pour cause de prêt ci-devant fait et qu’elle promet de payer d’ici deux années [AD01, 3E14280 (f° 131 du 1er octobre 1712].
Si de nos jours, l'on garde en France le souvenir de femmes privées d'autonomie financière (et du droit de vote) jusqu'à la dernière guerre mondiale, ces privations ne remontaient qu'au Code Napoléon, promulgué le 21 mars 1804 (30 ventôse an XII) par Napoléon Bonaparte. On raconte que Joséphine de Beauharnais son épouse ayant acheté le dispendieux château de Malmaison durant son absence, il s'en vengea en privant toutes les femmes d'autonomie financière dans le code qu'il institua... Ces temps sont redevenus révolus !
Publication et relevés aux AD de Bourg : Ghislain Lancel
Première publication le 9 novembre 2011. Dernière mise à jour de cette page, 13 novembre 2011..