Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Chaux et fours à chaux

La chaux était jadis une valeur, justifiant qu'elle figure dans les contrats. Elle servait à blanchir et désinfecter les murs, et aussi de liant dans les mortiers. Préalablement à la construction d'une maison, on édifiait un "rafour" pour faire cuire la pierre calcaire nécessaire à la fabrication de la chaux.

De nos jours, on trouve encore des traces de chaux à proximité des maisons (comme à la Chandelette, ou rue de la Fruitière), ou encore en forêt (rejetée à l'entrée des galeries percées par les mulots). Georges Duraffourd, de Montanges, se souvient qu'étant enfant il traversait la Valserine en face de Chaudane pour y chercher un bon calcaire pour faire de la chaux, obtenue tout simplement en délayant ce calcaire dans de l'eau. L'emplacement d'un ancien four à chaux est encore bien visible en forêt, au-dessus du Solier du Haut.

Four à chaux Four à chaux
Lors de travaux récents, a été mis à jour le four a chaux dont "Bébert"
connaissait l'existence, par transmission orale de son père.
Dimensions : 1,20 m de hauteur pour 2,60 m de largeur (22/08/2018)

Les lieux-dits mentionnés dans les états des sections de 1833 conservent le souvenir de ces fours à chaux, comme "Le Rafour" du Soliet du bas (C875) ou la "Côte du Rafour" de la Chaudanne (C978). Bien que désormais ce soit un lieu-dit de la seule commune de Giron, la ligne de délimitation pour partager la forêt indivise entre Champfromier et Giron en 1837, commençait "Aux Raffours", un lieu où les fours devaient être de vieille tradition si l'on en croit le pluriel [3E3955 (26 mai 1837)].

Les actes notariés ne manquent pas de références à des fours à chaux.

En 1684, la succession d'Etienne Genolin-Pochy mentionne que "toute la chaut [chaux] qui est dans le chaufort" sera partagée entre deux des trois fils héritiers [3E 14272, p. 490].

En 1698, lors de la vente pour dettes par Pierre Jullian-Baron de Communal à Louis Coudurier d'un pré avec maison aux Crettes [vers Cruchon], il est précisé que le vendeur "prêtera auxdits acquéreurs cinq benés (bennées) de chaux, qu’ils rendront aussitôt qu’ils auront fait un chaux-fourgt (chaux-four)" [3E3891, f° 30v (1er avril 1698)]. Ce bien étant revendu, la mention est reprise, et précisée, le nouvel acheteur (le maréchal de Champfromier) pourra prendre "20 bénées de chaux, de leur chauxfour du lieu du Pracrez (?)" en 1716 [3E13528, f° 65bis].

En 1706, au Bordaz, trois frères Bornet se partagent les biens (maisons, terres et prés) de leur père, Jean Bornet [8322] estimés à 500 livres. Mais l'acte se termine sans avoir fait mention de la chaux. Elle fait donc l'objet d'un additif "et ont convenu (les trois frères), au regard de la chaux qui est dans le chaufour neuf que ledit Amédé en prélèvera le cinquième, et le surplus restant appartiendra chacun par moitié entre lesdits Henry et Jacque, et pour la vieille chaux qui est derrière ladite maison vieille, elle appartiendra en particulier audit Henry" [3E14279, f° 108 (14 mai 1706)].

Une vente Bornet à Cartier de champéage et tiers de maison mentionne un four à chaux ("qui est sous le chays") en la montagne de Champfromier, "Sus la Chaz", en décembre 1729 [3E17444, f° 342].

En 1729, Joseph Rey-Grobellet, Maître serrurier de Monnetier, endetté, vend à son frère Martin des parcelles à Sus L'Auger, toutefois il se réserve "15 mesures de chaux qui lui sera loisible de prendre en leur four à chaux qui est sur les pièces sus-vendues" [3E17443, f° 107].

Un four à chaux se trouvait à la Combe d'Evuaz au-dessus du jet et ruisseau du Crozat, en 1732 [3E 17446, p. 157].

Réenduire les murs de chaux fait souvent partie des additifs en nature aux baux de fermages de domaines. Ainsi en 1763, Jean-François Genolin-Pochy, notaire à Châtillon, gros propriétaire de domaines à la Combe d'Evuaz renouvelle le bail de ses domaines à Roland et Claude Humbert. Pour le preneur, en plus des 460 livres en argent à payer chaque année, le bail stipule pour autres charges, du beurre, du fromage et des tavaillons, et aussi les menus travaux d'entretien des habitations. Il précise avec précaution que les preneurs "réenduiront les murs de celle du Pré Sarrotin soit (dite aussi la) Maison d’aval, et à cet effet prendront de la chaux sur le Rocher au Croz" [AD01, 3E14341, p. 790 v°]. Le Rocher du Croz se trouvait à la Combe d'Evuaz, derrière le Crozat (maison Vandembeusche).

Dans un partage en 1763 à Monnetier entre trois frères Ducret, il est précisé que reviendra à "chacun 24 mesures de la chaux qui est sur ladite pièce" (de la Provenchère, où se trouve alors une mauvaise maison) [3E17466, f° 25].

Au partage du four à chaux de la maison de l'Ecula entre les trois fils de Martin Tavernier-Perret, "a été convenu que le four à chaux qui est sur le fonds arrivé audit Jean-François sera partagé en 3 portions, et (que) les deux derniers mettront leur portion de ladite chaux dans des endroits (les) moins dommageables jusqu’au temps qu’ils la déplaceront", en 1764 [3E 17466, f° 537].

Lors du Partage Julliand-Baron de 1775, le four à chaux de Pré-Grevet est partagé entre les trois fils [3E17475, f° 138].

Signalons enfin un mauvais four à chaux construit près de la cure, au début du XIXsiècle : "... le restant (du bois) servit à faire un four à chaux près de la cure. Il ne réussit pas bien parce qu'on y brûla les plateaux qui avaient servis de plancher sous-pieds à l'église, étant remplis de salpêtre. Pendant que le Maître, qui était un Comtois appelé Gauthier alla se coucher, une nuit, les nommés Claude Julliand de Sur la Serraz et Pierre Julliand dit Cardinnaz pressèrent trop le feu avec ces plateaux salpêtrés et les coins qui avaient été pris aux Bucleines sous une espèce de bans de pierre et qui n'avaient pas endurés les injures du temps, étant plus tendres, furent de suite calcinés, ils coulèrent et le four à chaux s'affaissât presque aussitôt et le restant ne fut pas cuit" [Notes de Nicolas Ducrest, maire de Champfromier, registre des Naissances, 1807-1812 (Web, p. 37d-40g].

 

Remerciements : Famille Tournier, Michel Blanc.

Publication : Ghislain Lancel.

Première publication le 29 août 2018. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

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