Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
On n'imaginerait pas, de nos jours, faire son testament avant de partir en voyage à Paris, exercer un emploi temporaire à Nancy, ou même déménager définitivement ! Mais en 1734 partir loin à pied pour un long voyage, ce n'était pas sans risques, il y avait les aléas de la route, sans compter un décès naturel, toujours possible...
Les frères Joseph [1135] et Claude [1252] Evrard, du Collet de Champfromier, n'ont que 19 ans et 15 ans, ce 20 août 1734. Orphelins de leur père depuis 3 ans, naturellement bien trop jeunes pour être mariés, ils vivent donc (très probablement) avec leur mère et leurs deux sœurs. En cette fin août, les travaux des champs sont terminés. Ils décident de partir, et se rendent chez le notaire de Montanges, pour faire leur testament, au cas où... Joseph part en Lorraine, peut-on penser que c'est pour y peigner le chanvre, tandis que son frère Claude s'en va du côté de Paris.
"Furent présents (en l'étude de Me Maurier, notaire à Montanges), Joseph [1135] et Claude [1252], enfants de feu Pierre [9407] Evrard, demeurant au lieu du Collet, paroisse de Champfromier, lesquels en parfaite santé, étant ledit Joseph dans le dessein de partir au premier jour pour s’en aller du côté du pays de la Lorraine [pour peigner le chanvre ?] , et ledit Claude étant de même dans le dessein de partir pour s’en aller au premier jour du côté de Paris, et craignant en faisant leur voyage le péril de mort, lesquels ont fait leur présent testament nuncupatif (...) ".
Joseph reviendra, puisqu'il se mariera en 1736. Mais de Claude, plus de nouvelles...
Le 25 août 1736, Joseph Pillard [1207], fils âgé de 19 ans du premier lit de son père, demeure à la Combe d'Evuaz, et se rend aussi chez Me Maurier, notaire de Montanges, prêt à partir dès le lendemain matin en Lorraine, très vraisemblablement lui aussi pour y peigner le chanvre, les travaux des champs étant terminés. Il semble très conscient des risques : "lequel étant en parfaite santé, et à dessein de s’en aller au pays de Lorraine, et de partir au premier jour et se mettre en chemin pour faire ledit voyage, comme étant un pays fort éloigné, et qu’il s’expose beaucoup en faisant ledit chemin, craignant le péril de la mort (...), valant mieux prévenir le salut de son âme et la distribution du peu de biens à lui délaissés par défunte Pernette Ducrest [372] sa mère". Ce n'est pas une formalité, la mort est un vrai péril, et contrairement à tous les testaments où l'on prescrit de se faire inhumer au cimetière de l'église de Champfromier, dans le tombeau de ses prédécesseur, lui s'en remet au destin "voulant la sépulture de son corps être dans le cimetière de l’église de l’endroit où il se trouvera lors qu’un plaira à Dieu de l’appeler de ce monde à l’autre". Néanmoins "il donne et lègue à l’église de Champfromier 3 livres pour une fois, pour être employé aux réparations". Son père sera son héritier universel.
Joseph revint pourtant de Lorraine, il se maria en 1738 à Champfromier (avec Marie Coutier). Malheureusement sa prémonition se réalisa une dizaine d'années plus tard, la mort le croisa en voyage, en 1748. Un acte de transcription de son décès le précise : "D'Evoüaz, revenant de Lyon, mourut dans la paroisse de l'Oye [(01800) Villieu-Loyes-Mollon] ", et l'acte à Loyes ne donne guère plus de précisions "a été enterré dans le cimetière de Vilieu le corps de Joseph Pillard de Chanformi, décédé environ à la minuit". Agé de seulement 30 ans, il avait certainement déjà parcouru une bonne partie de la France à pieds, mais ses périples s'arrêtèrent là...
Source : AD01, 3E17460, Testament, n° 95 (20 août 1734) et n° 120 (25 août 1736). Relevés, Ghislain Lancel.
Première publication de cette page, le 11 juillet 2012. Dernière mise à jour, le 12 juillet 2012.