Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Nos anciens, qui se déplaçaient principalement à pied, savaient économiser leurs forces, recherchant en ce pays les dénivellations les plus douces et les trajets les plus courts. Aujourd'hui délaissé par la route D 48 des motorisés vrombissants qui ne sont pas à deux virages en épingle supplémentaires et qui recherchent les jonctions aux villages, il est pourtant un ancien chemin presque rectiligne (à l'échelle des villages), n'ayant jamais de brutale rupture de pente et, qui plus est, est très romantique : c'est celui qui part de Giron à travers les prairies situées à l'est de la Départementale 48, qui arrive sur le territoire de Champfromier à proximité de la Charnaz, recoupe cette départementale au niveau de Pré Grevet, pour arriver à Communal en bordure d'une maison de Sous-Cruchon, et qui se poursuit vers Montanges par les Quarts et Leyriat.
On se propose d'en suivre la portion située entre la Charnaz et Sous-Cruchon, dans un circuit complété par la Combert (Montanges) et les crêtes du Cruchon.
La balade (d'environ 5/6 km, deux heures et demie environ) peut commencer en laissant les voitures à Sous-Cruchon, où l'on accède après avoir traversé le hameau de Communal et en poursuivant jusqu'à ce que la route ne soit plus goudronnée.
La ruine voisine de Chatonnaz, rappelle probablement l'existence d'un ancien domaine dit château du naz, naz étant le mot en patois pour le nant, le ruisseau (ici, la Sandézanne).
En prenant le chemin à droite on laissera, aussi sur sa droite, les deux maisons dites de Sous-Cruchon, bien que l'une soit sur le territoire de Champfromier et la seconde sur celui de Montanges. Le chemin monte doucement en lisière de bois et s'oriente à gauche, vers le sud-ouest. Arrivé à La Combert (fief des Bouillet-Sardin durant bien des générations, puis de la famille Godet), un gros tilleul nous accueille. Il nous rappelle qu'il n'y a pas si longtemps plusieurs familles vivaient là, sans électricité ni eau courante, mais profitant de tous les bienfaits de la nature. La vie y était tout de même rude. On raconte qu'un ancien propriétaire avait rapporté jusqu'ici sur son dos depuis Bellegarde un évier en grès ! Le même homme avait aussi transporté une charrue neuve sur son dos, et comme elle était bien calée, il n'avait pas chassé le taon sur son front qui s'était rassasié de son sang sur toute la montée...
Après la première habitation, on tournera à droite, on passera devant une seconde maison (peut-être en se frayant un chemin à travers les orties...) et l'on traversera la prairie en se dirigeant vers la gauche pour trouver le large chemin pénétrant dans la forêt. Il monte raide jusqu'au col, permettant de le franchir au sud du Cruchon et éventuellement de redescendre de l'autre côté, dans la Combe du Collet. On appréciera la volonté des enfants de Montanges qui jadis empruntaient chaque jour ce chemin pour se rendre à l'école de Champfromier...
Si l'on veut éviter les très hautes orties envahissant la façade de la maison désormais inhabitée, on pourra poursuive une dizaine de mètres jusqu'à un abreuvoir portant encore très bien visible la date de 1874, puis longer à droite la pâture tout en restant dans le bois. On aura vu suffisamment de ruines pour se convaincre qu'un hameau existait en cet endroit et qu'il y a à peine 150 ans on envisageait sereinement l'avenir en construisant un bac tout neuf. En tournant, en face de ce bac, on pourra repérer les restes métalliques d'un ancien container américain largué lors de la dernière guerre.
Arrivé au col, on tournera à droite (le chemin de gauche rejoint la Tapette, dans la Combe du Collet) et l'on suivra en sous-bois le sentier à mi crête, s'élargissant ensuite en un chemin qui se dirige au nord, sur le versant ouest de la ligne des crêtes. Au niveau du changement de commune (en bleu sur la carte), commence sur la droite la "Chaîne à Grobet", un ravin sec fort prononcé dans lequel les forestiers jetaient les troncs coupés pour qu'ils descendent jusqu'à Sous-Cruchon, non sans risques... La Chaîne à Grobet, anciennement Chenaz-Grobet rappelle probablement l'existence d'un bosquet de chênes ayant appartenu à un certain Grobet. A signaler que de nos jours ces chênes sont souvent maigrichons, nous en avons vu quelques exemplaires au début de la balade poussant sur ce terrain calcaire, mais leur cœur est dur comme de la pierre.
Plus loin, par un chemin démarrant en épingle sur la droite, on peut monter au sommet du Cruchon. Le chemin est d'abord bien tracé mais ensuite il passer à travers bois jusqu'à une borne IGN placée au sommet (1144 mètres). De là, on domine le village dans son écrin montagneux allant du Truchet à la Montagne du Cret. Prudence en hiver, un mètre plus à gauche le précipice est impressionnant sur 2 à 300 mètres... Un GPS peut aider à trouver le sommet, et plus encore à retrouver l'endroit où le chemin s'était terminé (si toutefois on en avait pris les coordonnées à l'aller...)
Tout au nord du parcours, on passera au-dessus du tunnel de Giron, puis on tournera à droite, en passant derrière la Croix de Giron (datée de 1935), et arrivant sur la D 84 avant le hangar de la Charnaz. Là, il faut traverser la route et prendre le chemin des VTT, étroit goulet à droite au départ puis simple sentier, parfois aussi emprunté par les eaux ruisselantes (ne pas prendre le goulet de gauche, sauf si l'on veux se rendre à Champfromier en passant par le Dière ; c'est aussi un très ancien chemin, celui des femmes de Giron allant faire leurs achats en zone détaxée au Pont du Dragon...) Au bout de 290 mètres notre sentier retrouve l'ancien vrai chemin arrivant presque parallèlement à gauche. Il devient alors presque rectiligne (voir photo ci-dessous). Ce chemin est encore en très bon état, bien plat et large (presque 3 mètres). Sur sa gauche on pourra observer les quatre bases en béton d'un ancien pylône de la ligne qui partait de l'usine électrique du Rhône non loin de Pougny et passait à proximité de celle de Sous-Roche (voir carte de 1971). Un peu plus loin sur sa droite et bien plus romantique on remarquera l'emplacement d'une ancienne source (sans dôme, appareillée, mais en partie effondrée) destinée à étancher la soif des passants. Aujourd'hui comblée de feuilles, cette source était bien mise en valeur par la bordure du chemin qui s'interrompait et se courbait en sa direction, formant des sièges où l'on pouvait aussi se reposer tout en échangeant les dernières nouvelles du pays... Un peu plus bas encore, à nouveau sur la droite, un chemin (dont l'empierrement des côtés est surtout visible dans l'autre sens) menait en 1833 à l'arrière de la maison des frères Coudurier, en ce lieu dit à la Dévoide, ou encore la Ruade (sans nul doute en souvenir, d'une ruade, d'une dérobade mémorable, d'un cavalier désarçonné sur le chemin même que nous empruntons). La ruine rappelle l'existence d'une double maison de 110 mètres-carrés qui pourtant n'avait que deux ouvertures (porte ou fenêtre) ! On arrive ensuite derrière la maison de Pré-Grevet.
En parcourant cette voie ancienne, on peut s'imaginer vivre deux siècles plus tôt, sur ce "chemin rural" des plans napoléoniens de 1833, à l'époque où évidemment la départementale D 84 n'existait pas, c'était l'un des objectif de cette promenade, savoir par où l'on passait avant 1930, et retrouver les lieux-dits où les risques équestres valaient parfois ceux de nos engins motorisés. On est presque arrivé. En traversant la route au niveau de Pré Grevet on retrouve le chemin de l'autre côté. Plus loin on coupe encore la D 84 en franchissant d'abord un fossé sur un joli plancher de bois rustique. On finit le circuit en retrouvant les verts pâturages de Communal puis en longeant l'une des maisons de Sous-Cruchon aperçue au départ, celle de Champfromier.
Cette page a été actualisée après la balade toponymique PHC du 19/07/14. Commentaires : Ca monte dur au départ !
Remerciements : Régine Vallet. Fond de carte : IGN. Crédit photographique : Ghislain Lancel (06/04/2011).
Première publication de cette page, le 18 juin 2011. Dernière mise à jour, le 19/07/14.