Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
L'abbé Humbert, prêtre de Champfromier, tel un historien local, nous a légué inséré dans les pages de ses registres paroissiaux des informations si diverses qu'il aborde même la construction des routes : "L’an 1751 furent commencés les grands chemins aux dépens des communautés, et l’an 1754 fut fait celuy depuis Trubillet [Trébillet] à Montange, avec le pont aux frais de Montange et de Champfromier, hors le pont qui fut fait aux dépens de la province."
On pourrait penser que si les Champfromérands avaient participé à la construction de la route jusqu'à Montanges, ils en bénéficieraient bientôt eux-mêmes, mais il ne le semble pas puisque vers 1757 la carte couleur de Cassini montrait encore un grand chemin n'allant pas plus loin que Montanges !
De Champfromier, il était néanmoins possible de se rendre à Chézery, par un chemin certes moins "grand", moins large en réalité, mais dont le nom nous est encore connu sous le nom de "Vy Chézerande", la voie de Chézery.
La Départementale D 14, qui traverse tout le village, passe actuellement sur le Pont-d'Enfer. Il ne s'agit pas du pont historique mais du deuxième pont, celui dont une pierre située au faîte de l'arche visible depuis le lavoir porte la date et le nom du maire "1867 P. Coutier, MAIRE". Avant cette date, on peut donc admettre que la Vy Chézerande était le chemin le plus emprunté pour se rendre de Champfromier à Chézery.
Le baron Achille Raverat, dont le romantisme nous charme encore dans sa description de la vallée de la Valserine entre Montanges et Chézery, publia justement son ouvrage, Les Vallées du Bugey, en cette année 1867. Ne citant pas explicitement ni la nouvelle route ni le nouveau pont, il était donc passé à Champfromier peu de temps avant la construction du nouveau pont et avait donc emprunté la Vy Chézerande. Probablement avait-il donc passé sur le vrai vieux pont, monté la Côte de la Pierre, et retrouvé là cette vy Chézerande dont le tracé n'a guère changé jusqu'à la Serraz où la route s'arrête maintenant. Jadis cette voie se poursuivait, surplombant la route D 14 actuelle, pour la rejoindre peu après les Iles, ainsi que la carte du plan napoléonien de 1833 rénové vers 1965 le montre ci-dessous. La route actuelle est en rouge, et la vy chézerande en jaune, toutes deux s'enfonçant dans les terres en un virage prononcé au niveau du Nant de Fossa.
La Vy Chézerande est toujours praticable, du moins en partie. C'est un chemin de promenade très agréable du sortir de l'hiver à l'automne, entretenu ces dernières années par les chasseurs de Champfromier. On peut laisser la voiture au petit emplacement à droite situé dans le dernier virage juste avant d'arriver à la ferme de la Serraz. De là prendre le chemin encore bien visible puis longer presque jusqu'au bout la très grande pâture. Respectez la propriété et les chevaux, admirez ces vastes espaces dont la vue s'arrête à droite sur le Roc à L'Aigle. Le chemin (peu dessiné au départ) s'enfonce ensuite sur la droite et descend lentement à travers bois jusqu'au nant de Fossa. Là il est préférable de descendre jusqu'à la route D 14 pour remonter bien vite au premier chemin à gauche. La promenade se poursuivra en hauteur avant de redescendre doucement jusqu'au niveau des Iles. Pour revenir, on pourra traverser la D 14, prendre le chemin des Iles, puis suivre le nouveau chemin aménagé de l'ancienne voie du tram. Arrivé à proximité du Nant de Fossa, on remontra pour un petit moment la départementale D 14 avant de trouver sur la droite un sentier dont le départ est fléché en direction du Poizey, puis de la Serraz. Une jolie promenade.
Une autre voie qui menait les habitants de Chézery, cette fois jusqu'au Pays de Gex et à Genève en passant par le Col du Gralet. Elle est présumée avoir existé depuis le milieu du XIIe siècle, puisque les granges de l'abbaye de Chézery en ces pays sont attestées dès 1145-1150. Ce passage à travers le Jura perdura puisque les cartes IGN actuelles mentionnent encore le tracé du "Sentier des Chézerands" sur le versant Est du Gralet [Alain Mélo, Historien et archéologue].
Notes : L'ouvrage du baron Raverat est devenu un livre rare (2 tomes), on peut en consulter un exemplaire à la bibliothèque de Bellegarde-sur-Valserine.
Remerciements : Cadastre de l'Ain (Louis Michel, conservateur). Crédit photographique : Ghislain Lancel (27/02/2010 et 5/03/2010).
Première publication de cette page, le 13 avril 2010.