Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Belleydoux est une commune située au nord du département de l'Ain, connue des touristes par son "Chapeau de Gendarme" (un plissement géologique, bien visible depuis le déput du pont d'Orvaz (en venant de Giron). Dans ce territoire coulent plusieurs rivières, dont la Semine, celle à qui certains voudraient lui voir attribuer le labelle de Rivière Sauvage (comme la Valserine, qu'elle rejoint à la Mêlée des eaux), et qui nécessiterait la destruction du patrimoine humain au profit des poissons...
L'ancien Chemin vicinal N° 1, de Belleydoux à Giron, fut aménagé au XVIIIe siècle, juste après la Révolution. C'est en 1840 qu'un premier pont, dit « Berger », d'une seule arche, avait été construit par la commune de Belleydoux, au-dessus d'un barrage en pierres de taille sur la Semine. Des crues l'ont probablement emporté. Au cours de la première moitié du XXe siècle, des habitants auraient alors installé des troncs d'arbres pour que l'on puisse à nouveau le franchir à pied. Légèrement à l'aval du barrage, rive droite, sur le territoire de la commune de Belleydoux, il y avait autrefois un moulin que l'on retrouve sur les plans napoléoniens du début du XIXe siècle (lieu-dit Aux Besfaux, de nos jours Beffaux), mais il pourrait être beaucoup plus ancien. Un canal de dérivation amenait l'eau du barrage à la roue du moulin. L'énorme meule en pierre a été préservée et déplacée par un particulier.
La nouvelle et actuelle route de Giron à Belleydoux fut construite en 1928, et le viaduc sur la Semine deux ans plus tôt, en 1926. Ses pierres de taille ont été transportées par des bœufs depuis Hauteville (1). En 1933, la commune de Giron a acheté à Belleydoux les terrains sur lesquels se trouvent le barrage de nos jours dit du « Vieux Moulin », avec une source en rive gauche pour alimenter le village en eau potable. Deux projets d’amenée d’eau ont été envisagés, l'un par élévation par moteur électrique depuis la source du Vieux Moulin, l'autre par l'utilisation de la chute d’eau du barrage pour faire tourner une turbine qui aurait alimenté une pompe élévatoire. Le conseil municipal a finalement opté pour le premier.
La Loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 impose un effacement des obstacles à la continuité écologique sur les cours d'eau classés en Liste 2, comme la Semine. La commune, puis la communauté de communes du Pays Bellegardien, ont délégué la compétence « Gestion des milieux aquatiques » au Parc Naturel Régional du Haut-Jura, si bien que c'est lui qui a été chargé de mener le démantèlement du barrage. Une rangée de pierres de taille a été retirée à l'automne 2016. Mais devant les protestations d'un collectif de riverains, de canyonistes et de pêcheurs locaux, officalisée par une pétition soutenue par les Amis des Moulins de l'Ain, et avec l'aide juridique d'une association nationale de défense du patrimoine hydraulique, les travaux ont été suspendus, pour 5 ans, le temps de s'informer davantage...
(1) Les anciens disent aussi que les pierres (ou une partie des pierres...) ont été extraites de la carrière sise au lieu dit "Le Délivret" (route de Belle Voete, avant le départ des pistes de fond et utilisée actuellement comme un lieu de stockage divers) [Belleydoux : La vie sous la roche Fauconnière, de Chaventon, Grand-Clément et Ramel, editoo.com, 2003].
Sur le plan napoléonien de 1838, le "Moulin" se trouve sur la feuille D, suddivision 19 (lieu-dit Aux Besfaux), parcelle numéro 48 (sous-lieu-dit Vers le Raffour). Le moulin (avec la maison ou bâtiment voisin) est d'une superficie de 470 m², et est alors la propriété de Jean-Claude Jacquinod (du Pré Mollet). Par contre, la parcelle voisine (n° 43), sous-lieu-dit Pré du Moulin est une pâture de 1560 m² appartenant à la commune de Belleydoux. Ce sous-lieu-dit Pré du moulin pourrait faire référence à un plus ancien moulin, dont peut-être il resterait l'emplacment signalé par un bâtiment sans numéro, que l'on voit un peu en aval en rive droite de la Semine. D'ailleurs, la carte de Cassini (vers 1757) positionnait déjà sur cette rivière un moulin, mais peut-être aussi un peu plus en aval... Signalons aussi la présence de deux arcs en pointillés sur cette rivière, l'un en amont et l'autre en aval du moulin-scierie, peut-être des seuils de retenues d'eau.
Une carte postale, datant d'environ 1925, est celle du "Moulin Berger". On y voit très nettement la mémoire de ce lieu, avec l'ancien pont Berger, les bâtiments du moulin (alors scierie), le seuil de la cascade, la déviation de l'eau par la droite et son retour, et même une brave dame, probablement y habitant, ramenant un peu de bois, au cas où il en manquerait !
La retenue du barrage du moulin, lequel avait permis aux meuniers de produire la farine du pain quotidien de nos ancêtres, est (était) encore complète et parfaitement visible l'été 2016.
Mais à l'automne 2016, la démolition avait commencé...
Voir d'autres cartes postales du moulin, du pont et du chemin.
Documentation et photos : Ursula Rhyner. Publication : Ghislain Lancel. Remerciements : Michel Rolandez (carte postale, plan napoléonien) ; Michel Blanc (cartes postales du lien).
Première publication le 19 juin 2019. Dernière mise à jour de cette page, idem.