Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Après le traité d'Auxonne (1612), les bornes de délimitation du Comté de Bourgogne ont déjà donné lieu à plusieurs publications, dont celle de M. Janin en 1924 (Bull. de la Soc. des naturalistes et archéologues de l'Ain, n° 38 de 1924, pp. 68-79), reprise en 1995 par le chanoine André Vuillermoz (Deux villages en parenté, p. 134-147, dont un plan page 134), et celle de Marie-Claude Vandembeusche (La combe d'Evuaz, p. 17-20). Gustave Burdet fut dans les premiers à rechercher et signaler l'existence de ces bornes au grand public, par ses publications sur Les Bouchoux, en 1896 et 1925 (en particulier sa carte dans la seconde publication, p. 32/33).
Les auteurs récents se réfèrent à une participation de M. Raymond Maréchallat, ancien instituteur à Evuaz. De fait, la famille a conservé précieusement, un dessin inédit sur papier calque de la Borne des Cernoises (Belleydoux), réalisé sur place par l'instituteur en 1938.
Malgré la fragilité du papier calque de l'époque, devenu très cassant, troué, scotché aux pliures (et un montage nécessaire, faute de scanner A3), ces dessins ont l'avantage d'être les plus anciens et précis connus de cette borne. Surtout, ils offrent les relevés des deux faces gravées de la borne, relevés rigoureux puisque résultant d'un travail effectué par transparence. Le plan porte en haut la mention Borne des Cernoises, Côté sud (à gauche, les trois fleurs de lys) et Côté nord (à droite, le lion). En bas : Relevé sur place [Par Raymond Maréchallat] le 13 septembre 1938, aidé de Raymond Vessiller.
Le blason du côté sud mesure 20 x 27 cm (entourage compris), et 21 x 27 pour celui côté nord.
Cette borne des Cernoises est la plus connue des 17 qui délimitaient la Franche-Comté. Pour le plaisir des yeux, voici la reproduction de la carte postale que M. Janin avait fait éditer à partir d'un cliché pris en 1922, au nom de la Société des Naturalistes de l'Ain.
Cette borne est toujours en bon état. Située à peu de distance d'une clairière, on y accède après une petite randonnée d'au maximum un peu plus d'un kilomètre, depuis plusieurs routes d'accès. Sur la carte IGN 3328OT, elle est facilement repérable par son étoile rouge la signalant ainsi comme "curiosité". Elle est classée MH (Bouchoux, Jura, le 12 janvier 1926, ref. PA00101819).
Si la borne des Cernoises est bien connue, ce lieu-dit n'est pourtant jamais cité dans les procès-verbaux de 1613-1614 (de même que la célèbre Borne des Trois Empires, n'a alors d'autre dénomination que celle de Borne de la Cléa). Le lieu est alors dénommé le "Pré Content" ou "Pré des deux seigneurs", parce que deux seigneurs en avaient la jouissance une année sur deux !
Voici les extraits des procès-verbaux, l'un pour la demande de plantation, l'autre pour sa réalisation, presque une année plus tard, le 4 octobre 1614. Toutefois elle n'était encore que la plus à l'ouest de celles plantées par cette commission.
"Audit pré [Pré Contant, signalé pour la borne de la Pelette], sera encore posée une borne, comme aussy ez autres endroits où besoin sera, dont les parties demeureront d’accord pardevant le bailly de la terre de Nantua et le juge en la grande judicature de St-Claude, lesquels nous commettons et députons pour faire poser lesdites bornes et y procéder en présence de six officiers ou habitans, tant de Montange que de Belleydoux, tels que iceux habitans voudront choisir, et de six officiers ou habitans de la part de la Comté à Esbouchoux, de laquelle plantation de bornes lesdits bailly et juge dresseront procès-verbal. Et où il y auroit difficulté du lieu où se devront planter les bornes audit Pré Contant et ez autres endroitz qui ne sont ci-dessus particulièrement désignez, ils en revêtiront leur procès-verbal et nous le renvoyeront signé d’eux dans un mois pour y être pourvu.
Le tout sans préjudice des droits de propriété, usage et de tous autres droits apartenans tant aux seigneurs, communautez que particuliers qui leurs demeurent réservez conformément au traité.
[...] Nous, André de Mornieu, docteur ez droits, juge de la grande judicature de St-Claude, à tous qu’il appartiendra, sçavoir faisons qu’en vertu de la commission à nous adressée par Mrs les commissaires députez par le roi et par les sérénissimes archiducs Comtes de Bourgognes pour terminer les différents des limites d’entre les pays de S.M. et le Comté de Bourgogne en datte du 25 octobre 1613, signé Joly et Delabarre, ladite commission rafraichie par ordonnance desdits seigneurs commissaires députez du 27 may 1614, signé Delabarre, nous nous sommes le vendredy 3 e jour d’8bre audit an [vendredi 03/10/1614], rendus au village de Belleydoux, vu et visité les lieux auxquels nous étoit mander planter limites [… (et le lendemain 4e du mois, samedi 04/10/1614, étant accompagné de)…(Me Etienne Devaux curial de Montanges)…(tous de la part de France… et de Bourgogne)…], nous sommes acheminez au pré appelé Pré Contant, autrement au Pré aux Seigneurs auquel, comme étant en notre chemin et place proche et limitrophe des villages de Beilleydoux et des Ebouchoux, avons commencé de procéder, et en ce faisant mesuré et compassé ledit pré en toute sa carrure et contenue, tellement qu’après avoir treuvé le milieu d’iceluy, dont les parties [députés] respectivement de chaque côté sont demeurés d’accord, nous avons au milieu du pré planté une pierre en forme de borne et limite pour la séparation desdites terres et souverainetés, ladite pierre marquée des armoiries de S.M.T.C. du côté de vent, et à l’oposite de celles des Sérénissimes Archiducs Comtes de Bourgogne du coté de bize, les deux autre faces de ladite pierre non marquée regardant l’une contre le couchant et l’autre contre l’orient, à la charge et condition, ainsy arrêtée et convenue entre lesdites parties que comme ladite pierre étoit la plus éloignée devers le couchant des limites portées par notre commisson et que nous étions encore incertains en quel lieu elle devoit avoir son aspect dudit côté de couchant, elle ne pourroit servir par le moyen de sondit aspect à limiter les autres terres qui ne sont point bornées ni limitées dudit couchant, ains [mais] seulement pour tirer à droit fil contre le Four de la Pelette du côté d’orient." [AD21, C3527, p. 28 et 35v°-36v° du procès-verbal (p. 539 et 546v°-547v° de la pagination réelle au crayon)].
Remerciements : Famille Chessel/Maréchallat (calque) ; Eric Toiseux et Michel Blanc (Carte-postale). Montage photographique du calque : Ghislain Lancel.
Première publication le 19 mars 2011. Dernière mise à jour de cette page, le 26 août 2011.