Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Familles de la Chandelette

La ferme de la Chandelette (Champ Delette) est située en basse montagne, à 800 mètres d’altitude, isolée peu après le hameau du Bordaz, à la sortie de Champfromier (IGN 3328 OT, GPS 5120,2 ; 716,7).

 


Photo prise devant le mur ouest de la Chandelette (pratiquement inchangé), entre la porte et l'angle du mur, vers 1917
A droite, Joseph Ducret et Marie Neyron (dite Joséphine), son épouse
De gauche à droite, quelques-uns de leurs enfants et petits enfants :
Alfred Richerot et Clara Ducret, son épouse tenant leur fils Louis Richerot ;
Valérie, épouse Bornet, et son fils Julien (né en mars 1915)  ;
Henriette Ducret.

Les premiers temps : La Chanelletaz

La Chanelletaz et son propriétaire, sont connus à l'occasion d'une délimition de terre de communaux vendue en 1701 : "Une pièce de terre de la semaille de 10 mesures, située audit lieu de Champfromier, dépendant des communaux dudit lieu, appelée En la Chanelletaz, que jouxte le commun des levant, couchant et bise, et les maison, pré et terre de Jean Tornier [9928] blanchisseur du vent". Par chance, l'acte a deux versions, et la seconde (restreignant la parcelle à 8 mesures et en augmentant le prix de 18 à 30 livres), précise cette que le voisin blanchisseur est "Jean Tornier dit Mermillion" [3E3892, f° 89 (15 juin 1701) et f° 111v (24 août 1701)].

Ce Jean Tournier-Mermillon blanchisseur [9928] est fils de Claude, présumé époux de Clauda Vuy. Il semble né vers 1635 (à Giron ?) En tous cas, il est blanchisseur à son décès en 1702. Il est aussi le vraisemblable blanchisseur créancier dit par erreur "Jean Tavernier-Mermillon" (lire Tournier-Mermillon) en 1695 [3E 14277, f° 99 du 19 mai 1695]. Celui-ci était vivant en 1701, ayant ses terre et maison "En la Chanelletaz" [3E3892, f° 111v (24 août 1701)].

Son fils Joseph Tournier-Mermillon [CI-10332 (naissance reconstituée, avec un frère né "Tournier, dit Mermillon")] est Me blanchisseur de Champfromier (le Bordaz en fait partie) en 1698 [3E 14277, f° 98 du 6 juillet 1698], en juin 1700 [3E 14278, f° 126 du 16 juin 1700]. Frère de Louis, laboureurs et maîtres blanchisseurs demeurant en la Chanellettat, enfants cohéritiers de feu Jean Tornier-Mermillon, leur terrain est redélimité en 1703 [3E14279, f° 87 (28 avril 1703)]. Il est encore communier, blanchisseur, cité en 1710 [3E14280 (f° 7, du 14 février 1710)], et en 1711 [3E14280 (f° 6, du 25 janvier 1711)]. Blanchisseur de Champfromier, honnête fils de Jean, il fait son testament en 1730 [3E17459, Testament, n° 28 (17 juillet 1730)]. Demeurant dans la maison d'un Martin Tournier, il achète pour 800 livres la maison de Malcombe et autres prés et terres en 1733 [3E17446, f° 46 (10 mars 1733)]. Le dit testament de Joseph [10332] semble indiquer qu'en cette année 1730, il n'était que locataire, sa maison appartenant en fait à Martin Tornier [10311] demeurant en la grange de Cubleze, paroisse de La Balme sur Cerdon [Ain]. Sinon c'est qu'il n'avait pas rédigé son testament dans sa maison.

Joseph étant décédé en avril 1733, ses deux fils vivants, Pierre [8032] et François [10424], se partagent les biens paternels dès avril 1736. Entre autres, le lot de Pierre comprend une maison, et encore une terre et la demie d'une autre, les maison, chaux et source de la Chandelette, et le lot de François, outre les maison et biens de Mala Combaz, comprend un pré clos et une demie terre à la Chandelette, la fontaine y restant indivise, en avril 1736 [3E17448b, f° 66].

Pierre Tournier-Mermillon [8032], est cité sous ce nom dans le recensement de 1781 à la Chandellette (mais vivait seul au bourg en 1774). Il est le père de Joseph [8031], qui suivra. Son frère, François Tournier [10424] est blanchisseur, époux de Marie Tournier, en 1742 [3E17461, Testament 182 (18 mars 1742)].

Dénombrements de 1774 et 1781 : Famille Tournier-Mermillon, en la Chandellette

La plus ancienne mention actuellement connue d'habitants à la Chandelette, et donc d'existence de la maison, date de novembre 1774. On la trouve dans le dénombrement de l'abbé Genolin. La maison (ou maisonnée) 64 est celle dite En la Chandellette. Ne vivent alors en cette maison que quatre personnes. Joseph Tournier-Mermillon [CI-8031] en est le chef de famille. D'après d'autres sources (registres paroissiaux), on sait qu'il est le fils de Pierre et de Louise Bornet, et qu'il est alors âgé de 42 ans environ. Le baptême de Joseph manque à Champfromier, contrairement à ceux de ses frères et sœurs. Son épouse est Louise-Marie Humbert (30 ans), de la famille bien connue du Collet puis de la grange du Chatey (ou elle figure encore, en doublon !) Ils ont deux enfants, François et Sabine (10 ans et 8 ans).

Le second recensement Genolin, en surcharge du même manuscrit, pour l'année 1781, rajoute en tête Pierre Tournier-Mermillon, veuf (de Louise Bornet et père de Joseph). Il a donc rejoint son fils à la Chandelette puisqu'en 1774 il vivait seul dans une maison du bourg. Pierre est alors âgé de 78 ans environ. Son baptême manque aussi à Champfromier, s'il est bien natif de ce village. Il a aussi été reconstitué [CI-8032]. Le reste de la maisonnée n'a pas changé, sauf qu'elle qu'une servante est maintenant présente aussi (du nom de Norbey, native de Giron).

Joseph Tournier, ce fils de Pierre, décèdera curieusement sous un nouveau pseudonyme, "La Mia", lequel deviendra la nouvelle marque distinctive des Mermillon durant au moins deux générations. Ce pseudo de Lamiat, La-Mia, est peut-être toute simplement celui du prénom composé de son épouse, Louise-Marie Humbert, prénom gentiment déformé en La-Mia. Parmi tous les Tournier, Joseph aurait donc été identifié comme étant celui qui épousa La-Mia, la Marie. Il est décédé le 2 mai 1800 à la "Chandeleta". De son épouse il avait eu deux enfants dont le fils François recensé en 1774 [CI-2721, né en 1764, dit Mermillon] qui épousa Marie Monet, décédée en 1828 à la "Chandelletaz". Leur fils André [4148], de bonnes mœurs, demeurant à la Chandelletaz, est nommé garde-champêtre en 1821 [RD07, f° 86 (26/08/1821)].

Etat des sections et plan de 1833 : Tournier-LaMia

Les plans manuscrits de 1833 placent l’habitation au centre d’une zone grossièrement triangulaire, dans la 6feuille de la Section D (feuille n° 22), sous le numéro D 1805 (Voir le plan). La maison y est rectangulaire (et non carrée, comme elle l’est actuellement), coloriée en rouge, avec une petite excroissance côté sud qui ne peut correspondre qu’à l’emplacement de l’ancien four. La maison est située dans une belle parcelle triangulaire D 1804, de laquelle sont dissociées deux petites parcelles de nature différentes (D 1806 et 1807, terres au lieu de prés). Curieusement les deux versions des plans n’ont pas rigoureusement les mêmes mentions : l’exemplaire de la mairie mentionnent le lieu-dit Champ Delette sur la feuille d’assemblage mais l’omet sur la feuille de section, alors que l’exemplaire des Archives Départementales de l’Ain fait le contraire : pas de mention sur la feuille d’assemblage, mais lieu-dit Champ-Delette correctement porté sur la feuille de section D6 !

L’accès pédestre à l’habitation depuis le Bordaz se faisait par un sentier, que l’on peut encore deviner, partant au-dessus du virage de la maison Bacquet et arrivant au milieu de l’actuel chemin d’accès à la Chandelette, mi-communal et mi-privé (au niveau des bornes, qui rappellent l’ancien découpage des parcelles).

L’Etat des Sections (de l’atlas de 1833) est aussi double. Les exemplaires nous apprennent que les héritiers de François Tournier-Lamiat [CI-2721, époux Marie-Joséphine Monet] sont propriétaires. Celui des Archives départementales mentionne : D 1805 ; Tournier, id. [lire : Les héritiers de F(ranç)ois Tournier, (dit) Lamiat, au Chandelette, CI-2721] ; maison, 3e catégorie ; 6 francs de revenu ; 1 porte cochère ou charretière ; 5 ouv(ertures). La ligne suivante reprend en tout point la précédente mais pour le sol de la maison, avec une superficie de 2,30 ares de 1ère catégorie ; 0,40 franc de revenu et 1 porte cochère ou charretière. La grande parcelle D 1804 (1,99 ha de pré et terre) est au même nom, contrairement aux parcelles de terres enclavées 1806 et 1807 (appartenant à André Tournier [4148] et Jean Ducret de Mermettes au Bordaz). L’exemplaire de la mairie est légèrement différent et moins précis ( LaMia, au lieu de Lamiat, etc).

Recensements de 1841-66 : Tournier-Mermillon

En 1841 le recensement nous apprend que vivent à la Chandelette (mais elle n'est pas dénommée) trois fils de François et Marie-Joséphine Monet, fils encore dits Tournier-Mias : André, Benoît et François [CI-4148, 3945 et 4341]. André étant le seul marié, il est le chef de famille, propriétaire-cultivateur âgé de 44 ans. Son épouse est Julienne Julian et ils ont une fille dite Marie (Marie-Françoise) âgée de 4 ans. Les registres d'état civil nous précisent que les trois frères sont fils de François et de Marie-Josèphe Monet, le père étant un Tournier-Mermillon (et non Mias). Les cinq autres enfants, dont deux mariés, sont déjà tous décédés.

En 1851, c'est à l'ancienneté que Benoît devient le chef de famille. Françoise a une sœur Rosalie.

En 1861 il n'y a plus d'enfants et André, toujours le seul marié des trois frères est redevenu le chef. En 1866, la "Chandellette" est citée pour la première fois dans un recensement. Benoît est mort. Par contre sont arrivés Joseph Neyron et sa fille Joséphine âgée de 5 ans. Joseph Neyron, cultivateur natif de Géovreisset (Ain), avait épousé Rosalie Tournier, la cadette d'André, en 1860, mais elle était décédée en 1864, âgée de seulement 21 ans. Joseph est un "boquin", dans le patois du pays ce terme signifie que c'est l'homme qui vient habiter chez sa femme. Il en sera de même avec le futur mari de Joséphine.

Recensements de 1872-76 : Neyron

Après le décès de presque tous les représentants de la famille Tournier, André [CI-4148] est parti vivre à Communal avec d'autres membres de sa famille, et ne vivent donc plus à la Chandelette en 1872 que Joseph Neyron et sa fille Joséphine. Et il en sera de même en 1876.

Recensements de 1881-1926 : Joseph Ducret

Joseph Ducret [CI-6064, fils de Victor et de Marie-Agathe Nicollet, dit dans la tradition orale de la branche des Ducret-Mermettes sans en savoir le pourquoi] épouse Marie-Joséphine Neyron en 1880. Dès lors il sera le chef de la Chandelette, jusqu'à son décès en 1927, âgé de 74 ans. Dix enfants vont naître de cette union : Victor (°1880), Edouard (mort à 8 ans), Henri, Vincent 1 (mort à 9 ans), Valérie, Clara, Maria (morte à 13 ans), Vincent 2, Hélène (morte à 3 mois) et Henriette, la dernière, née en 1902. Famille de cultivateurs, un domestique viendra parfois les aider, comme en 1886 (un Joseph Ducret, un de plus !)

Ils seront jusqu'à huit personnes à habiter sous ce même toit. Puis, au fil des décès et des mariages des filles, les effectifs diminueront. Au recensement de 1921, il n'y a plus que quatre personnes, les parents, Victor le fils aîné, et Henriette, la petite dernière que 22 ans séparent ! En 1926, Joseph est âgé de 73 ans (il mourra l'année suivante) et ne vivent alors plus avec lui à la maison que sa femme et Henriette. Valérie épousa Urbain Bornet, Clara se maria avec Alfred Richerot et Henriette épousa Louis Marquis, tous de Champfromier.

Valérie Ducret, qui avait épousé Urbain Bornet en 1914, s'en était allée au Pont d'Enfer, où il fut cordonnier. Mais durant la Première Guerre mondiale, son mari étant mobilisé, elle était revenue vivre à la Chandelette, et Julien Bornet son premier fils y est né. Pour la petite histoire, il est né le 10 mars 1915, dans la pièce du fond, "lo poèle" (le poêle). Il y avait alors deux mètres de neige, ça bouchait complètement la fenêtre, elle arrivait à ras en haut ! La tante de Julien, Clorinthe Bornet, était quand même venue à pied du Pont d’Enfer ! Julien, c’était son deuxième prénom. Sa mère ne voulait pas l’appeler Joseph, comme tout le monde. Mais comme le père était à la guerre, c’est Joseph Ducret, le grand-père maternel, qui l’avait déclaré à la mairie, et, naturellement, il lui a donné... son propre prénom en premier, Joseph... (et Julien en second prénom, le seul qui ait ensuite été retenu comme prénom usuel).

Marie-Thérèse Godet, née Marquis, petite-fille de Marie Neyron, témoigne de souvenirs encore très vifs de la Chandelette et de ses occupants dont elle conserve précieusement les photographies. Marie Neyron vient de Géovreset. Elle était la fille d’un instituteur mais elle sera illettrée toute sa vie. C’est pourtant elle qui possédait la Chandelette, et non son mari, qui était donc un boquin ! Valérie s'installa après son mariage au Pont-d'Enfer où son mari Urbain Bornet était cordonnier. Ils eurent cinq enfants que la guerre, la maladie et la fatalité n'épargnèrent pas tous. Vincent, le second de ce prénom, eut un bras coupé à la guerre. Avec sa femme, ils furent serviteurs dans une maison bourgeoise et eurent une fille Simone, mariée à un américain. Marie Louise Hélène est morte âgée de 3 mois. A l’époque on disait qu’elle était morte, alors que sa mère l’avait descendue pour la première fois au village, du bruit assourdissant des cloches de l’église… Henriette, la petite dernière des dix enfants, épousa Louis-Joseph Marquis, de Communal, et eut deux enfants, Marie-Thérèse, à qui l'on doit ces témoignages, et Henry, mort célibataire.

Deux réalisations à mettre au nom de Joseph Ducret, nous sont parvenues. D’une part une jolie enseigne dont on ne devine pas l’utilité en tôle perforée : « DUCRET * JOSEPH – CHANDELETTE », et surtout l’agrandissement de la maison à sa taille actuelle. La maison de la parcelle D 1805 subit une augmentation de construction relevée dans la matrice des modifications (Archives) pour 1882, 1883 ou 1891, visible sur le plan des modifications de 1965 (Archives) et qui correspond à la cuisine actuelle au mur recouvert de tavaillons.

Recensements de 1936-1946 : Victor Ducret

Victor Ducret [CI-6725], encore connu de nos jours dans les mémoires comme ayant été "Le grand de la Chandelette". Il était l'aîné des fils de Joseph. Il épousa une Marie Tournier du Bordaz en 1922 et il alla s'installer dans la ferme voisine de Barbouillon. Malheureusement son épouse mourut un an après leur mariage, Victor est dit voiturier demeurant seul au Barbouillon au recensement de 1926. Il reviendra ensuite et définitivement à la Chandelette, où il meurt le 26 juin 1948, sans postérité. Il fut certainement le cordier émérite cité pour les cordes sur lesquelles le linge de l'hôtel Tournier était étendu pour sécher.

Jusqu'à cette époque la vie à la Chandelette, comme dans toutes les autres fermes isolées, y était rustique. L'électrification de la Chandelette ne date que de 1945. L'évènement était d'importance et la date en fut gravée sur un joint au ciment en bas du mur d'arrivée. Il n'y avait pas l'eau courante, mais seulement l'eau de source du puits attenant. En 2009 rien n'a d'ailleurs changé : électricité mais pas de raccord au réseau d'eau...

Jean Vallet, avait fêté ses 89 ans en 2004. Il se souvenait : Victor Ducret avait épousé une fille Tournier et ils s’étaient installés dans la maison de Barbouillon (aujourd’hui en ruine), près de la Chandelette. Il y avait d’ailleurs deux logements dans cette maison, le second étant occupé par une femme dérangée qui ne sortait de chez elle que la nuit... L’épouse de Victor décéda peu de temps après son mariage, de la tuberculose. Victor n’eut donc pas de postérité et il retourna alors habiter à la Chandelette. Il n’avait pas de vaches mais seulement des bœufs. L’été il montait avec ses bœufs et séjournait pour trois mois vers le Pas du bœuf, dans son autre habitation à Cinq-Chalets, aussi dénommée la Chandelette. Il y retrouvait un ami, un vieux (de Communal ?). Son activité lui permettait de vivre simplement. Il faisait du débardage (transport des arbres de leur lieu d’abattage à un chemin) ou du charroie (transport des troncs jusqu’à la scierie). Il avait une réputation d’homme rustre, et au village les veuves voulant que leurs filles soient sages les menaçaient : « Si tu n’es pas sage, maman se remariera avec le monsieur de la Chandelette ! ». Mais en fait son allure un peu austère était celle de tous les hommes, vêtus traditionnellement de la blouse grise et du grand chapeau. D’ailleurs certains enfants se réjouissaient de la menace... à l’idée de manger les cerises du lieu !

Maison vide (1949-1964)

Après le décès de Victor Ducret, les héritiers sont ses beaux-frères. Les prairies continuent alors d'être exploitées, pour le foin, mais la maison est laissée à l'abandon, durant une quinzaine d'années. La vente de cette maison s'impose alors avant qu'elle ne devienne une ruine.

La maison reprend vie en 1965

Vers 1965, Jules Valero, de la région lyonnaise, achète cette ferme abandonnée, comme résidence secondaire d’été. Avec son épouse, ils y viendront durant une trentaine d'années avant de revendre la maison à Marie-Claude Bordat, le 19 mai 1998.

 

Remerciements et photo : Mme Marie-Thérèse Godet, née Marquis (Charix), Mme Jeannine Jacquemoux, née Bornet (St-Genis-Pouilly).

Première publication, 2009. Dernière mise à jour de cette page, le 5 novembre 2016.

 

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