| Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
En 1895, Me Michel-Louis Budin, notaire de Châtillon-de-Michaille, avait acquis un appareil photographique. Durant deux ans il prit une centaine de clichés, de grande qualité et de grand format, immortalisant les rues et les activités de son village et des hameaux (granges), et parfois aussi de villages voisins ou même d'autres villes (jusqu'à Lyon). Ces clichés monochromes dont on excusera le vieillissement et souvent la trace sur la droite des marques des pinces utilisées lors des bains de développement ont été rassemblés en un album, comportant les précieuses mentions du lieu et de la date.
A la fin du XIXe siècle, autour de la place centrale (et de sa fontaine qui servait de centre au rond-point), plusieurs hôtels de Châtillon-en-Michaille avaient encore pignon sur rue pour accueillir les touristes, venus en nombre depuis l'époque des diligences en cet accueillant village situé sur la Grande route de Lyon à Genève.
Voici au premier plan l'hôtel à l'enseigne HOTEL JOLLIET, puis une vue comparative en couleurs cadrée de manière semblable en 2023, et aussi une superbe proposition de colorisation à l'ancienne (après l'historique récent de cet hôtel-café).
Comme on le voit, l'aspect global de la Grande Rue, désormais la Rue Aimé Bonneville, n'a guère changé. Mais, autour de la place, un appentis a disparu, et le mur sur lequel il s'appuyait accueille désormais un très agréable trompe l'oeil, de diverses personnalités significatives de l'histoire du village. L'hôtel de 1895, encore à l'ancienne enseigne "Hôtel Jolliet" a, lui, été remplacé de nos jours par une pharmacie.
En 1895, l'hôtel-café Jolliet, paraissait en réalité tenu par Joseph Berthet. En effet, depuis le 5 octobre 1884, par-devant Me Budin (acte n° 182), le fonds de commerce Jolliet avait été vendu pour 8.000 francs à Mr Berthet : "Mr Joseph Jolliet, maître d'hôtel demeurant à Châtillon de Michaille, a vendu à Mr Joseph Berthet, aubergiste, et à Mme Elisa Barbier sa femme, demeurant ensemble à Trébillet, commune de Châtillon de Michaille, le fonds d'hôtel et de café que Mr Jolliet exploite à Châtillon de Michaille, et qui est connu sous le nom de « Hôtel Jolliet », ce fonds consistant en la clientèle et l'achalandage (200 francs), en marchandises neuves (1.000 francs), meubles, cheval, voitures, etc. (6.800 francs), soit un total de 8.000 francs. Parmi l'état descriptif et estimatifs des objets et marchandises garnissant l'hôtel, on retiendra, un billard dans la salle de café au rez-de-chaussée, 2 tables de 14 couverts au 1er étage, 5 chambres réparties aux 1er et 2e étage, un cheval dans l'écurie, et, pour les marchandises "neuves", 300 bouteilles de vin vieux de diverses qualités, 5 hectolitres de vin ordinaire, et 30 litres d'eaux de vie et liqueurs..."
Au fonds de commerce, s'ajoutait pour l'acquéreur la location du bâtiment, maison d'habitation et d'exploitation, situé sur la Place publique, ainsi que les écurie, buanderie, etc. passée le même jour (acte n° 185), un bail prévu pour 18 ans au loyer annuel de 1.000 francs). Cette location comprenait un appartement indépendant, alors occupé par Mr Bret, huissier.
La maison (parcelle A213 des plans napoléoniens) avait été acquise par adjudication, acte dressé par Me Vuillermoz le 9 décembre 1883, contre la communauté Alexandre Ballivet et Marie-Antoinette Jolliet sa femme, au bénéfice de Joseph Jolliet (17.000 francs) et la veuve Ballivet (8.000 francs)].
La vente et le bail furent sembleraient toutefois très vite dénoncés. En effet, à la date du 5 juin 1888, le répertoire du notaire mentionne : "Rétrocession de vente mobilière et résiliation de bail par Berthet Joseph et Elisa Barbier sa femme de Châtillon, à Jolliet Joseph de Beauvais (Oise)" [Vue 52/114]. On peut imaginer que depuis 1858 et l'ouverture de la nouvelle voie ferrée de Lyon à Genève ne passant plus par Châtillon mais par Culoz, le tourisme à Châtillon avait continué à décroître... Toutefois les recensements attestent que leur activité en cette maison se poursuivit jusqu'en 1891, et même encore, mais en tant qu'épicerie jusqu'en 1906 !
Pour le plaisir des yeux, apprécions cette belle colorisation à l'ancienne, imaginée et réalisée par Eric Toiseux à partir de l'original :
Source et crédit photographique de l'original : Album de Me Michel-Louis Budin (1895-1896), ancien notaire de Châtillon-en-Michaille. Collection Lucienne Budin, sa fille, épouse Crochet, album numérisé par Ghislain Lancel, avec l'agrément de Pierre Brisset, petit-fils de Lucienne (Cliché n° 6).
Clichés Ghislain Lancel (Photo actualisée, le 23/08/23).
Remerciements : Eric Toiseux (colorisation).
Publication : Ghislain Lancel.
Première publication le 4 octobre 2023. Dernière mise à jour de cette page, 03/04/25.