Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Châtillon-en-Michaille
Tacon le Bas, Maison Merme

 

Tacon le Bas est un hameau de Châtillon-en-Michaille (Ain) qui était jadis traversé par le Chemin des diligences de Lyon à Genève, et qui fut ensuite la grande route, avant que celle-ci ne soit rectifiée pour devenir l'actuelle RD 1084, délaissant à quelques dizaines de mètres une boucle de son ancien tracé pour la bien agréable tranquillité des habitants des quelques maisons de ce hameau.

Sur la route...

Plaque routière

Une maison, récemment achetée par la famille Kotlyar aux Vion-Dury/Merme, y retient l'attention avec deux références à la circulation routière d'il y a presque un siècle.

Il s'agit d'abord d'une plaque routière (fortement rouillée) apposée en haut à droite du mur de façade par le département de l'Ain, mentionnant La Voûte (Hameau de St-Germain de Joux) et Châtillon.

On remarque surtout un mur pignon entièrement recouvert de publicités à usage des automobilistes fortunés et grands voyageurs.

Publicité Hotchkiss Logo Hotchkiss Hotchkiss

On devine deux publicités se recouvrant partiellement. La plus ancienne, de couleur bistre, concerne la marque automobile Hotchkiss fabriquant de voitures de luxe à Saint-Denis et Paris entre 1903 et 1955. Cette marque est apposée entre les deux bases de la toiture du bâtiment, en majuscules, HOTCHKISS, avec les deux S encore bien visibles. Au-dessus est un grand logo de la marque (avec une sorte de diamant au sommet), tandis qu'au-dessous, on propose une "(VENTE AU DE)TAIL". D'autres publicités semblables sont connues pour les années trente, encore visibles en août 1944 (voir avec le char M20 Armored Utility Car).

Recouvrant cette publicité, on peut en déchiffrer deux autres, l'une en haut rédigée en noir, concernant un CASI(NO), avec sa ROULETTE (présumé à Divonne), tandis que celle en-dessous est à dominante de couleur bleue, concernant la CITE ROMAINE, (TO)UR DE MARE, RN7 21 rue de FREJUS. La Tour de Mare, était un lieu réputé dans les années 50-70 pour les vacances, sur la mythique RN7, avec parc d'attraction et piscine. Ce lieu a été loti et est devenu un des quartiers huppés de Fréjus.

Les nouveaux propriétaires (depuis 2022), un jeune couple, ne refuseraient pas une aide pour remettre en valeurs les marques du patrimoine routier de leur maison.

Propriétaires et occupants

Madame Jeanine Merme, qui habita cette maison de 1936 à 1955, aime à évoquer quelques souvenirs, ceux de son institutrice, la célibataire qu'il fallait appeler "Mademoiselle Hortense", le catéchisme qui se faisait au presbytère de Châtillon, à côté de l'église, et où il fallait aller à pied ! Mais l'abbé Simon aimait bien les petites de la campagne ; l'hiver il leur préparait des boissons chaudes, alors que les gamines s'étaient amusées sur le trajet à sucer des glaçons qu'elles détachaient des parois abruptes du chemin !

Cette maison, construite sur la parcelle B1130 de la feuille B4 des plans napoléoniens (vers 1832), d'une surface de 120 m², appartenait alors aux héritiers de Pierre Sérignat de Tacon. Ce dernier semble décédé dès 1819, époux de Josephte Dormillon (Drumillon), laissant orphelins de jeunes enfants, des filles. La succession concernant la maison n'intervient donc que bien plus tard en 1860 [Registre des propriétés (case 340, en ligne vue 408/434)].

Dès lors la maison passe aux Merme, des agriculteurs de père en fils, et elle le restera de 1860 jusqu'en 1910 et au-delà, avec toujours la même superficie de 120 m² et 5 ouvertures (imposition au nombre de fenêtres). Le premier acquéreur de la succession est "Jean Merme de Tacon", gros propriétaire dont la liste des biens nécessite deux pages du registre (55 parcelles, dont deux avec maisons en B1097 et B1195 à Tacon le Haut et Chez Pillet, acquises entre 1839 et 1871) [case 408 (tome 2, vue 50/365), continuée en case 466]. Ce Jean semble bien être le Jean-François Merme, né à Lancrans le 27 janvier 1780, fils de Jacques et de Antoinette Neyroud, marié avec Marie Ducret en l'an VII à Collonges (chef-lieu du canton des époux). Il aurait vécu très vieux, avec une acquisition tardive de cette maison de Tacon le Bas, sans toutefois jamais l'y l'habiter.

Son fils Jean-Pierre (né à Lancrans en 1800, époux de Jeanne Brun) hérite peu avant sa mort de cette maison et n'en est propriétaire que 3 ans, de 1871 à 1874 [case 318 (vue 388/434)]. Elle passe ensuite à son fils Jean (plus souvent dit Jean-François ou François, né à Châtillon en 1838, époux de Virginie Monnet), de 1874 à 1882 [tome 2, case 541 (vue 181/356)], le couple occupant la maison, au moins dès 1876. Elle passe enfin à leur fils Jean-Auguste (dit Auguste, époux de Marie Joux), étonnamment dit charron à Tacon [tome 2, case 541 (vue 181/356)], qui devient chef de famille restant dans cette même maison à partir du recensement de 1911 et jusqu'à celui de 1954.

Les recensements et les souvenirs des familles voient aussi habiter dans cette maison Léon Merme (né en 1905), fils du précédent, et Henriette Vion-Dury son épouse (recensement de 1936), puis Henriette (épouse en secondes noces de Georges Bornet, recensée en cette maison de 1962 à 1975. Entre temps, le couple des parents, Auguste et son épouse, sont aller habiter à Tacon le Haut, où ils sont recensés séparément dès 1946.

La famille conserve un précieux cliché, sans date (mais le vélo et les tenues vestimentaires sont toutefois d'avant guerre).

La photo est prise sur la gauche de la façade de la maison. On y reconnaît encore la porte (à gauche), l'encadrement de la petite fenêtre murée (probablement pour atténuer l'imposition), et la grande fenêtre à volets où le linteau en bois est désormais sectionné pour laisser place à une seconde porte.

Sur ce cliché devraient se retrouver les quatre personnes recensées dans cette maison en 1836 : Jean (Auguste) Merme, cultivateur, chef de famille âgé de 65 ans, et Marie Merme (Joux), son épouse âgée de 58 ans (tous deux dans l'embrassure de la porte ?), Léon (Aimé Léon) Merme leur fils, 31 ans, cultivateur (décédé peu après), et Henriette Vion-Dury, son épouse, 27 ans. Le fait que cette photo soit restée dans la famille laisse penser que Léon conduit les bœufs, et que son épouse tient leur enfant dans les bras, Jeanine, née en 1936 peu après le recensement. Si l'enfant dans les bras est âgée de 2 ans, alors ce cliché daterait de l'année 1938.

A noter qu'Henriette s'étant remariée, l'homme aux bœufs pourrait éventuellement être Georges Bornet, son époux en secondes noces (à trouver les dates du décès de Léon et remariage).

 

Sources : Registres des propriétés bâties et non bâties ; Recensements mis en fichier par Ghislain Lancel. Photo des publicités par Ghislain Lancel (06/04/2025).

Publication : Ghislain Lancel. Remerciements : Familles Merme et Kotlyar, Victor Noirot (numérisation avec les bœufs).

Première publication, le 25 juin 2025 Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

<< Retour : Accueil Châtillon