Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Un François Joly de Forens [Présumé CI-6755 du fichier PHC des baptêmes de Chézery, connu par une reconnaissance à l'abbé-seigneur en 1608] rappelle un triste événement survenu du temps de l'usage du fameux Chemin des Espagnols. En effet, sa maison, servit de lieu de ravitaillement à l'étape de Noirecombe pour les 6000 gens de guerre italiens conduits par le prince d'Avelino (en 1605), en campement à proximité, et brûla accidentellement. Si François Joly n'est pas mort dans l'incendie de sa maison, par contre deux pères de famille y laissèrent la vie. François Collongier, chargé de munitionner les troupes (de délivrer le pain cuit), rapporte : "et peu s'en fallut que le déposant n'y fut engagé et surpris comme deux hommes de Cheysery y furent consumés par le feu, ayant laissé chacun cinq enfants". En 1753, le souvenir du lieu du drame semblait encore conservé sur une carte de Durieu par la mention "Fontaine Jouli". Le lieu du campement de tous les fantassins (qui n'a jamais été recherché par aucun archéologue) se trouvait donc à proximité de cette maison, sur les terrains agricoles situés après « Combe-Noire » (le Combet) et juste avant l'entrée dans le bois (vers le Corps de garde). L'avantage de ce site, outre qu'il est relativement plat et situé à peu de distance d'habitations, est qu'il possédait une source au bord du chemin ! Cette source, qui alimentait ordinairement en eau potable les maisons du Combet, est située à la jonction avec le chemin de Cametran. L'au y coule encore, sans être très abondante.
On connait deux principaux pseudonymes Joly à Chézery-Forens (Ain), ce sont les Ranquin et les Billot. Mais c'est oublier bien vite les Pichot et Gosset qui figuraient avec un Billot parmi les 8 reconnaissances Joly de 1608 envers l'abbé de Chézery. La nécessité de leur adjoindre des pseudonymes pour les différencier dès cette époque témoigne qu'ils étaient alors nombreux à demeurer en cette paroisse ou à proximité. Ces reconnaissances sous-entendent aussi que ce sont des agriculteurs ayant déjà parcelles leur appartenant. Plus tard, on relève aussi quelques hommes portant les pseudonymes de La Croix, et un Cotton. Le plus ancien Joly reconstitué est un Henry Joly-Ranquin [15428], né vers 1549, ayant une postérité, et qui apparait comme un ancêtre des Ranquin. On trouve principalement les ancêtres connus des Joly dans la montagne, à proximité de la paroisse voisine de Champfromier, au nord-ouest de Chézery. Plus tard certains Joly s'établissent à La Rivière et à Menthières. Des Ranquin et Joly sans pseudonymes sont présents aussi à Champfromier (baptêmes, mariages et sépultures, principalement au XVIIe siècle).
Le pseudonyme Ranquin est attesté dès le milieu du XVIe siècle. Il est peu douteux qu'il soit à l'origine de plusieurs microtoponymes, ou que ce soit le contraire pour l'un d'eux. Citons "la Combe à Ranquin" et "La Feuillée (le petit bois) à Ranquin", à Champfromier, tous deux non loin de la Borne au Lion. Ce dernier microtoponyme est connu en 1733 sous de nombreuses graphies : "Feuille à Ranquin, La Feuillé à Ranquin, Fuillé Ranquin, Fouillé Ranquin" [3E17447, f° 169 (16 juin 1733)].
"La Pierre Ranquin" est voisine de la spectaculaire Pierre Longue (cartes IGN), toutes deux positionnant la limite communale entre Champfromier et Chézery, au nord de Haute Crête. Lucas Grenard les décrit ainsi : la "Pierre Longue" (est) un gigantesque monolithe (tandis que) "la Pierre Ranquin a l'air d'un bloc erratique, mais fait plutôt partie d'un éboulis, véritable chaos" [Lucas Grenard, Dans le Val Chézerand, 1955, p.30].
Un Bernard Joly dit Ranquind, avait acquis d'un François Filiassier des biens (probablement une échute, située à Noirecombe, acquise de l'abbaye en 1553), dont l'obligation fut transformée en une rente par Guillaume Famy de Forens en 1709 [AD74, 6C672, f° 342v (En ligne, vue 767)]. Si c'est ce même Bernard, un droit de vache de sépulture le concernant fut négocié en 1675 avec l'abbaye à 9 livres [AD73, SA 3438, recette n° 7].
Des Joly-Ranquin, principalement de Forens, semblent avoir tous pour père un Jean-Claude [7365], marié 2 ou 3 fois, riche exploitant qui paye 19 livres 5 sols de taille, en 1697, soit près de 3 fois la moyenne des tailles dans cette paroisse [AD01, C 668, f° 556]. Il est aussi bien probable que c'est lui qui, en 1689, loue des domaines du Sieur Claude-François Demermety à Champfromier, ceux (ou partie) de Buclaloup et de Pré Brun, et les granges du Nerbier, du Berbois et du Remble [Vandembeusche, La Combe d'Evuaz, p. 63]. A n'en pas douter c'est aussi ce Jean-Claude Joly dit Ranquin qui avait amodié de l'Abbaye, jusqu'au 17 janvier 1702, sans renouvellement, la Grange de Toyry avec une pièce dite la Rendue [G. Lancel, Abbaye de Chézery, p. 168]. Ce Jean-Claude est fils d'un Louis, qui a de fortes chances d'être Louys Joly dit Ranquin de Forens [4347], dont Rolande Verchiere dit Fiolet, son épouse, remporte le 22 juillet 1685 auprès du cellérier de l'abbaye les enchères descendantes sur la dîme des chanvres rière le lieu de Forens, et les hameaux en dépendant, "pour le prix et quantité de 5 rangs et une aune de toile (de) rite, aulnage dudit Cheysery » [3E17066, f° 1815v].
Au début du XVIIe siècle un Joly-Ranquin fait l'acquisition d'une parcelle délaissée par les moines de l'abbaye au nord de la Montagne des Moines, non loin de Pierre Longue évoquée. Le 13 mai 1609, aux Ramas, au sud de Chalam, l'abergement par les moines est passé au profit de Thyvent fils de feu Henry Joly dit Ranquin de Forens, sous l'introge de douze-vingt (240) florins monnaie de Savoie. La parcelle acquise est une pièce de pré, bois et rochers de 18 seytives (5 ha) ou environ, inclue dans une plus grande pièce au territoire de Forens, lieu-dit En les Ramas, avec les maisons y étant. La grande parcelle est confinée par le Nant des Ramaz et la terre de Nantua possédée par les habitants de Montanges du couchant ; les prés et le chemin de la Crestaz du levant ; et le pré et bois de Roland Gonguet-Rappoz appelé Buant-Rion du vent (du sud), sous l'introge de 240 florins [3E17029, f° 371].
Les Joly-Billot sont, pour ceux identifiés, des descendants d'un Philibert Joly-Billot [6220] né vers 1656 ; d'un Jean Joly-Billot [15422], né vers 1712 et époux Mermillon, et peut-être aussi d'un Claude "Billot" [6224] né vers 1647. La famille de Philibert était certainement déjà bien établie à Noirecombe. En tous cas son fils Joseph, prend pour partie avec des Vouaillat une rente de 6 florins 6 sols au capital de 130 florins, passée en 1709 au bénéfice des religieux de l'abbaye Chézery. L'enjeu est de poursuivre ainsi l'usage de terres situées dans les environs des lieux-dits Tilleret et Morrène, terres semblant tombées en échute d'un Etienne Vailliat peu avant 1573. Ces Vouillat sont des mineurs de la branche Vailliat-Beney dit Goddet, dont Joseph pourrait avoir épousé une sœur aînée. En 1709, cette rente a pour caution une terre et maison, dont l'un des propriétaires délimitants du côté de bise est un Nicolas Joly, confirmant ainsi l'implantation locale de ces Joly.
Il n'est plus connu qu'un seul Joly dans l'état des sections de Forens, en 1833. C'est un Claude Joly (Billot) [CI-8189] ayant sa maison à Forens et qui mourra en 1839 avec des fils qui seront sans postérité.
Relevés et analyse : Ghislain Lancel. Source : Ghislain Lancel, Le Chemin des Espagnols p. 31, 119 ; Ghislain Lancel, Abbaye de Chézery, pp. 168, 307, 359 ; Fichiers généalogiques PHC de Chézery et de Champfromier.
Première publication de cette page, le 11 janvier 2023. Dernière mise à jour, idem.