Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Durant 161 années, de 1801 à 1962, Forens fut une commune indépendante de Chézery.
Depuis la création des communes en 1790, les hameaux de Forens et de Noire Combe faisaient partie de la commune de Chézery, laquelle passa au département du Léman lors de la création de celui-ci en 1798. Dès lors les deux hameaux situés rive droite de la Valserine, laquelle servait de délimitation au département de l'Ain, se retrouvaient contradictoirement sous l’administration de département du Leman mais soumis aux tribunaux du département de l'Ain !
En 1801, l'Etat intervient. Depuis Paris, le 25 vendémiaire an 9 [17 octobre 1800], le Ministre de l’Intérieur, adresse un courrier au citoyen D’Eymar, préfet du Département du Léman (où par erreur, il s'adresse à lui comme préfet de l’Ain...) où il lui expose la situation, et suggère le rattachement à la commune voisine de Champfromier, dans le département de l'Ain : "Les hameaux de Forens et de Noircombe [sic], citoyen, font partie de la commune de Chézery dont ils sont séparés par la rivière la Valserine, qui sert de limite à votre [sic] département et à celui de l’Ain. Ces hameaux sont même soumis aux tribunaux de ce dernier arrondissement, tandis qu’ils sont sous l’administration de celui du Leman. On demande, pour faire cesser cet ordre de choses, que les deux hameaux soient distraits de la municipalité de Chezery et réunis à celle de Champfromier, département de l’Ain. Je vous invite à me donner votre avis sur la proposition dont il s’agit".
Vexé ou peu réactif, le préfet ne répond pas ! Le 26 brumaire an 9 [17 novembre 1800], il reçoit une nouvelle missive : "l’époque à laquelle ces projets doivent être présentés au Corps Législatif est très prochaine. Je vous invite, par ce motif, à accélérer votre réponse".
D'autres personnes ont toutefois dû intervenir, car le projet de rattachement à Champfromier est abandonné, et un décret de Bonaparte de l'an IX, instaure une nouvelle commune, celle de Forens.
La loi, plus exactement un décret, comporte 4 articles, le premier instituant la commune de Forens, le second traitant des impôts, le troisième précise que les biens communaux seront partagés, et le dernier désigne le Gouvernement pour traiter tous litiges éventuels.
Transcription : "Loi portant que les hameaux de Forens et de Noircombe formeront une municipalité sous le nom de Forens, du 13 pluviôse l’an 9 de la République Française.
Au nom du peuple français,
Bonaparte, premier consul, proclame Loi de la République, le décret suivant, rendu par le corps législatif, le 13 pluviôse l’an 9 [2 février 1801], conformément à la proposition faite par le gouvernement le 3 du même mois, communiquée au tribunal le lendemain.
Décret.
Art. 1er. Les hameaux de Forens et de Noircombe cesseront de faire partie de la Municipalité de Chezery, département de Leman ; ils formeront, sous le nom de Forens, une municipalité particulière qui fera partie du Département de l’Ain.
Art. 2. Jusqu’à l’entier recouvrement des rôles de contribution existants, les contraintes pour leur recouvrement seront délivrées, et il sera statué sur toutes les demandes en décharge et modération par les autorités administratives du département du Léman.
Art. 3. Il sera procédé, d’ici au premier vendémiaire prochain (an X) [23 septembre 1801], et par experts nommés contradictoirement par le Maire de Forens et par celui de Chezery, au partage des biens communaux appartenant à la ci-devant commune de Chezery, de manière à ce que la part afférente aux habitants des ci-devant hameaux de Forens et de Noircombe soit possédée par la commune qu’ils formeront par indivis, comme les autres biens communaux des municipalités de la République.
Art. 4. Les contestations relatives au partage, s’il en survient, seront réglées par le Gouvernement, sur le rapport du Ministre de l’intérieur et sur l’avis des préfets de l’Ain et du Léman, ainsi que toutes autres difficultés relatives à l’exécution de la présente loi." [Fin de la transcription du décret].
La présente loi sera "revêtue du sceau de l’Etat, insérée au Bulletin des Lois, inscrite dans les Registres des autorités judiciaires et administratives, et le Ministre de la Justice chargé d’en surveiller la publication". L'original n'est toutefois pas signé de Bonaparte. En l’absence du premier consul, c'est Jean-Jacques Régis de Cambacérès, second consul, qui signe.
A noter que le flegmatique préfet du Léman sera à nouveau épinglé par le Ministre de l'Intérieur : " Vu la Loi du 13 pluviôse dernier, citoyen préfet, […] les dispositions de cette loi vous sont sans doute déjà connues, par la notification qui a dû vous en être faite par la voix du Bulletin des Lois. Je vous invite donc à ne rien négliger pour en assurer la prompte exécution. Je vous salue" (Missive du 12 ventôse an IX [3 mars 1801]).
Source : AD01, 1M5011.
Publication : Ghislain Lancel.
Première publication le 22 janvier 2019. Dernière mise à jour de cette page, idem.