Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Affaire Vénière (additifs)

 

A peine la page de l'affaire Vénière était-elle mise sur le web que fut proposé un premier additif, un encart provenant d'un autre journal, L'Abeille du Bugey et du Pays de Gex, édition du 20 juin 1909.

Additif de L'Abeille du Bugey et du Pays de Gex

Cet article, vraisemblablement dicté par l'administration, mentionne 35 kilos de tabac pour chacun des quatre contrebandiers, soit 140 kilos de tabac ! Il décrit les faits, de manière sensiblement différente du récit produit par les autres contrebandiers dans le journal local, et mentionne le passé de Vénière, ici, sans complaisance.

"Les drames de la contrebande. Un drame de la contrebande vient de se dérouler, près de Chézery, sur les confins des arrondissements de Nantua et de Gex.

Un contrebandier, nommé Vénière, bien connu dans les tribunaux de Nantua et de Gex, a été tué dans une rencontre avec les douaniers. Voici dans quelles circonstances. Le lieutenant Fontaine suivi du préposé Niogret, tous deux de Champfromier, surveillaient depuis longtemps le ravin où coule la Valserine et où Vénière et ses acolytes faisaient, la hotte au dos, de fréquentes excursions. Lundi soir, vers huit heures et demie, les deux agents de l'Etat se trouvèrent subitement en présence de quatre contrebandiers chargés chacun d'un ballot de tabac de 35 kilos environ. Vénière, qui marchait en tête, se voyant en force, au lieu de fuir, comme cela se passe habituellement en cas de surprise, garda son ballot sur le dos et s'avança, armé de son gourdin, sur le lieutenant Fontaine.

Alors une courte lutte s'engagea, Vénière attaqua le lieutenant. Ce dernier se défendit d'abord avec sa canne qui se brisa et dont les morceaux ont été recueillis plus tard, au cours de l'enquête du Parquet. Le préposé Niogret fut attaqué de la même façon par l'un des trois acolytes de Vénière, pendant que les deux autres attendaient, impassibles, l'issue du combat. Alors, se trouvant sérieusement menacés, désarmés et blessés, les deux douaniers sortirent tous deux leur révolver et firent feu sur leurs agresseurs dont l'un, Vénière, frappé au crâne et à l'abdomen, fut tué. Son camarade ne fut que blessé, car, après avoir roulé dans le ravin, il disparut ainsi que les deux autres contrebandiers, laissant sur le théâtre de la lutte les ballots de tabac qui furent saisis.

Le cadavre de Vénière a été transporté à Chézery où son frère - qui habite Oyonnax - est venu le reconnaître. Quant aux blessures reçues par le lieutenant Fontaine, elles ne mettent pas sa vie en danger quoique ayant intéressé gravement le front et le nez. Le préposé Niogret n'a pas été grièvement blessé.

Tout en regrettant d'avoir tué un homme, le lieutenant Fontaine ne peut s'adresser aucun reproche et sa conscience est bien tranquille. Son redoutable adversaire a fait beaucoup trop parler de lui ces dernières années. Il y a trois ans, sous Saint-Jean-de-Gonville, à la tête d'une bande de sept contrebandiers, il était déjà entré en lutte à main armée contre deux préposés des douanes et il avait placé un révolver sous le menton d'un douanier. L'année dernière encore, il mettait hors de combat deux autres douaniers. Il avait purgé récemment une peine de neuf mois de prison et se trouvait encore sous le coup d'un mandat d'arrêt.

Dans ses vêtements, on trouva un révolver chargé à six coups et dont probablement il n'eut pas le temps de se servir, et dans une poche se trouvaient sept balles."

 

Ce supplément ne change pas l'esprit de la page initiale, on peut même dire qu'il le renforce dans la mesure où l'on y apprend que ce contrebandier n'était pas un tendre, et qu'il avait déjà eu affaire aux douaniers et à la justice. Il est bien certain qu'à l'époque la population avait connaissance de ces faits et gestes antérieurs à l'affaire, ce qui ne l'empêcha pas de soutenir son contrebandier jusqu'à ce que le douanier auteur des coups de feu meurtriers quitte Champfromier. La population savait aussi à quel journal s'adresser pour se faire entendre..., pas celui-ci !

Additif du Petit Gessien

Dans le Pays de Gex, l'affaire faisait naturellement aussi grand bruit. Un journal local donne quelques precisions. A travers le choix des mots, on devine aussi le parti pris par l'écotier :

"Chézery. Echo d'un drame. Le contrebandier Trébichet, complice de l'infortuné Venière, dont nous avons annoncé l'arrestation à Thonon, n'a pas été, en raison de son état de santé, maintenu à la maison d'arrêt. Après examen médical du docteur Ballivet, il a été conduit à l'hôpital de Gex pour y être soigné d'une blessure assez grave à la cuisse droite par une balle qu'il a reçu au cours de la rencontre fatale de Chézery" [Le Petit Gessien (jeudi 29 juillet 1909)].

Conférence Jérôme Phalippou pour PHC (Champfromier, le 15 mars 2014)

Jérôme Phalippou, consultant du musée des douaniers et contrebandiers "la Vieille Douane" à Châtel, a évoqué le cas Vénière lors de sa conférence à Champfromier. Sa grande connaissance des archives régionales lui permet de donner un avis compétant. Et d'abord, que Champfromier est un cas à part, où la population appréciait aussi les douaniers, le plus souvent logés chez l'habitant. Le cas Venière ressort d'une rencontre fortuite (non prévue par dénonciation ou autre, car alors il y aurait eu une troupe bien plus importante de douaniers pour s'attaquer à un récidiviste notoire). Le lieutenant était un homme de bureau, non un homme de terrain, il a perdu son contrôle et a tiré.

 

 

Remerciements : Eric Toiseux (L'Abeille), Gaëtan Noblet (Le Petit Gessien).

Première publication, le 28 janvier 2009. Dernière mise à jour de cette page le 18 mars 2014

 

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