Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
On dispose de quelques informations concernant les douaniers, mais évidemment de beaucoup moins de récits concernant les contrebandiers !
Hormis la présence de familles de douaniers mariés et ayant eu postérité à Champfromier, aujourd'hui le mot douanier n'évoque plus grand souvenir, sauf en ce qui concerne la Caserne, lieu-dit du même nom, et sa prison dont les solides barreaux sont encore présents. Mais l'on ne sait même pas si cette prison a servi au moins une fois !
Des cartes postales représentant des douaniers, cartes sans correspondance mais détenues par des familles du pays, témoignent du souvenir d'un douanier dont on ne sait même plus le nom : était-il seulement domicilié à Champfromier, est-ce le souvenir d'un amour de jeunesse, nul ne le sait...
On pourra trouver de nombreuses autres cartes postales montrant les douaniers, en embuscade..., et parfois des contrebandiers (Voir L'Almanach Savoyard, 2008 et 2009, etc.)
Les douaniers disposaient évidemment d'armes plus agressives que leurs cannes, témoin ce révolver encore conservé à Champfromier en souvenir d'une époque révolue.
Cette arme n'avait certainement jamais tué personne, contrairement au révolver qui fut certainement emporté avec lui lors de sa mutation par le lieutenant Fontaine responsable de la mort du contrebandier Gustave Vénière en 1909. A remarquer le petit anneau qui devait servir à la fixation d'une bride rattachant le révolver à la ceinture du douanier.
Hormis le fameux cas du lieutenant Fontaine, qui par son geste assassin donna lieu à un violent déchaînement verbal dans la presse, les douaniers étaient très bien acceptés par la population de Champfromier, du moins par les femmes ! Durant plus d'un siècle de présence des liens se sont tissés durablement. On relève des mariages avec des douaniers dès 1822, Tabussiat-Bornet en 1822, Seignemartin-Julliand en 1831, Goyvannier-Guichon en 1839, en tout pas moins de 39 mariages s'échelonnant entre les années 1822 et 1905 ! Et il est vrai qu'en dehors des deux casernes d'Evuaz et du village, les recensements confirment que bon nombre de familles de douaniers logeaient sous le même toit que les champfromérands de vieille souche, un gage de bonne cohabitation.
Les douaniers n'étaient pas parmi les plus riches. Il n'était pas rare que leurs épouses, allant de celle du préposé à celle du brigadier, exercent aussi une activité : Madame Rosalie Jarcelaz est couturière en 1851, Louise Petit est aussi couturière en 1872, la même année Angélique Robez, Joséphine Sermet et Victorine Burdallet sont ménagères, et la liste se continue. Comme dans bien d'autres familles du village, on recueille aussi chez les douaniers des enfants abandonnés de l'hospice de Lyon : Antoine Trillot, préposé des douanes, est père nourricier de l'enfant de 4 mois qui décède en 1869. Les hommes eux-mêmes cherchaient parfois un complément de salaire. A la scierie Ducret, on se souvient que certains douaniers travaillaient sans salaire en échange d'écorces qu'ils revendaient pour en extraire les tanins !
On l'a déjà signalé, si les contrebandiers notoires étaient une exception, par contre les femmes de Champfromier se livraient en groupe à quelques acquisitions illégales à l'épicerie du Pont du Dragon qu'elles rapportaient sous leurs "chalandes", en plus des quantités autorisées au passage de la douane. Et pour ce qui concerne les trafics de plus grande importance, il serait bien étonnant que les bénéficiaires n'en soient pas une partie des habitants du lieu. Rien d'étonnant, donc, que la population soutienne les contrebandiers, enfants de leur pays.
Rien n'empêche cependant les hommes de s'indigner de ce que les douaniers touchent les poitrines de leurs femmes mais laissent passer les gros chefs de la douane sans qu'ils payent de taxe ! Ainsi cet article anonyme : "Champfromier. On nous écrit : Dernièrement passait sur le pont de la Douane à Forens, la moitié d'un habillé de soie, à l'état mort [sic]. Cette moitié ne s'étant pas fait naturaliser française, devait payer des droits de douanes, comme cela a lieu pour tous les citoyens commerçants ou cultivateurs passant des marchandises sans permis, venant de la zone. Mais étant destinée à un gros chef de la douane, le conducteur a passé sans entendre ces terribles mots "Halte-là, la douane !".
Voilà, pauvre paysans, où nous en arrivons. Les gros mossieurs [sic] qui se permettent de toucher la poitrine à nos femmes et à nos filles pour voir si elles ne dissimulent pas une mauvaise livre de café ou de sucre, feraient mieux de retourner à la jésuitière de Confort pour finir d'apprendre ce qu'ils ignorent : "Que tous les français sont égaux devant la loi !". [Signé] Un groupe de citoyens indignés." [La Tribune, 26 novembre 1908].
Remerciements : Danièle Vallet (Carte postale), Anonyme (Révolver, coll. privée), Jean-Louis Ducret (écorces des tanins), La Tribune (archives de 1908).
Dernière mise à jour de cette page, le 22 janvier 2008.