Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Champfromier a largement dépassé la centaine de douaniers domiciliés sur son territoire, même si, généralement, ce ne fut que pour quelques années seulement. Mais on ne trouvera la liste exhaustive des douaniers dans les fichiers des recensements de ce village, qu'entre les années 1851 et 1921, le recensement de 1841 ne mentionnant pas les noms. A signaler que la liste des petites contrebandières du Pont du Dragon se trouve forcément aussi dans ces recensements..., mais qu'elle n'est évidemment pas spécifiée ! Quant à la liste des bénéficières des produits détaxés, il faudrait certainement la composer de tous les chefs de famille du village fumant cigarette et buvant café sucré !
Pour la période allant de 1814 à 1850, mais aussi parfois ultérieurement pour les douaniers n'ayant séjourné à Champfromier qu'entre deux recensements, la source principale est celle des registres de décès, et dans une moindre mesure les registres des mariages et des naissances. Bien qu'on n'en trouve pas trace dans les recensements, la tradition orale rapporte qu'à Sous-Balme, deux chambres sont dites "des douaniers", c'était donc entre les années 1814 et 1841.
Voici ce que nous apprennent les recensements de Champfromier, et d'abord une constante, tous les douaniers sont des hommes !
En 1824 (26 septembre), François Requind et Jean Baptiste Regard, sont préposés des douanes à Champfromier, en service d'observation au lieu-dit La Gouille Noire, commune de Champfromier, sur l'extrême frontière. Ils se réfèrent à Mr Denis Gabriel Sirend (?), lieutenant d'ordre, Joseph Moussoni (?) lieutenant, Camille Léandre Vuillet (?), sous-lieutenant, et Félix Leturcy (?), tous quatre de la brigade et résidence de Champfromier[C. Zarucchi (Arch. privées Jean Blanc)].
1837. Deux préposés de la douane (Julien Cary, sous-brigadier, et Desvignes), commandés pour faire le service de surveillance entre Champfromier et Forens, s'étaient placés en embuscade sous une énorme rocher. Dans la nuit du 6 au 7 de ce mois, à peine étaient-ils arrivés que cette masse se détacha, et écrasa la tête et le corps du sous-brigadier ; son camarade Desvignes a eu le bras gauche fracassé et le corps couvert de blessures graves [La Gazette de Lausanne, 15 décembre 1837, p. 2]. Le décès du sous-brigadier, 30 ans, du Petit-Abergement, marié à Marguerite Mathieu, est porté dans le registre des décès de Champfromier.
Le recensement de 1841, n'est pas très explicite, néanmoins il signale la présence de "Baudin", lieutenant de douanes, avec "Une brigade des Douanes Royales" de 42 personnes [sic], mais en fait 10 hommes, autant de femmes et 22 enfants des deux sexes (ou célibataires).
En 1851, on sait qu'ils sont 14, âgés de 24 à 50 ans, un brigadier, un sous-brigadier et un lieutenant, les onze autres étant simples préposés des douanes. Tous (sauf un) habitent au quartier du Pont d'Enfer, le centre du village. Presque tous sont mariés, souvent avec enfants, au point de former un groupe de 59 personnes.
En 1861, les effectifs sont un peu en baisse avec 12 douaniers (dont 1 brigadier et 1 sous-brigadier) qui sont recensés, pourtant douaniers de la zone franche élargie, on l'a vu. Tous sont à nouveau logés au Pont d'Enfer, et vivent avec femme et enfants (39 personnes). En 10 ans, tous ont toutefois changé, sauf Auguste Mermillon, 51 ans.
En 1866, l'effectif est à son maximum avec 27 douaniers (dont 1 brigadier et 1 sous-brigadier) et une nouveauté puisque 14 d'entre eux sont logés à Evuaz, dans la même maison (La Caserne, aujourd'hui en ruine, plus près de la route que Buclaloup). Ces cantonnés sont tous préposés et célibataires (âgés de 20 à 46 ans). Les autres mènent une vie familiale traditionnelle au quartier du Pont d'Enfer, même si, 5 ans après le précédent recensement, l'effectif est totalement renouvelé. Deux préposés mariés avec enfants (11 personnes) demeurent explicitement à la Caserne, une vaste et belle demeure dotée d'une prison dont les barreaux sont encore visibles aujourd'hui. Une occupation de cette caserne non spécifiée semble toutefois antérieure à cette date.
En 1872, la répartition est semblable, on compte 25 douaniers, dont 12 à Evuaz. Tous (sauf deux) sont nouveaux par rapport à 1866. On compte cette fois un brigadier et un sous-brigadier, tant pour le quartier du Pont d'Enfer que pour le logement d'Evuaz. Les lieux de naissance sont enfin indiqués, seulement le département pour ceux d'Evuaz (Ain et Jura), mais de manière précise pour les autres ayant famille au Pont d'Enfer (même département et deux préposés de l'Isère). François Laguin, préposé qui a épousé en 1859 une fille du pays (Adélaïde Ducret) est installé durablement à Champfromier, à la Caserne jusqu'à sa retraite. Quelques épouses sont ménagères et une est couturière.
En 1876, on dénombre 24 douaniers, mais seulement dix à Evuaz (dont un brigadier et deux sous-brigadiers) tandis que les cadres du Pont d'Enfer sont maintenant composés d'un Capitaine et d'un brigadier. Deux familles sont à la Caserne. Les épouses sont ménagères, couturières, cultivatrice (épouse Laguin, à la Caserne), ou sans profession.
A partir de 1881, les douaniers d'Evuaz disparaissent. Ils ne sont plus que douze douaniers, tous logés au Pont d'Enfer et à la Caserne. Une nouveauté, l'apparition de plusieurs retraités des douanes, mais avec une seule certitude, celle de Louis Turrel, douanier retraité installé définitivement avec ses jeunes enfants à Monnetier.
De 1886 à 1921, on ne note pas de différences sensibles. Certains douaniers apparaissent maintenant sur plusieurs recensements consécutifs. Ils sont nombreux à être originaires de l'Ain ou du Jura, et certains sont même natifs de Champfromier (François Julian, Martin Génolin et Gilbert Martin), mais d'autres viennent de loin (départements 43, 57, 58, 69, 75, 82, Algérie, et non précisés). La Caserne n'est plus mentionnée en tant que logement, et donc de prison, à partir du recensement de 1891. En 1923, par soucis d'égalité de tous les Français, la zone libre disparaît, ou plus exactement est reculée à la frontière géographique, la chaîne du Jura, avec postes de zone franche à Fort L'Ecluse et au Col de la Faucille. C'en est fini des douaniers de Champfromier, les recensements des années postérieures à 1921 ne relèveront plus à Champfromier que des douaniers retraités (François Allombert, Félix Ducret, Louis Evrard, Yves Guennec, Jean Guinet, Marguerite Lacroix (!), Eugène Laguin, Octave Tournier, etc.)
L'Almanach douanier de 1903 mentionne que Champfromier ressort de la capitainerie de St-Germain-de-Joux et de l'inspection de Bellegarde. Il n'y a pas d'officier (lieutenant). Les sous-officiers sont Robbez-Masson, brigadier, et Juillerot, sous-brigadier. On compte 8 préposés.
Ils sont nombreux les douaniers, du lieutenant au préposé, à avoir leur nom figurant dans les registres d'état civil de Champfromier, parfois pour se marier, mais le plus souvent comme témoins du décès d'un enfant d'un autre douanier, parfois aussi pour la mort de l'un des leurs (Agatin-Louis Joly, Préposé, 24 ans, né à Lyon de parents inconnus, etc.) On pourra télécharger le fichier Exel des décès et effectuer une recherche avec l'expression courte "douan" et ainsi retrouver des dizaines de douaniers, préposés des douanes et autres retraités des douanes.
Signalons aussi des mentions dans d'autres villages, comme ce mariage en 1832 à Nantua, de Jean-François Portier, père de Marie Herminie (née à Champfromier en 1833), lieutenant des douanes à Champfromier, 31 ans, né à Cessy-Lully (Savoie), fils de Jean-Louis, lieutenant de douanes à Bellignat, et de Antoinette Durand, qui épousa la fille d'un scieur de Dortan.
De même, Joseph Monin, père de Jules-Joseph né en 1863 à Champfromier, marié le 31/12/1862 à Echallon, âgé de 44 ans, né à Aoste (38), préposé des douanes à Champfromier, veuf de Marie DURET (+13/12/57 à St-Geoire), fils des feux Antoine et Josephte Dalmaisin, cultivateurs à Aoste. Son épouse en secondes noces est Jeanne-Marie-Adèle Demont, 28 ans, ouvrière en soie à Echallon, fille de Claude-Joseph et Marie-Anne Maissiat, cultivateurs à Echallon.
Dans les mariages à Giron, on relève celui en 1866 de Joseph Bondain, douanier à Champfromier, né en 1839 à Massignieu-de-Rives (01300), qui épouse Marie Séraphine Coutier de Giron, fille de Germain et de Jeanne-Françoise-Virginie Monet.
Un mariage à Lélex (21/05/1863) mentionne Jean-Aimé Romand, né le 15/05/1836 à Bellefontaine (39), douanier domicilié à Champfromier. Il épouse Marie-Cécile Durafour, domiciliée à Lélex.
En 1824 (26 septembre), le Sieur Louis Hyacinthe Chatelain, est receveur des douanes à Chézery [C. Zarucchi (Arch. privées Jean Blanc)].
Remerciements : Mme Simone Grenard et Madi Voirin (La Caserne). Crédit photographique : Ghislain Lancel.
Première publication 8 février 2020. Dernière mise à jour de cette page, le 14 août 2022.