Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
En 1922 la France met en place un super réseau de lignes électriques. Son but prochain est une ligne apportant l'énergie depuis le Rhône (entre Pougny et Challex) jusque dans la Saône-et-Loire, sur une distance de 150 km, en particulier pour le fonctionnement des usines du Creusot (Schneider, etc.) Les pylônes seront idéalement espacés de 250 mètres (500 mètres en zone montagneuse). En acier, ils sont d'une hauteur de 23 mètres, pèsent près de 2,5 tonnes et sont équipés au sommet de trois traverses horizontales de 7 mètres. Les câbles en aluminium supportés par les traverses dont ils sont isolés par des isolateurs sont d'un diamètre de 20 mm, avec âme centrale en acier. Cette ligne traverse le territoire de la commune de Champfromier, au niveau du village, suivant une direction SE-NO, en direction de Nantua.
La ligne est visible dès les cartes d'E.M. de 1935, mais celle reprise en couleurs en 1941 au 1/50.000e est la plus remarquable :
Descendant de la Montagne du Crêt (Chézery), le premier gros pylône à Champfromier était positionné non loin de la station d'épuration, le deuxième à proximité de Communal (au-dessus du Chaumeu) et le troisième sur la hauteur du col à la limite communale avec Giron (non loin du tunnel)
Cette ligne est encore tracée (pour mémoire) sur la carte de 1971. Dans le village, elle passait entre l'ancien hôtel Tournier et l'actuel garage Truche. A proximité, lors du démontage de la ligne, quelle n'a pas été la peur rétrospective de découvrir que l’un des câbles avait été presque coupé par une balle tirée depuis la mitrailleuse qui se trouvait près de la Vierge lors de la funèbre journée du 14 juillet 1944.
C'est l'entreprise Coupat de La Cluse [Actuellement, Coupat Global Services à Montréal-la-Cluse (01460)] qui avait obtenu le marché local de la démolition des pylônes de la ligne (dans les années 1950 ?). Ce ferrailleur obtiendra encore en 1964 le rachat des 8900 kg de vieux métaux de l'ancien moulin communal de Champfromier. Les pylônes, gros et petits, furent tous démolis et rapidement emportés, à l'exception du plus imposant, celui situé derrière la station d'épuration, qui fut mis à terre mais laissé à l'abandon. Ce fut une manne de récupération de fer d'excellente qualité (pour l'époque) pour bien des familles de Champfromier. Au Bordaz on voit encore en de nombreux endroits autour des vieux bâtiments ces fers en L supportant des appentis. Certains avaient même été soudés par quatre, pour former de robustes poutres en fer en remplacement des vieilles poutres en bois dans les charpentes. Un plateau de charrette avait aussi bénéficié de ces très solides charnières d'angles. Durant bien plus de dix années, certains habitants allèrent chercher du fer avec un cheval, les autres à pied. Rapporter de grosses pièces n'était pas une mince affaire. Sans chalumeau, il fallait couper à la scie à métaux des tronçons de quatre mètres, et pour celà il ne fallait pas compter moins de deux heures ! Puis on devait rapporter ce tronçon de charnière de 200 kg à dos d'homme, deux hommes, en faisant très attention à ne pas se tordre les pieds dans les lapiaz aux trous très nombreux !
Il semblerait que ce soit le coût trop important consacré l'hiver à faire casser la glace sur les fils sur les hauteurs du Jura qui ait fortement contribué à la décision de supprimer cette ligne...
Les cartes postales ne montrent que petits pylônes positionnés dans le village : Voir les CP 202 et CP 75 (et les variantes 221, 227) et aussi 68, 73, 116, 226 et 245.
Publication : Ghislain Lancel. Remerciements et documents : Michel Blanc. Compléments : Gilbert Blanc ; Crédits photographiques Michel Blanc (L'illustration économique et carte de 1941) et Ghislain Lancel (Photo du site, le 22/11/14).
Première publication le 3 décembre 2014. Dernière mise à jour de cette page, idem.