Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Les Autrichiens et Champfromier en 1814 et 1815

 

Nicolas Ducret, maire royaliste de Champfromier, ne faillit pas à ses habitudes lorsqu'il résume l'année 1814, à Champfromier, et en France : "Ce fut au commencement de 1814 que les Russes, les Autrichiens, (et) les Prussiens envahirent la France. Bonaparte les avait tous vaincus, et ils furent aidés à l'invasion de la France par peut-être plus de la moitié de la France qui détestait le règne sanguinaire, despotique et tyrannique de Bonaparte. Sans cela, les alliés n'auraient pas pu entrer en France, si elle avait été toute unie. Mais on avait envie de rentrer sous la domination des Bourbons, nos souverains légitimes qui vinrent à la suite des alliés. Louis XVIII fit la paix avec eux et ils s'en retournèrent sans faire payer de rançons. On fut obligé de les nourrir, les réquisitions fournies par Champfromier, en pain, en viande ou vaches, en avoine, en foin, en orge, en froment et en argent s'élevèrent (à) près de 3000 francs. Le soir (de la fête) des Rois, 6 janvier, il arriva 28 autrichiens à Châtillon, n'ayant pas pu passer au Fort de l'Ecluse qui capitula 13 jours après. Ils passèrent à Seyssel, remontèrent à Châtillon et allèrent jusqu'à Nantua, d'où ils rebroussèrent. Il n'y avait point de troupe, Bonaparte avait déjà trop à faire ailleurs, comptant sous (sur) la neutralité de la Suisse, (il) n'avait point mis de troupes sur cette frontière où ils arrivèrent après avoir traversé la Suisse. Les Genevois, qui n'aimaient pas Bonaparte, les reçurent à bras ouverts. Dès le 12 ou 15 janvier 1814, ils entrèrent en force, étant descendus par la Savoie. Ils entrèrent aussi par la Comté, par la Faucille, par Morez et Pontarlier, et ailleurs ; on croyait que tout était perdu, surtout les anciens militaires qui savaient comme (comment) ils avaient agis en pays étrangers et conquis. Chacun cachait tout ce qu'il avait. Néanmoins, à l'exception de quelques endroits qui furent pillés et volés, sauf les réquisitions, pour le reste on s'en tira encore mieux qu'on se l'était attendu. D'ailleurs, à cette époque, la presque totalité des français détestait Bonaparte. Il n'avait pour lui que ceux qu'il avait pensionnés et mis en place avec de gros salaires. Comme il n'aimait que la guerre, qu'il tenait captif le St-Père qu'il avait fait enlevé de Rome, qu'il faisait partir pour l'armée tous les jeunes gens en état de porter les armes, et qui ne revenaient point, que la guerre continuelle qu'il se plaisait à faire pour satisfaire Sa Seule ambition paralysait le commerce, ruinait la France qui, au lieu du Bonheur qu'il lui promettait, voyait ses belles provinces envahies par des étrangers qu'il avait provoqué. On fut généralement bien aise de le voir relégué dans l'Ile d'Elbe, frontière d'Italie, où il emporta beaucoup d'argent et fut suivi par une petite partie de sa garde. Louis XVIII remonta sur le trône de ses ancêtres, au grand contentement de toute la France. L'Empereur de Russie, qui se montra si généreux pour la France, l'Empereur d'Autriche, le Roi de Prusse, entrèrent à Paris le 31 mars 1814, où ... s'établit un gouvernement provisoire en attendant l'arrivée de Louis XVIII. Les troupes françaises furent ... cantonnées sur la gauche de la Loire." [Registre des naissances, notes de fin de l'année 1814 (par Nicolas Ducret, maire de Champfromier)].

En août 1815, le registre des délibérations estimera le préjudice subit par Champfromier (causé par les troupes françaises et alliées) à un montant encore supérieur : 5084,21 francs [RD7, f° 69v]. Napoléon abdique quelques mois plus tard, le 6 avril (il trouvera refuge à l'île d'Elbe) tandis que Louis XVIII est proclamé roi des français. Le Conseil municipal de Champfromier ne cache pas sa satisfaction, et son adhésion "aux sages mesure prise pour faire sesser les malheurs qui depuis 24 ans desolent et consument notre belle patrie, déclare unanimement qui l'adhère aux mesure prise par le gouvernement provisoire, le salut de la France et le retablissement sur le trône de l'auguste famille des Bourbon..." Signé DUCRET, maire, TOURNIER, adjoint, et autres [RD7, f° 68]. Conséquence indirecte : durant ces années 1814/15, une défaillance du pouvoir et de mauvais sujets (de Giron) ont été la cause de dégâts dans la forêt, et, de 1812 à 1817, il n'a été fait "aucune délivrance de bois aux habitants, soit pour le chauffage soit pour réparations aux bâtiments " [Voir des compléments au RD 7, début de l'année 1814].

Concernant le village voisin de Montanges, le Baron A. de Raverat nous signale aussi la présence de ces Autrichiens, et la destruction de la Bâtie: "En 1815 [1814], une poignée de braves montagnards de la Haute-Michaille, embusqués dans ces ruines, tiraient des coups de fusils aux Autrichiens qui occupaient la grande route de Nantua ; mais quelques boulet vienrent les déloger et en même temps abattre les pans de murailles de la Bâtie, dont il ne reste plus que des débris." [Les Vallées du Bugey, tome 2, p. 19 (publié pa A. de Raverat, 1867)].

Voir aussi les débuts de la Zone franche.

 

Publication : Ghislain Lancel.

Première publication le 26 décembre 2008. Dernière mise à jour de cette page, idem

 

 

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