Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Du 11 au 13 juillet 1944, par une rédaction d'enfant,
le retour des allemands à Champfromier

Le 11 juillet 1944, une enfant gardait les vaches à Montanges, non loin de Communal, un hameau situé à l'ouest de Champfromier. Les Allemands revenant, l'enfant témoigne des inquiètudes des maquisards et des résistants qui se logeaient dans les fermes des environs avec le soutien implicite des habitants. Début avril, le patriote Alfred-Louis Hottlet avait été assassiné sur la route des Avalanches (stèle). Le 13 juillet, les français se replient et on saisit l'angoisse qui transparaît à travers la rédaction. Craintes justifiées puisque le lendemain 14 juillet tombèrent trois patriotes sous la mitraille de l'ennemi (autre stèle, près de la chapelle de Champfromier). Mais là, une enfant ne pouvait l'écrire...

Une rédaction d'enfant

On a privilégié de publier le brouillon crayonné de la rédaction (avec quelques corrections orthographiques), sans les annotations de l'institutrice, récit beaucoup plus spontané que celui de la rédaction recopiée ensuite au propre à l'encre violette sous le titre L'attaque Allemande. Malgré les imperfections littéraires ce brouillon est un témoignage vibrant de cette période qui nous rappelle la vie errante des maquisards allant de ferme en ferme, et l'attitude de ceux qui risquaient aussi leur vie en soutenant ces hommes de l'ombre. La rédaction commence à Chamandris, un lieu-dit de Montanges, situé entre la Combère et le hameau de Fay.


Le brouillon crayonné (ci-dessus) et la recopie à l'encre (ci-dessous)

 

« Le 11 juillet 1994, comme tous les jours j'étais aux champs à Chamandis. Mes bêtes me laissaient tranquille, alors j'ai profité de cette tranquilité pour aller jusqu'au sommet du.... (?) et voir ce qu'il se passait. Tout était calme, je ne voyais rien d'anormal. Je m'assis.

Mais soudain, vers 11 heures et demie, un bruit sourd retentît dans les environs. C'était un coup de canon, suivit de coups de mitailleuses, qui faisaient résonner les montagnes. Je me levais d'un bond d'un bon, en pensant que ce ne pouvait-être que les Bôches. Mais où étaient-ils et sur qui tiraient-ils ? Je regardais autour de moi, je ne voyais rien. Mais un quart d'heure plus tard [je vis] apparaître des hommes [des maquisards] sur le plateau au-dessus de Montanges. Ils longeaient les haies et passaient par les chemins les plus camouflés. Ils s'arrêtaient de temps en temps et semblaient hésiter [avant] de repartir. Il y en a même qui retournaient sur leurs pas pour bien s'assurer de ce qu'il se passait derrière eux. C'était des jeunes maquisards qui se sauvaient. Il était l'heure de ramener les vaches, je rentrais à la maison tout effrayée.

A peine arrivée, j'aperçus des jeunes [maquisards] portant des gros sacs. Ils me paraissaient fatigués et avaient l'air pensifs [à] ce qu'il fallait faire, [rester ou] repartir plus loin, car on entendait toujours le bruit des canons. Le soir à la tombée de la nuit, je vis arriver des hommes armés de fusils, de mitraillettes, et quelques-uns porteurs de grenades accrochées à leur ceinture. Ils étaient nombreux, [certains] paraissaient déjà âgés, et d'autres encore bien jeunes. Ils ne causaient pas beaucoup. Avec eux, était un blessé étendu sur une voiture. Ils s'arrêtèrent devant la ferme et le transportèrent sur un lit où il reçut les soins nécessités par son état. Le Groupe du Maquis s'installa à la ferme des Quarts [commune de Montanges, mais à proximité de Communal] et celui de la Résistance à la Combert [ferme encore plus rapprochée, située à 500 mètres de la limite communale], où "ils n'étaient pas des mieux". Comme lit ils avaient de la paille, et une chaudière leur servait de marmite pour faire leur soupe.

La journée du 12 juillet ne fut pas moins mouvementée, les jeunes du Maquis des Quarts, tous habillés de vert et armés soit d'une mitraillette [soit] d'un fusil, étaient en liaison avec ceux de la Résistance, et toutes les deux heures deux hommes étaient de garde [prenaient la relève] sur le sommet d'où ils voyaient le plus loin possible [afin de] déjouer les manœuvres de l'ennemi. Deux mulets assuraient le transport du ravitaillement. Chaque fois qu'un avion ronflait dans l'air, tous ces pauvres hommes se cachaient, de crainte d'être aperçus des aviateurs allemands qui les surveillaient avec leurs jumelles.

Dans le matinée du 13 juillet, ceux qui étaient de garde vinrent en courant avertir que des Bôches fouillaient les bois d'en haut de Montanges et se dirigeaient du côté de la Combert en traversant les champs de blé et de pommes de terre. Tous leurs camarades se précipitèrent autour d'eux pour les questionner. Immédiatement le chef prit la parole et donna l'ordre de se replier et d'enlever toutes les choses qui pouvaient les trahir, en nettoyant leur lieu d'habitation et en effaçant toutes les traces. Les gars du Maquis des Quarts vienrent se joindre à ceux de la Résistance pour partir plus loin. Deux hommes transportèrent le blessé dans un lieu sûr.

Pendant que les Français se préparaient à partir, les Bôches encerclèrent les bergères et les questionnèrent sur ce qu'elles savaient du Maquis. Au pâturage, les Bôches braquèrent des fusils-mitrailleurs dans la direction du bois. Un homme était couché à plat ventre à côté de chaque arme, et quatre ...(?) armés d'un fusil avaient été envoyés en reconnaissance jusqu'à la ferme que le Maquis avait quitté dix minutes avant.

A l'arrivée des Bôches, les habitants étaient assez effrayés et se demandaient ce qui allait leur arriver [surtout en ce qui concerne les maquisards et résistants]. Tout c'était [se passa] pour le mieux, ils [les français pourchassés] se firent donner un peu de ravitaillement et repartirent rejoindre leurs compagnons pour aller camper au Crêt Catolard [lieu-dit de Montanges, au nord-est de Ruty (Carte IGN 1937)].

C'est une bien triste chose que la guerre. Nous espérons bien que nous n'en reverrons plus ».

 

 

Remerciements : Régine Vallet (Collection privée).

Première publication le 27 octobre 2009. Dernière mise à jour de cette page.le 2 septembre 2010.

 

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