Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Du pain pour le maquis (février-avril 1944)

 

Albert Hottlet a consacré une partie de sa vie a recueillir des témoignages sur la triste période où son frère Louis fut tué par les allemands, un 9 avril 1944, dans la montée des Avalanches. Son interview de Gilbert Grenard, le 12 octobre 2004, est capital. Gilbert, alors dernier habitant à temps plein la Combe d'Evuaz, est mort quelques années après son témoignage. S'il ne dit pas tout, il en dit beaucoup et donne bien des précisions !

 

Résumé (par thèmes)

Oublions une petite erreur, que Buclaloup serait un lieu-dit de Giron alors que c'est l'un des sites les plus connus de Champfromier, et concentrons nous sur ces témoignages qu'il nous transcrit : le lieutenant Minet et ses hommes, une trentaine, avaient quitté le Pré-Carré, suite à l'attaque allemande sur Ruffieu au début de février 1944. Ils étaient arrivés à Champfromier pour s'installer dans deux granges, celles de Buclaloup et du Golet des Murs. Ils y restèrent deux mois, jusqu'à ce que Minet et une partie de ses hommes soient tués lors du Combat de Montanges, et que les allemands brûlent ces deux granges.

En février 1944, le camp Richard, qui dépendait du groupement nord, se trouvait cantonné à la ferme de Buclaloup. Quand le groupe Minet et le Maquis Lorraine y arriva après avoir quitté le Pré-Carré au début de février, la reconstitution du Maquis Lorraine dans la ferme de Buclaloup dura jusqu'à environ mi-mars. Minet, qui a son propre groupe, est alors chef du secteur.

De février à début avril, à la demande de Minet lui-même, les parents de Gilbert font cuire le pain de ceux de Buclaloup. Tous les 15 jours ils fournissent de 50 à 75 kg de pain, avec les farines qu'ils apportent, sans avoir peur des risques ni penser à se faire payer. Le boulanger de La Pesse, lui, cuisait le pain pour ceux du Golet des Murs, mais en avril les allemands l'ont pris, et il n'est pas revenu de déportation. Pour la viande, c'est Grandclément, cultivateur à La Pesse, qui fournissait les bêtes et les menaient jusque dans les bois de Chalam, à de probables bouchers maquisards. Il a toujours été payé pour sa viande.

Un gendarme de la famille Bonneville renseignait les résistants en les prévenant des opérations allemandes et en leur prodiguant des observations, comme celle de se méfier des allemands qui reviennent toujours la nuit là où ils sont passés dans la journée. Gendarme à Valleiry, convoqué par la Kommandantur, il se réfugia quelques jours en Suisse.

Dès février un avion allemand avait longuement observé les granges voisines du Crêt de Chalam, les traces dans la neige et les fumées...

Le Combat de Montanges (samedi 8 avril) s'était entendu de loin, et tout le monde était au courant... L'après-midi du jour de ce combat, les allemands étaient venus aussi à la Combe d'Evuaz, avec un véhicule, et avaient récupéré des gens de la combe pour porter leurs munitions et caisses. Gilbert, repéré dans sa cachette de montagne avec ses jumelles, se fait tirer dessus au FM depuis le pont du Bief-Brun où le groupe se trouvait, mais il n'est pas touché ; puis ils partent.

Le lendemain (9 avril), l'épouse Bonneville (une voisine) retrouve sur ce pont 25 douilles de FM et 2 grenades non dégoupillées. Vers minuit, comme l'avait laissé pressentir le gendarme Bonneville, les allemands sont revenus avec des chevaux réquisitionnés. Ils sont allés aux granges du maquis de Minet, pour y trouver des provisions, mais n'en trouvèrent pas et mirent le feu aux granges. Passant devant la maison de Gilbert, il ont tiré une grenade dans l'entrée de la maison, dont les traces des éclats se voient encore ! La veille, les allemands avaient remarqué qu'il y avait quatre assiettes pour trois personnes... Ils ont dit à Gilbert qu'il devait être présent le lendemain à La Pesse.

La ferme de Buclaloup sera incendiée par les allemands à Pâques 1944 (9 avril), ainsi que les fermes de la Caserne, le Golet des Murs et les Sauges. Aux Sauges, il y avait des Suisses mais les allemands ne les ont pas arrêtés, se contentant de prendre leur troupeau de vaches qu'ils emmenèrent à St-Germain-de-Joux.

Le lundi matin (10 avril) les allemands viennent donc ramasser tous les gens de la Combe d'Evuaz et les emmènent à La Pesse, à l'hôtel Burdet, pour examen de papiers. Muni de son certificat de soutien de famille Gilbert est relâché, comme tous les autres, sauf le malheureux boulanger. Avant de les libérer, les allemands leur donnent l'ordre de les prévenir s'ils voient quelque chose, avec menace de brûler leur maison.

En juillet, ils sont revenus à La Pesse, mais pas à la Combe d'Evuaz, ni même à la Borne au Lion. Aussi en juillet, juste avant le l'important parachutage d'Echallon (début août), il y a eu deux parachutages à Buclaloup. Lors du premier, quatre avions sont passés. C'était du matériel pour le Maquis de la Borne au Lion. C'est Maxime Grenard, oncle de Gilbert, qui a transporté les containers avec son mulet et une charrette jusqu'à la route pour être chargés sur des camions.

Maxime Grenard habitait aussi à la Combe D'Evuaz, au niveau de l'école mais de l'autre côté du ruisseau de la Semine. Une nuit, il s'entend appeler, il ouvre la fenêtre et il évite de juste une rafale de mitraillette. C'est un maquisard qui vient de se tuer en faisant un faux mouvement en manipulation de son arme. Il est étendu là, devant la maison, mort. Maxime n'a jamais su qui c'était !

 

Document original

 

 

 

 

 

Publié par Ghislain Lancel, avec les remerciements et d'après les documents aimablement mis à disposition par Alfred Hottlet (frère de Louis, demeurant à Chanay).

Première publication le 4 novembre 2015. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

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