Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Inhumation d'Arnal, Mort pour la France (27 juin 1945),
stèle aux F.F.I. et polémique Chapuis

 

La plume critique de Louis Desvignes, fils de l'agent voyer de Champfromier, était bien connue à travers l'Avenir Régional, depuis 1911. En 1945, ancien poilu, ancien ingénieur à Lyon, marié à une Suisse (Gehrig), retraité de retour à Monnetier, sa plume devient acerbe, sur tout ce qui touche à la guerre. C'est par un article paru dans Le Réveil Patriotique du 27 juin 1945 que l'on apprend d'une part la date d'inauguration de la stèle aux trois F.F.I. morts près de l'église de Champfromier, et surtout l'inhumation d'un (nouveau) Mort pour la France, le gendarme Raymond Auguste Arthur Arnal, époux d'une fille de Champfromier, tué accidentellement par une bombe à Suze en Italie. Pour le critique, cette inhumation est l'occasion de régler ses comptes avec Marius Chapuis, ancien maire de Champfromier qui avait été remplacé à la fin de la guerre par Octave Tournier, et auquel avait déjà succédé Félix Coudurier.

Précisons que Le Réveil Patriotique fut l'hebdomadaire des comités locaux de libération du canton de Bellegarde (Rédacteur, Orly). Le premier numéro était paru dès le 12 octobre 1944.

Rappelons aussi que les légionnaires, dont il sera parlé, désignent La Légion française des combattants (LFC), une organisation mise en place par le régime de Vichy et issue de la fusion de l'ensemble des associations d'anciens combattants. Cette organisation a été formellement créée par la loi du 29 août 1940 par le maréchal Pétain sur proposition de Xavier Vallat. L’État français lui assigne comme mission de « régénérer la Nation, par la vertu de l’exemple du sacrifice de 1914-1918 ». En dépit de la dissolution de leurs associations, tous les anciens combattants ne rejoignirent pas pour autant la Légion.

Signalons encore que le préfet Thoumas (Jean-Baptiste François, dit Louis) fut nommé préfet au cabinet du maréchal Pétain le 29 juillet 1940, nommé 73e préfet de l'Ain le 2 novembre 1940 (et installé le 16 novembre). Il fait enlever la Marianne de la salle du Conseil général, fait supprimer les lettres RF des panoplies de la préfecture et épure l'administration. En fonction dans l'Ain jusqu'au 16 mai 1943, il sera ensuite nommé en Saône-et-Loire. Il sera suspendu de ses fonctions le 4 septembre 1944 et révoqué le 3 juillet 1945. Il est mort en 1973 [Dictionnaire des hommes..., par Dominique Saint-Pierre].

Le général Maignan avant commandé dans l'armée des Alpes (2e Division d'Infanterie Coloniale). A la fin de la guerre, en 1945, il fut enlevé par 4 hommes à son domicile de Crépieu-la-Pape, et retrouvé mort à Mollon dans l'Ain, le corps criblé de balles de mitraillette. De ce fait, l'action de la justice était éteinte, alors que le procès Pétain entait dans sa troisième semaine [Nouvelliste Valaisan ("Le seul quotidien de la vallée du Rhône"), mardi 7 août 1945, page 4].

Le Réveil Patriotique du 27 juin 1945

Stèle des FFI et Hottlet

"CHAMPFROMIER. Anniversaire. - Le 14 juillet 1944, trois F.F.I. : Duméry, Thomé et Donazolla, ont été tués à Champfromier par les balles allemandes.

Le souvenir de ces victimes sera évoqué le dimanche 15 juillet [1945], au cours de l’inauguration d’une stèle élevée en leur mémoire.

Le matin, après un service religieux célébré à leur intention, le cortège se rendra au cimetière vers les tombes des soldats morts au champ d’honneur, puis au pied de la stèle où se déroulera la cérémonie.

Au cours de l’après-midi, la population assistera, sur la route de la montagne, à la même manifestation en l’honneur du jeune Hottlet, assassiné par les Allemands, à Pâques 1944."

 

Inhumation de Arnal et polémique Chapuis

"Aux anciens combattants républicains. - Le 27 juin dernier, le corps du gendarme Arnal [Raymond Auguste Arthur Arnal, époux de Madeleine Cartant (7499)], tué par l’explosion d’une bombe, à Suze (Italie) était inhumé à Champfromier. M. Chapuis, l’inamovible président des A. C., lut sur la tombe de cette nouvelle victime du fascisme, un discours retraçant la carrière et les qualités du disparu – qu’il n’avait jamais vu ni connu – ce qui est déjà un tour de force peu ordinaire.

Mais ceci n’est rien à côté de l’escamotage du président de la Légion. Nul n’ignore, en effet, que M. Chapuis était président de la Légion et, comme tel, aux ordres de Pétain, Thoumas et Compagnie. A-t-il donc donné sa démission et renié ses anciens maîtres ? Pas que nous sachions, du moins. Alors ?

Mais ce que nous savons avec certitude, parce que nous l’avons vu et entendu, c’est que M. Chapuis, alors maire de Champfromier et président de ce que vous savez, était aux côtés de M. Balleydier, chef des légionnaires de l’Ain, du Général Maignan et du sous-préfet d’alors, à une réunion de propagande qui avait lieu dans la remise des fils Ducret Cyrille, le 17 mai 1942.

Il y avait aussi un certain Galland – être insignifiant aussi bien au moral qu’au physique – qui assurait que Marianne était au grenier et n’en sortirait plus. M. Balleydier parla de la Révolution Nationale (traduisez : asservissement national) ; M. Chapuis y alla de sa petite lecture bien préparée, regrettant avec force courbettes et sourires, de n’avoir pas plus souvent la visite de ces messieurs.

Quant au brave général, il garda un silence plein d’éloquence, jusqu’au moment où il cria tout à coup d’une voix tonnante : Légionnaires, garde-à-vous ! N’est-ce pas, M Chapuis, que c’est bien cela ? Et pour terminer, la fameuse complainte « Maréchal, nous voilà ! ».

M. Chapuis a continué à manifester depuis, à toutes les occasions, sa fidélité au régime fasciste et a donné le ton pour chanter le « couplet du Maréchal ».

Pour son zèle dans les réquisitions il a reçu les félicitations du préfet Thoumas.

Pour qui prend-t-il donc tous les gens honnêtes et sincères ? Nous avons eu autrefois un candidat à la députation qui s’était fait faire un couplet aux couleurs nationales. Il est resté fidèle à ses principes et a conservé longtemps l’appellation qui n’a du reste rien de déshonorant, de « candidat tricolore ».

Nous avons à faire aujourd’hui à un genre beaucoup moins plaisant et plus dangereux : c’est « l’homme-caméléon ».

Qu’en dites-vous, A.C. républicain ? [Signé :] L. Desvignes" [Fin de la transcription (en deux parties)].

 

 

Source : Le Réveil Patriotique du 12/07/1945.

Publication : Ghislain Lancel. Remerciement : Michel Blanc (communication de l'article de presse), Cédric Mottier.

Première publication le 18 octobre 2017. Dernière mise à jour de cette page, le 20/10/17.

 

<< Retour : Accueil, Guerres