Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
La BNF (Bibliothèque Nationale de France) conserve un ouvrage de droit, la Jurisprudence de la Cour royale de Lyon, en 1845. L'un des articles (40 pages) concerne la Forêt d'Echallon du début du Xe au début du XIXe siècle, commençant donc au temps où cette immense forêt relevant du prieuré de Nantua s'étendait jusqu'à celle dite aujourd'hui de Champfromier. De tous temps le prieur et/ou les communautés de Belleydoux, Echallon, Champfromier, Giron Devant (relevant de Champfromier) et Giron-Derrière (relevant d'Echallon), s'opposèrent – ou s'associèrent artificiellement – pour acquérir la propriété d'une parcelle de bois, au détriment d'un autre.
En dehors de menus procès, on retiendra celui commencé en 1722, qui dura 64 ans et qui déclara les communautés seules propriétaires de la totalité des forêts (au détriment du prieur de Nantua)... La Révolution ayant institué des communes autonomes puis l'évidente nécessité de délimiter ces communes relancèrent les différends, cette fois entre les communautés. Le partage de la forêt indivise entre Champfromier et Giron-Devant ne trouva de solution qu'en 1837 (avec, encore plus tard, la construction d'un mur de séparation...). Pour Echallon, Belleydoux et Giron-Derrière il fallu attendre davantage encore (jusqu'au 30 avril 1845), le partage proportionnel au nombre de foyers fiscaux l'emportant finalement (sur des choix par tiers, ou autres) et faisant jurisprudence, ce qui justifiera que l'on en ait conservé une trace imprimée pour servir à la France entière, du moins à la Cour de Lyon.
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Concernant particulièrement Champfromier, on ne trouvera que peu de références, mais elles sont d'importance, en particulier celles inédites d'un chevalier et de sa femme dans la donation de 930, et de la date de délibération du conseil municipal de Champfromier, qui serait à consulter... En voici les extraits, dont une grande partie de l'historique ancien :
[p. 261] « ... En l'année 930, le chevalier Mundus et sa femme Cécile, et particulièrement Albitius, comte de Genève, et Ode son épouse, firent donation au monastère de Nantua, des terres voisines telles que celles des Néyrolles, l’Alleyriat, Poisat, et plus loin les montagnes de Montange, Champfromier, Echallon, Saint-Germain-de-Joux et Charix.
« Ce territoire n'était qu'une masse de forêts servant à la chasse ; toutefois, ces différentes dotations faites à un établissement religieux, dans un pays alors peu peuplé, ne devaient obtenir la valeur dont elles étaient susceptibles, qu'à l'aide de nombreux défrichements, pour lesquels il fallait appeler des exploitateurs.
« Mais pour attirer des défricheurs dans des lieux aussi sauvages, il fallait leur assurer des avantages réels qui leur profitassent, il fallait conséquemment ne plus les considérer comme des serfs travaillant pour leur maître, mais bien comme des cultivateurs travaillant pour leur propre compte ; il fallait les délier de l'état de servage ; les rendre libres et capables d'acquérir ; et en brisant le joug du maître, il fallait néanmoins les soumettre à un lien social, à celui de la communauté. Il fallait aussi, au moyen d'un bail à culture, ou bail emphytéotique [p. 262] leur laisser le domaine utile des héritages à défricher, et leur octroyer une Charte pour conserver leurs droits et privilèges de franchises.
« Tel est le nouvel ordre de choses qui fut opéré dans les onzième et douzième siècles, par la volonté et l'intérêt du seigneur-prieur de Nantua, qui réunit en une seule paroisse tous les colons défricheurs du périmètre concédé par Albitius, en imposant à la colonie des redevances en argent, et servis en avoine.
« Cette communauté prit le nom d'Echallon, dénomination empruntée de la concession de 930 ; ces faits primitifs sont révélés par une transaction de 1303, qui rapporte cette ancienne Charte, et le bail emphytéotique intervenu entre le seigneur-prieur et les habitants du territoire d'Echallon.
« La colonie grandit sous les auspices de cette Charte ; l'accroissement de la population fut tel, qu'il y eut nécessité de créer une seconde communauté sous le nom de Belleydoux, Gobet et Orva ; Giron-Derrière resta dépendance de la paroisse primitive d'Echallon ; son éloignement de la métropole lui valut un syndicat, chargé de la collecte des cens et servis, et de la police. Ce syndicat ne s'immisça que rarement dans la surveillance des biens indivis avec les autres colons ; ce fut seulement sur les points rapprochés de Giron ; mais les hautes futaies restèrent toujours sous la gestion exclusive des syndics d'Echallon.
« II paraît, d'après le terrier de 1460, que vers les commencements du XIVe siècle, il y eut procès entre lesdits colons et les religieux, au sujet des terrains concédés et des prestations promises ; car, en 1303, il intervint sentence arbitrale qui maintint les habitants d'Echallon, Belleydoux, Fichin et Giron-Derrière dans le droit d'essarter et réduire en culture tous les fonds et bois renfermés dans l'enclave du territoire d'Echallon et en ces termes : « Item quod tam ipsi homines quàm eorum in juribus possint à modo extirpare, exartare et excolere in juribus, nemoribus et terris nostris infrà dictam parochiam de Eschallone, existentibus et usquè ad parochiam de Champfromier, et usquè ad limitationes illorum de sancto Eugendo et Domini de Villars ».
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« Les 10 juillet et 3 novembre 1819, les maires de Belleydoux, Echallon et Giron, nomment experts, conjointement avec Champfromier, MM. Bouvard et Machard, aux fins de délimiter le canton dit le Bleu [les Abrans].
« Par suite de ce bornage, la moitié orientale dudit canton est dévolue à Champfromier et Giron-Devant, et la partie occidentale est attribuée à Giron-Derrière, Echallon et Belleydoux.
« 11 octobre l820, délibération des conseils municipaux de trois communautés litigantes, contenant leur consentement unanime de partager, par feux, tous les communaux indivis.
[P. 267] « 29 juin 1821, homologation de ce délibéré par M. le préfet. »
Source : Jurisprudence de la Cour royale de Lyon, 1845 (Pages 261-301). Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, 8-F-284 (Consultation intégrale en ligne sur Gallica).
Remerciements : Jean-François Gros (69 Oullins).
Première publication le 19 janvier 2011. Dernière mise à jour de cette page, le 13 février 2013 .