Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Buclaloup

 

 Buclaloup en 1941
Buclaloup, à gauche en 1938 (Cliché M.-C. Vandembeusche) ; à droite, en 1941 (Cliché R. Maréchallat)

 

De nos jours la grange de Buclaloup n'est plus qu'une ruine devant laquelle passent parfois les promeneurs, sans égard pour de présumés anciens faux monnayeurs qui imprimèrent là leurs assignats, et sans deviner la présence du gouffre naturel ou de la pierre christique voisins. Buclaloup, en bordure de la forêt communale de Champfromier, est accessible en voiture depuis la D48a (allant de Giron à La Pesse), puis en quelques minutes à pied depuis un carrefour balisé (avant celui du Poteau).

La rumeur veut qu'un atelier de faussaire ait pris place dans les caves de Buclaloup... Les faits semblent bien l'attester. On sait en effet qu'en 1800 les quatre frères Mermet-Maure, dont un Jean-Baptiste, achetèrent le domaine de Buclaloup et que par la suite ils ne purent payer leurs diverses acquisitions. François-Joseph, fils de Jean-Baptiste Mermet, fut condamné à la mort civile en 1816 et fut ensuite surnommé le Galérien. Les archives précisent qu'il fut effectivement condamné à Lons le 13 août 1816, pour cause de mise en circulation de fausse monnaie, aux travaux forcés à perpétuité. Sa peine fut commuée à 10 ans le 5 novembre 1823 et il fut libéré le 5 novembre 1833 [Mme Odile Mermet-Goy].

Buclaloup eut ensuite une existence sans histoire, jusqu'aux approches de la Seconde Guerre Mondiale où la grange ne fut plus habitée. Les résistants en profitèrent pour s'y installer. Le 6 février 1944, la Compagnie de Lorraine de Minet et ses maquisards (dont Louis Hottlet), délogés de leur base du Pré Carré (sur le Retord), se réfugient à Buclaloup, à proximité de la Caserne où est déjà stationné le Camp Richard. Fin de guerre et représailles, dans la nuit du 9 au 10 avril 1944 les allemands incendient Buclaloup et la Caserne, et bien d'autres granges.

Buclaloup, c'est aussi un précipice naturel, on dit ici un tombaret. Signalé sur les cartes depuis 1836, ce n'est qu'en 1901 que cette entrée fut "pointée" (explorée) par des membres de la Société naturaliste de l'Ain. C'est toute une expédition et, par le bouche à oreille, les gens des fermes voisines accourent et mettent en garde : "l'entreprise est de la folie, le gouffre est profond de plusieurs centaines de mètres..." Mais au final le tombaret n'a que 49 mètres de profondeur ! Et les adeptes de la spéléologie naissante s'indignent, ils marchent sur le cadavre d'un mulet... Mais c'est une tradition que de précipiter dans les gouffres les animaux morts, ou simplement vieux et infirmes ! Et en 1952, ce seront les ossements et le crâne d'un milicien exécuté lors de la dernière guerre que les spéléologues y trouveront, sans plus de découvertes spéléologiques qu'en 1901.

Buclaloup, c'est enfin une mystérieuse pierre christique, gravée au sol non loin de la grange. A la manière d'un sceau, la gravure se compose d'une croix et du monogramme christique IHS disposés dans un petit cercle. A l'extérieur, deux rameaux (d'olivier ?), symétriques, ont leurs tiges courbées qui se réunissent pour donner l'illusion d'un grand cercle dont le diamètre est d'environ 50 cm. On présume que des messes clandestines furent célébrées ici par les prêtres réfractaires lors de la Révolution.

L'Etymologie de Buclaloup fut longtemps donnée et reprise par les historiens locaux comme étant un lieu où l'on brûlait les loups. Mais les recherches récentes optent davantage pour une référence au précipice du lieu (BUK- "ventre" + suffixe -ELLA + suffixe -UTUS) [J.-P. Gerfaud (Voir Microtoponymes de Champfromier, page 24)].

 

Publication : Ghislain Lancel. Remerciements : M.-C. Vandembeusche et R Chessel (cliché R. Maréchallat).

Première publication le 1er décembre 2015. Dernière mise à jour de cette page, 2020.

 

 


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