Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

La légende du Pont du Dragon [Inédit]

 

 

Le pont du Dragon actuel en pierre, permettant de franchir aisément la Valserine entre Champfromier et Chézery, n'est pas bien vieux. On voit qu'il ne figurait pas encore sur les plans napoléoniens de Chézery. Et pour cause, il porte en clé de voûte la mention "D & M 1890". On le dit bien connu pour avoir été le lieu de passage privilégié des "chalandes" de Communal (hameau de Champfromier) vers l'épicerie de Chézery, laquelle fit fortune sur la rive gauche, tout à proximité du pont, en Zone Franche (détaxée). Il reste encore quelques traces de la guérite du naïf douanier qui se trouvait à la sortie du pont, cette fois rive droite...

Il est rare qu'un toponyme très connu, trouve son explication de manière presque certaine, surtout après des décennies sans que personne n'en ai jamais transmis l'explication par tradition orale.

C'est pourtant ce qui vient d'être découvert, concernant le célèbre Pont du Dragon, à Champfromier (Ain). Jusqu'à présent, on ne faisait souvent référence qu'à un militaire, un dragon d'une armée des temps jadis... Mais cette explication n'avait été qu'une plaisanterie radiophonique faite par un animateur (Christian Vallet) d'un radio émettant sur le village de Champfromier dans les années 1960 !

 

Depuis, on en restait là ; jusqu'à ce jour de mai 2013 où Agnès Godard, une randonneuse, plus exactement une professionnelle du treck, lève le nez en passant sur le pont... Toutefois, prudente, elle téléphone à PHC :

— Ce pont du Dragon, on en connait l'explication ? Pas vraiment, mais on pense que, comme sa variante la vouivre, le dragon avait une connotation suffisamment dissuasive pour que les enfants ne viennent pas s'aventurer en cet endroit très dangereux. Reptile fabuleux, moitié volant, moitié terrestre, les hideuses poursuites du dragon (et de la vouivre) ont longtemps défrayé les contes de veillées Jurassiennes, Bugistes et Bressannes.

— Le Dragon, ce n'est pas un militaire ?  Non.

— Alors le Dragon, je l'ai vu, avec ses grosses écailles triangulaires sur le dos ! Il dresse sa tête en haut de la muraille !

 


Le Dragon du... Pont du Dragon sort la tête de son long corps écaillé...

De fait, regardant à droite quand on est au milieu du pont en venant de Champfromier (pittoresque chemin passant par le tunnel des contrebandiers, à prendre au départ à droite dans le virage après le tunnel de Domplomb, route de Chézery), on a vraiment l'impression de voir un Dragon de Komodo, ou plus exactement une espèce de varans tout droit échappé de l'île des Galápagos !

Bravo pour cette belle découverte, et pour l'envie de la partager. Moment exceptionnel, pour marquer cette découverte, Agnès en a profité pour inventer une soupe aux herbes sauvages qu'elle a appelé... Soupe du Dragon ! Si vous passez par Le Poizat ("En Pleine Nature"), n'hésitez pas à la savourer et à vous faire raconter l'histoire de cette découverte.

Rappelons toutefois que, si vous y allez avec de jeunes enfants, ce Dragon est bien là pour rappeler qu'à cet endroit la Valserine est très dangereuse (hautes parois verticales non protégées) tant que l'on n'est pas entre les solides et sécurisants murets du pont. Le dragon ne pourra alors ni manger les enfants ni les jeter dans le lit de la rivière, il est bien trop occuper à prendre le soleil perché sur son rocher...

Par-delà cette belle histoire, rappelons que le pont actuel ne fut construit qu'en 1890 pour le passage d'un attelage avec tomberau par Hippolyte Dujoux, cultivateur célibataire demeurant au lieu-dit voisin de Sous-Roche (Chézery), dont le père, encore vivant à l'époque de la construction, était Jean-Marie Dujoux [CI-11261 de Chézery], ancien dragon en Italie, dont les initiales D.J.M. sont gravées sur le pont...

 

Voir Pont du Dragon

 

Publication : Ghislain Lancel. Remerciements : Agnès Godard (Le Poizat) pour sa découverte du significatif rocher en profil de dragon en mai 2013 ; Hannezo, le dragon (p. 124). Crédit photographique : Ghislain Lancel (13 juin 2013).

Première publication le 3  juillet 2013. Dernière mise à jour de cette page, 16 août 2022.

 

 


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