Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Le Pont d'Enfer

 

 

Le Pont d'Enfer a donné son nom au groupement d'habitations qui s'étend de part et d'autre de la Volferine sur les anciens terroirs de Champfromier et de Monnetier. Ce pont n'est pas à confondre avec le pont routier de la D14, route qui traverse tout le village sous le nom de Rue des Burgondes. Il est aussi distinct de l'ancien Pont du Tram voisin, de nos jours pont piétonnier. Pour voir le vrai pont d'Enfer, il faut donc avoir accès sous la scierie (accès interdit depuis l'incendie du 27 novembre 2013). La photographie ci-jointe permet de visualiser la voute de ce vieux pont, l'étroitesse du lit de la rivière et la chute d'eau dont l'énergie hydraulique permit longtemps de faire fonctionner les scieries des deux rives et le moulin dont on voit encore une étroite baie percée dans la robuste muraille.

La route de Montanges à Chézery qui enjambait jadis le très escarpé lit de la Volferine en cet endroit était à peu près la D14 actuelle, mais un peu plus à l'ouest, passant derrière la Poste et se poursuivant vers le hameau de Monnetier par l'actuel Chemin du Ménéchar.

Ce pont est historique. Vers 1640 il fut le lieu d'un tragique épisode de représailles de "picorées" des Gris (Français) contre les Cuanais. ce jour là, un groupe de Boucherans (habitants des Bouchoux, Jura) est surpris au lieu-dit Sous-Massans (de nos jours lotissement de Champfromier voisin du pont) et dépose les armes. Mais l'un de ces hommes est reconnu par Berrod-Vally, un Gris de Montanges : "Voilà celui qui a tué mon père" déclare-t-il, et aussitôt le Cuanais est tué ainsi que ses compagnons, à coups de pioches et de massues, et tous sont précipités dans le précipice du pont... d'Enfer ! Et n'y passèrent plus jamais les Boucherans sans évoquer le massacre à cet endroit de leurs pères : "Vaica zou les tzancrous de Gris firent sôttaz noutros peires" [Guillermet, p. 79].

L'étymologie de ce Pont d'Enfer, semble donc évidente, se rapportant à un fait historique, un groupe d'homme envoyés en Enfer à coups de gourdin ! Ce n'est toutefois pas certain. Des ponts peu éloignés, comme ceux dits du Pont du Diable et du Pont du Dragon (sur la Valserine) semblent avoir privilégié des dénominations destinées à faire peur aux enfants, à les éloigner, et ainsi à les préserver de noyades ou de chutes mortelles. D'ailleurs un vieux document de 1666 qui nous ramène à notre pont, nous informait qu'il était déjà en pierre et qu'il mesurerait 30 pieds de long. Mais ce pont n'y est pas dénommé, il est alors seulement situé par rapport à grand précipice voisin, appelé... le "Puitz d’Enfer" ! Alors, longue tradition fantasmagorique, imprégnation religieuse ou fait d'histoire ?

 

Première publication le 1er décembre 2015. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

 


<< Retour : Lieux-dits