Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
L'ancienne très vieille et vaste abbaye de Nantua (Ain), possédant la paroisse de Montanges, devait logiquement avoir pour limite de ses possessions à cet endroit la rivière de la Semine, et donc Trébillet, hameau de Montanges. D'ailleurs en 1502 à Trébillet la mesure des céréales était encore celle de Nantua. Mais vers l'an 1100 diverses circonstances réduisirent la vénérable institution à un simple prieuré clunisien. Des lors, des possessions territoriales avaient certainement aussi été perdues. Ainsi s'expliquerait qu'en 1502, Noble Perceval d'Echallon puisse aberger Trébillet (vendre sous conditions de taxe annuelle) ! Sa famille, dont le nom est aussi celui du village, en était donc devenu le seigneur, aux dépens de Nantua. Bien entendu la source jaillissant là de la montagne était un lieu propice à l'édification d'un moulin hydraulique, et, à n'en pas douter, celui de 1502 existait alors déjà depuis bien longtemps.
Les moulin, battoir et scie de Trébillet (hameau de Montanges, Ain, rive gauche de la Semine) y sont attestés depuis 1502. Les archives conservent en effet d'un parchemin en latin, en mauvais état et lacunaire, mais dont l'essentiel est lisible. Il s'agit d'un abergement (une vente avec taxe annuelle) du moulin de Trébillet et de terres avoisinantes, en date du 24 août 1502 : Noble Perceval d'Echallon alberge à Humbert Roy, de Ruty, dans la paroisse de Montanges, le moulin, battoir et scie de Trébillet, avec tous ses instruments, ainsi que les emplacements pour édifier toutes les installations nécessaires sur tout le cours d'eau depuis les sources de Trébillet, sous le village du Fay, jusqu'à la grande rivière, qui coule près de là ; il s'agit de toutes les terres et propriétés qui se trouvent entre le pré des Collombets, qui appartenait à défunt Jean Ducros, et le pré Borgey et « vicum album » à l'est. Humbert Roy paye 60 florins d'introges. Le servis annuel est de 4 quartaux de froment (mesure de Nantua) et 6 florins d'or. L'acte est passé à Echallon, devant la maison d'habitation de Perceval d'Echallon, par le notaire Claude Antoine, d'Echallon. Témoins : Pierre Tournier alias François ; Pierre Junin ; Amédée, fils de feu Humbert Girard ; Jean Bouvier ; tous d'Echallon ; Pierre Guiod, de Ruty [AD01, E57 (pièce 7), en ligne (Documents du Haut Bugey)].
Un acte un peu plus tardif, du 27 octobre 1566, est relatif à un rachat de ce moulin de Trébillet. Noble Louis d'Echallon fait appeler Louis Passerat dit Billioct [époux de Guillauma Savarin] et Claude Baptozard, au nom de sa femme [Etiennette Passerat, fille de Charles, frère de Louis Billiot, deux fils de Jehan], cohéritière de feu noble Jehan Passerat, pour exercer son droit de réachat sur une rente de dix coupes de froment, mesure de Nantua, cinq florins d'argent et deux poules, assise sur les moulin, battoir, scierie, foulon, pré et terres de Trebillet, pour le prix de 70 écus. L'acte est passé à Châtillon-en-Michaille, dans la maison de Pierre Terpin, par le notaire Claude Morens. Témoins : Pierre Terpin, Roland Passerat, Louis Passerat dit Lerretat. [AD01, E57 (pièce 25), en ligne (Documents du Haut Bugey)].
Le 10 septembre 1678, une Jacqueline Passerat, fille de Claude, épouse, le 10 septembre 1678 à Ardon, Cyrile Maurier, meunier à Trébillet.
Un lacune d'archives durant plus de deux siècles, ne reprend qu'en 1830 avec ces moulins dont les mentions les signalent, à juste titre, "établis depuis longtemps". Ces moulins, trop nombreux après la Révolution et la disparition du droit de banalité, connurent des fortunes diverses, abandonnés, maintenus comme tel ou développés, reconvertis. Néanmoins, durant le début du XIXe siècle Trébillet se caractérise par des "usines" étagées entre la source jaillissant en cascade de la falaise et le niveau de la Semine, environ 18 mètres plus bas. Ces établissements hydrauliques se composent de pressoir et batteur, moulin (à 2 roues) de Savarin, papeterie éphémère, et martinet de forge (aussi à 2 roues) de Besson, ainsi qu'on l'observe sur un magnifique plan datant du 9 janvier 1830, produit pour accompagner une demande du Sieur Besson afin de remplacer la papeterie par une forge (martinet).
Le plan ci-dessus (et son extrait ci-dessous) atteste que le 9 janvier 1830, les Savarin exploitaient, au plus haut de l'empilement des usines situées sous la source de Trébillet ; au plus haut un ensemble battoir et pressoir, et, juste en-dessous, un moulin situé dans un bâtiment bien plus vaste, ce moulin étant actionné par deux roues hydrauliques. Un chemin assez compliqué, permettait d'accéder à ces endroits depuis le pont de Trébillet.
Un autre plan, daté du 25 janvier 1841 (voir Rive gauche), donne un nouveau propriétaire pour le moulin, le Sieur Joseph Pernod (décédé le 29 septembre 1843 à Montanges, âgé de 43 ans).
La papeterie Séve en question ne fonctionna jamais, étant démolie à peine construite sur ordre des douanes ! Chronologiquement, les archives départementales conservent d'abord une note provenant du sous-préfet de Nantua (le tout puissant J. Dupressy), en date du 14 septembre 1819, qui émet un avis favorable (à donner par le préfet) à la demande du Sieur Jean-Philibert Sève, fabriquant de papier domicilié rière Nantua. Cette demande concerne l'autorisation d'établir une papeterie dans les bâtiments des moulins de Trébillet, dont il est devenu acquéreur. Le maire de Montanges informe que sa demande a été lue à l'issue de la messe paroissiale, puis affichée (du 8 août au 4 septembre), sans recevoir d'opposition, ne portant aucun dommage aux propriétés voisines, attendu qu'il se trouve une chute d'eau favorable, sans presque d'écluse (retenue d'eau). Bien au contraire, cet établissement ferait accroître l'industrie dans la commune.
Mais le 18 janvier 1820, les douanes, dans une lettre au préfet, ordonnent le contraire, que cet établissement ne peut être autorisé. Les motifs sont nombreux (6 points), mais se concentrent sur ce que le prix des drilles (ballots de chiffons usés) est très élevé en Suisse, avec une différence de prix énorme, du quart en France de leur valeur à l'étranger. Trébillet étant si proche de la frontière, il faut anticiper que le futur papetier risque de préférer procéder en partie à des exportations frauduleuses... Il n'y a pas de poste de douane dans cette localité, et il serait donc facile d'éluder la surveillance... Par ailleurs les drilles de la Michaille sont déjà orientées vers les papeteries de Nantua, donc en direction de l'intérieur du pays, et non vers l'extérieur. Par ces considérations, l'établissement projeté ne peut être autorisé.
Dépité, le 26 avril suivant, M. Joseph Mermet, maire de Montanges, s'en va donc présenter le procès-verbal du 15 avril dernier, lequel enjoint au Sieur Fève "de démolir dans la huitaine la papeterie qu'il a construite audit lieu". Il était fréquent dans nos communes que les usines soient construites et même fonctionnent avant d'en avoir reçu les autorisations. Le maire constate que dans le local de la papeterie cette partie est "chaumée", observant que toutes les ressources dudit Sieur Fève avaient été employées pour la construction de cette usine, et qu'on "le réduit, ainsi que sa famille, à la plus grande misère, n'ayant pas d'autres moyens d'existence".
Notons que curieusement les Hypothèques font mention d'un achat postérieur, avec l'acquisition des usines de Trébillet (Montanges), le 1er mars 1821 par Sève Jean-Philibert, entrepreneur papetier de Nantua (Vol. 24, article 59). Par ailleurs il semble bien qu'une fabrique de papier d'emballage ait finalement été un moment en activité, mais peut-être pas à son nom (voir ci-dessous en 1827).
Notons encore que la papeterie Sève était installée aux Battoirs entre Nantua et Les Neyrolles à cette époque. Dans les statistiques du sous préfet de 1812, elle est à Condamine la Doye [Nicole Collet].
Une nouvelle orientation est donnée aux usines de Trébillet avec une lettre au préfet datée du 22 décembre 1827 et signée par François Besson, taillandier patenté résidant à Trébillet, commune de Montanges. Il y expose qu'il est copropriétaire d'une source qui coule avec impétuosité à côté de sa maison audit lieu. Cette source "faisait mouvoir un moulin à blé, lequel fut remplacé par une fabrique de papiers brouillards propres à plier les marchandises". L'intention de l'exposant est de se servir de l'eau de la source "pour faire jouer sa forge & marteaux, accélérer ainsi les travaux journaliers de la profession, économiser le temps et la main d'œuvre dans la fabrication des gros outils en fer tels que socs et coûtres de charrues, pelles de toutes dimensions, hoyaux (houes à lame courbe taillées en biseau), haches, coignées, pioches, tridents, et sabots pour enrayers de chariots (pour l'enrayuré des voitures, sabots de freins ?), et autres ustensiles en fer". Il n'emploie que les fers et aciers (en barres) qu'il achète à Lyon, et de la houille, et parfois du "charbon de terre" (de bois), pour entretenir la forge, vendus par des particuliers du voisinage. Il n'est pas concerné par la loi du 21 avril 1810 sur les mines et carrières, en particulier l'article 73, n'étant qu'un ouvrier qui transforme le fer à moindre frais pour le convertir en outils de taillanderie et d'agriculture. En conclusion il demande à M. le préfet à ce qu'il lui plaise de l'autoriser à faire marcher ses forge et marteaux, en remplacement de l'usine pour papier.
Finalement le sous-préfet, en date du 3 avril 1830, préconise l'autorisation de cette forge à eau, en remplacement d'un moulin puis papeterie, sous réserve de payer les 50 francs de vacation de l'ingénieur.
Peu de temps après, le 8 janvier 1830, un ingénieur vient donc sur place. Il y trouve "toutes les machines montées depuis plus d'un an, et les forges et martinet en pleine activité". Il constate que les cascades de la source traversent la propriété Besson, que, depuis le temps de la papeterie, le propriétaire n'a fait que changer d'industrie, que les aménagements font que le sieur Savarin, propriétaire du moulin, n'a plus rien à craindre des inondations (voir le plan ci-dessus et ci-contre). L'ingénieur déclare que le pétitionnaire pourra jouir de son usine dans l'état actuel.
Le décès des deux époux Besson et Girod marqua la fin de la présence des Besson martinatiers (utilisant un martinet) à Trébillet. Jean François Besson, né le 9 mai 1787 à Péron (01288), martinatier, taillandier, maréchal de Trébillet, est décédé le 28 mars 1843 à Montanges (probablement à Trébillet), à l'âge de 55 ans. Son épouse, Françoise Girod, née le 4 janvier 1790 à Thoiry, décède le 18 juin 1865 à Montanges, ménagère, à l'âge de 75 ans. Parmi les enfants, Clorinde, la cinquième et dernière venue, épouse un Auguste Rostand, natif de l'Isère (Guillestre), à ce qu'on sait fabriquant de plâtre à Trébillet. Celui-ci, veuf, épouse en secondes noces en 1866, Etiennette, la sœur aînée, et elle le suivra, exploitant de plâtre à Vizille (Isère). Henri, l'aîné des fils, a repris la profession de son père, martinatier, mais à Gremaz, commune de Thoiry. Quant-à Auguste, second des fils, il est lui martinatier à Trébillet. Enfin, Agapite, seconde des filles et quatrième enfant, elle a épousé un Jacques Moine qui fut cafetier à Tacon, puis à Bellegarde, et est depuis sans domicile connu, laissant un fils mineur, Henri. Il y avait bien eu un partage en succession du père en 1853, et un autre en celle de la mère, mais le tout restait en indivis, avec des proportions différentes, et sans pouvoir physiquement partager équitablement les divers immeubles entre les héritiers... C'est dont finalement Henri, le fils martinatier de Thoiry, qui demande (avec une présumée tante) la mise en vente de ces immeubles, par voie de justice, et qui va aboutir à l'adjudication du 11 avril 1869. C'est pour nous l'occasion de connaître le détail des biens, en deux lots de même valeur (5.000 francs) chacun de la succession du père et de la mère.
Premier lot. Il comprend :
1) Un bâtiment situé à Trébillet (commune de Montanges) [Maison et martinet A501 à l'état des sections de 1832], composé au rez-de-chaussée d'un martinet à deux marteaux, mû par la source dite Trébillet, et en quatre appartements au premier étage, et des galetas au-dessus. De ce bâtiment dépendent, comme accessoires indispensables pour l'usine, la prise d'eau, le bassin et le canal de chute et de fuite, les rouages, l'arbre, les marteaux et enclumes, bâtiment accessoire et meule tournante […] ; emplacements et parcelles de pré [A 501 ouest ?] au levant du lit de la source et compris entre ce lit et le canal du matin, et tous les emplacements attenant au nord de ce bâtiment jusqu'à la propriété de François Pernod, meunier [du moulin A502], joignant au nord et au levant François Pernod et encore au levant le second lot ci-après.
2) Une petite parcelle [A 510 et 511 ?] de terre et jardin, d'environ 6 ares de superficie, au midi du bâtiment du martinet, emplacements en dépendant entre cette partie du jardin et le chemin, joignant au nord le chemin et au levant le lot ci-après, dépendant de la succession de la mère.
3) Et une parcelle de terre [dont A 512 ?], pâture et broussailles, d'environ 65 ares de superficie, située en Mouillachon, joignant au midi l'article 3 du lot de la mère ci-après, suivant les limites existantes et du nord la propriété de Madame Rossand, née Crochet.
Deuxième lot. Il comprend :
1) Une maison d'habitation [Maison qui semble nouvelle dans le A499], située à Trébillet, composée au rez-de-chaussée d'une remise, d'une chambre et de deux petites écuries, et de trois appartements au premier étage, desservis par un escalier en pierre au midi de la maison, joignant au couchant l'article 1er du lot précédent, le mur entre deux (étant mitoyen), au midi le chemin de Trébillet et au nord chemin tendant aux moulins Pernod, ensemble tous emplacements au nord et au levant de ladite maison, sous la réserve du droit de passage avec voiture sur ledit emplacement, pour desservir la maison du martinet comprise en l'article 1er du précédent lot.
2) Une parcelle [A 499] de pré et jardin, d'environ 9 ares de superficie, finissant en pointe au levant et joignant de ce côté le pont de Trébillet, au couchant l'article second du lot précédent.
3) Et une pièce de pré [A 508 et 509 ?], terre et bois, située en Mouillachon, d'environ 3 hectares 74 ares 40 ca, joignant des midi et couchant la rivière de Semine et du nord l'article 3e du lot précédent.
C'est le même fils Henri Besson, qui remporte toutes les enchères, sans jamais aucun autre surenchérisseur. Etonnamment il propose cependant à 7.050 francs pour le premier lot, et 8.000 francs pour le second. Conformément au cahier des charges modifié, les enchères pour les deux lots cette fois groupés suivent, sur la base du total précédent de 15.050 francs. Cette fois il monte encore à 15.250 francs, sans aucune nouvelle enchère. Et à l'instant, coup de théâtre assez fréquent, ledit Henri Besson déclare s'être rendu adjudicataire pour Paul Crochet, négociant demeurant au bas de la montée de la Crotte [Châtillon) ! Celui-ci déclare accepter. Par ailleurs il précise que ne possédant actuellement aucun immeuble, l'hypothèque de ses biens ne pourra se faire qu'à l'avenir ! Le cahier des charges nous permet aussi de connaître les origines de propriété : le bâtiment du martinet et la pièce de Mouillachon avait été acquis par les époux Besson de Madame Béatrix née Tardy, et le surplus leur provenait des héritiers Savarin et Colliex, desquels ils les avaient acquis depuis plus de 60 ans (vers 1809) [Bureau des hypothèques de Nantua, le 11 avril 1869, Vol 208, n°94 -- voir aussi AD01, 3E 38310 (acte n° 46) et le détail des immeubles repris dans l'Abeille du Bugey du dimanche 14 mars 1869 -- Voir aussi, lors de revente à la Société des Bitumes..., le Bureau des hypothèques de Nantua, le 19 décembre 1881, Vol 331, n° 56].
Les recensements de Montanges comprennent naturellement les habitants du hameau de Trébillet, mais uniquement ceux de la rive gauche de la Semine (les autres étant sur Châtillon), et sans faire la distinction entre ceux des habitations situées sous la source des cascades (moulin Pernod) et ceux en aval du pont (la scierie Jantet). Pour 1866 mentionnent 8 maisons et, autant de familles, pour un total de 49 personnes habitant à Trébillet. L'une des familles est celle de François Pernod, 43 ans, meunier et chef de ménage, Joséphine Poncet sa femme (31 ans), leurs 4 premiers enfants et la belle-mère. On note aussi la présence de la famille d'Auguste Besson, taillandier (martinet) chef de ménage âgé de 35 ans, Virginie Mermillon son épouse, 5 enfants et un Ballivet ouvrier taillandier. Une autre famille est celle de Joseph Moine, contre-maître âgé de 36 ans. En 1876 Trébillet ne compte plus que 5 maisons pour 25 habitants. On retrouve François Pernod, meunier né à Logras, son épouse née à St-Germain, 7 enfants, un domestique et la belle-mère de Logras. Il existe d'autres familles dont celles de Joseph Moine, et de Jean Sérignat, ouvrier d'asphalte (en voyage). En 1891 le récapitulatif mentionne que Trébillet ne compte plus que 3 maisons pour 11 habitants. Le recensement ne précisant pas les lieux, on devine cependant que sont présents deux Joseph Pernod chefs de ménage, l'un chef d'usine (36 ans) époux d'Elisa Follet, et l'autre qui est meunier (68 ans) avec femme et enfants. En 1896, le Joseph Pernod n'est plus dit que contre-maître d'usine, tandis qu'au moulin, c'est désormais André Pernod (29 ans) qui est le meunier chef de famille, demeurant avec sa mère, un frère, une nièce, un neveu et un domestique.
Avec le début d'un nouveau siècle, en 1901,trois maisons de Trébillet sont habitées, la première (celle du bas des cascades, acquise par Paul Crochet en 1869) occupée par André-Paul Puiseux, ingénieur à la Société des Mines du Centre, et Adèle Ailloud, sa femme (veuve de Paul Crochet, mort en 1886), la deuxième par Joseph Dunand, contre-maître de la même société, Marie Clémantin sa femme et leurs 2 enfants, et la troisième maison (en haut) par André Pernod meunier, désormais marié avec Marie Turel meunière, leur fils Joseph âgé de 3 ans, une nièce et 3 domestiques. En 1906, il n'y a plus que deux maisons occupées, celle d'André Pernod, patron meunier, et sa maisonnée, et celle du même contre-maître de l'usine d'asphalte. En 1911, il n'y a plus qu'une seule maison habitée, celle d'André Pernod meunier, mais avec de nombreux occupants, sa femme, leurs 2 enfants, beau-père, belle-mère et 4 domestiques. En 1921, la guerre a apporté son lot de bouleversements. Le moulin est dirigé par une meunière, la veuve Pernod. Une autre maison est occupée par Marcel Lacroix, directeur d'usine (mais non pas Pernod comme les guillemets le laisseraient supposer), sa femme et deux jeunes fils dits employés de commerce.
En 1926, Trébillet prend un nouvel essor, avec 5 maisons habitées par 7 familles totalisant 28 personnes dont 9 étrangers. La première maison est désormais celle de Joseph Pernod (fils d'André), avec Louise Claire Hermance Joux sa femme, et un oncle. Une deuxième maison est celle de René Michel Coste, né en 18883 à Paris, affuteur chez Jeantet-Pernollet et Cie, et sa famille. La même maison est habitée par Edouard Thabuis, un marchand de bois patron. Trois autres maisons sont occupées par des manoeuvres, un scieur et un bûcheron, dont des Italiens, tous travaillant chez Jeantet-Pernollet et Cie, la dernière maison étant celle d'un cultivateur, Louis Merme. En 1931, on retrouve les mêmes Merme, Pernod et Thabuis patron marchand de bois. Mais ce dernier n'est plus accompagné que par deux hommes (en 2 maisons) deux scieurs travaillant pour la "Scierie Jeantet-Pernollet et Cie". En 1936, on retrouve 5 maisons habitées par 10 familles, soit 35 habitants dont 25 étrangers. Outre les familles Merme et Pernod, on relève un chef famille Léon Vallite, affuteur chez Jeantet, un Jacques Musitelli italien, patron camionneur, les Antonin Bella, Baptiste Piccini, Luigi Lombardini, Auguste Graziotti et Jean Bona, Lino et Joseph Ciaponi, tous italiens et patrons bûcherons, parfois avec toute leur famille, sans oublier Georges Desbiolles, français né en Suisse, aussi patron bûcheron. Après-guerre, en 1946, le Trébillet de Montanges compte encore 3 maisons, 5 familles et 19 habitants dont 11 étrangers, le récapitulatif ajoutant que 22 maisons sont inoccupées. On note bien des changements. La maison Merme abrite maintenant la famille italienne de Cyprien Luzzi, bûcheron. Joseph Pernod est toujours chef de famille, mais devenu cultivateur. Par ailleurs sa famille se complète avec Jean Delécluse, "étranger à la famille", scieur, tandis que sa maisonnée se complète avec Martin Luzzi, bûcheron italien. Le camionneur Jacques Musitelli et sa famille occupent la dernière maison.
En 1954, une famille est celle de Jean-Pierre Delécluse, directeur de scierie. D'autres familles sont celles de Léon Vallette, contremaître, Georges Gourdy, chauffeur, et autres manœuvres italiens ou d'Espagne. Joseph Pernod est exploitant agricole. Au recensement de 1962, bien que les hameaux ne soient pas désignés, l'activité fromagère commence à Trébillet, avec la famille de Pierre Salvi, affuteur caviste. En 1968, tous les acteurs de la fromagerie sont portugais, Alberto Sardinha-Suares est chef caviste de fromagerie, José Dos Santos-Aleixo et autres sont ouvriers cavistes, avec leurs familles ils sont 18 à habiter ce hameaux, sans compter les Pernod. En 1975, trois familles sont recensées, celles de Manuel Almeida-Freire, portugais caviste de fromage, de Marcel Ravel-Chapuis, manutentionnaire,et des Poncet.
En résumé, les recensements depuis 1866 donnent pour permanents les meuniers Pernod, avec un arrêt de l'activité entre 1936 et 1946. De toute évidence l'usine d'asphalte Crochet située en aval du pont eut au moins entre 1876 et 1921 un chef d'usine (contre-maître) demeurant sous les Pernod, la maison principale étant même occupée en 1901 par le nouveau directeur ayant épousé la femme de l'ancien directeur. Les personnes vivant de la scierie "Jeantet-Pernollet et Cie" habitaient certainement les logements situés à l'opposé de la Semine dans le long bâtiment de la scierie, et sont signalés entre 1926 et 1936. La scierie de Zéphirin Jantet fut incendiée par les Allemands à la fin de la guerre. Elle fut reconstruite, cette fois parallèlement à la Semine, et on voit qu'en 1946, Jean Delécluse, qui en sera directeur habitait déjà Trébillet en tant que scieur, avant de s'installer dans la maison du bas des cascades. En 1962, l'activité fromagère remplace la scierie.
Pernod meunier avait fait réaliser en 1913 deux devis pour ses moulins aux cascades, produits par la Société Générale Meulière de La Ferté-sous-Jouarre, le 17 avril 1913, et par H&G Rose Frères, de Poissy, le 6 ocobre 1913. On doute, à l'approche de la guerre, que l'un ait été réalisé. Cependant, après l'arrêt l'activité meulière, Dédé Pernod, né sur place, signale qu'une petite scierie intégrée à leur habitation tourna jusque vers 1950. Vers 1955/1956, le fromager Reybier racheta une grande partie de la rive gauche de la Semine. Il fit raser tous les appartements, moulins et autres aux cascades, avec le projet de reconstruire des habitations afin d'y loger son personnel, mais ce projet de logements n'eut pas de suite.
Sources : AD01, 7S 207. Remerciements : André Pernod (Montanges)
Publication : Ghislain Lancel.
Première publication le 2 avril 2024. Dernière mise à jour de cette page, 04/05/2024.