Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Charrue brabant (Melotte, de Givet)

La charrue brabant était destinée au labour à plat. Elle était équipée de deux séries de pièces aratoires, l'une pour verser vers la droite, l'autre pour verser vers la gauche. Ces versoirs s'utilisaient alternativement grâce à un mouvement de bascule que le laboureur actionnait à chaque demi-tour au bout du champ.

Charrue brabant MELOTTE de Givet

Pièce n° 194. Charrue brabant MELOTTE de Givet (Ardennes), châssis n° 90306. Longueur : 2 mètres. Donation : Philippe Gazagnes, Lancrans, la Grande Côte. Origine : Ancienne ferme de Ernest Pointet.

 

Charles Pointet a bonne mémoire, il se souvient du moindre détail de la vie agricole à Lancrans et dans les environs. Les charrues de Givet (ville des Ardennes située à quelques centaines de mètres de la frontière belge) étaient les meilleures dans les années 1920. Avec ces charrues, de la marque Melotte, la terre glissait sur le versoir tandis qu’avec les autres elle collait ! Le secret de ce versoir était un assemblage de trois couches d’acier, la première très dure et lisse, les autres plus tendres mais ayant la faculté de prolonger la durée de vie du matériel. Le soc était lui en acier martelé.

De fait, chaque versoir porte au dos deux ovales peints. Celui de la marque est entouré de rouge, mais la partie centrale laisse évidemment apparaître le très beau bleu ciel caractéristique de la marque Melotte : "S.A. Française des Machines agricoles MELOTTE, AM Marque de fabrique (dans un G stylisé), GIVET (Ardennes)". L'autre ovale est en encart publicitaire dont on a la preuve qu'il fut bien retenu ! "Ce versoir MELOTTE en acier à Centre doux trempé, a une durée de vie cinq fois plus grande que celle des versoirs en acier martelé".

Logo MELOTTE

 

Charles se souvient même des circonstances de l'achat de cette charrue, avec une pointe de nostalgie... Ernest, son oncle, l'avait achetée d’occasion, après qu’il ait cassé l'attache de celle de son frère avec un tracteur. Ce genre d'incident n'arrivait jamais avec les bœufs ! Les bœufs, eux, savaient ne pas forcer quand une pierre bloquait la progression de la charrue, pas le tracteur…

Pour compléments, voir le musée de Remicourt (Belgique), un petit musée local en partie consacré aux écrémeuses Melotte, qui firent la première renommée de la firme, et aux charrues. Melotte fit travailler plus de 1200 personnes dans les années 1920 et ouvrit une usine en France pour diminuer les taxes. Il y a peu de temps on pouvait encore trouver le bleu Melotte en poudre dans certaines drogueries. Depuis, les variantes du bleu font débat...

 

 

Additif (18/06/12) : Monsieur Lancel, ces quelques mots afin de vous remercier d'avoir parlé de la Charrue Mélotte. Je suis l'épouse d'un petit fils Mélotte qui a succédé pendant plus de 30 ans à la tête de la Société Familiale Mélotte. Je suis toujours très émue et fière de voir que l'on a encore une pensée pour l'énorme travail que les Grands Parents de mon époux ont fourni à l'agriculture.

Les frères  Alfred et Jules Mélotte ont énormément contribués à l'essor du monde agricole, et ce, même bien au-delà de nos frontière. Le brevet de la charrue Brabant a été déposé en 1880 par Alfred Mélotte et le modèle fut fabriqué après la guerre à plus de 30.000 exemplaires par an. A l'époque la charrue était exportée dans le monde entier.

Malheureusement ces charrues ne sont plus fabriquées depuis  les années 1974/75. Les frères Mélotte ont considérablement amélioré par leurs inventions le travail de l'agriculteur, non seulement avec la charrue mais aussi avec l'écrémeuse centrifuge à bol suspendu inventée par Jules  Mélotte en 1888. Jules et Alfred Mélotte étaient des hommes de cœur et ont participé au développement de la commune de Remicourt et de Gembloux en Belgique.

Jules Mélotte, jusque sur son lit de mort, habitué à faire le bien, a demandé et payé par testament la construction d'un hospice et d'une crèche pour les membres de son personnel, et il  à créé une caisse de retraite pour ses employés.

La société française des Machines agricoles Mélotte se trouvait à Givet. L'usine comportait fonderie, forges, ateliers de mécanique, de montage de peinture et d'un service d'expédition. La production pour la France était de 2.000 à 3.000 charrues par an, qui étaient expédiées principalement à Saint-Brieuc en Bretagne chez Monsieur Maréchal, pour la distribution dans toute  le pays. Gembloux devait parfois faire certaines modifications en fonction des particularités de certaines régions de France, telles que porte-guide, vis de terrage, etc. Un dispositif de transmission de la traction animale vers l'arrière était propre à l'usine de Givet.

Voilà, encore un grand merci pour votre article ; tout ceci est bien loin mais je vous remercie de ne pas avoir oublié. Recevez, Monsieur Lancel, mes salutations les meilleures. Christiane Descampe-Juvent.

 

Remerciements : M. et Mme Philippe Gazagnes, M. Charles Pointet. Crédit photographique : Ghislain Lancel (03/10/2010) ; Mme Christiane Descampe-Juvent.

Première parution, le 3 octobre 2010. Dernière mise à jour de cette page, 18/06/12.

 

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