Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Le musée de la Chandelette possède trois tarares, ou van mécanique (dit van), dont l'un très ancien (n° 256), sans versoir et avec des grilles faites main avec du fil de fer ! Mais il est cependant plus raffiné que ceux habituellement connu puisqu'en complément à l'action de la manivelle, il offre la vibration de la sortie latérale !
Pièces n° 144 et 145. Tarare. Origine : Le Bordaz et Communal. Donations Gilbert Blanc et Michèle Desesquelles. Pour ces deux exemplaires, les dimensions, parfois plus grandes, d'autres fois plus petites, la tringlerie métallique ou en bois, une sortie à gauche, l'autre à droite, et des finitions différentes indiquent une production d'origine locale.
Bien que dénommés tarares, ces instruments sont toujours appelés localement des vans (vans mécaniques), en référence au vrai van, sorte de grand panier plat en osier, que l'on utilisait pour jeter le blé en l'air, afin que le vent sépare la balle (l'enveloppe du grain qui s'envolait) du lourd grain qui retombait dans le van.
Le tarare offrait l'avantage de ne plus nécessiter qu'une force physique réduite (tourner la manivelle), sans attendre un vent régulier, et en éliminant de plus les grosses et lourdes impuretés.
Un ventilateur entraine dans un courant d'air les balles (enveloppes des grains), poussières et menues pailles qui s'envolent de l'autre côté de l'appareil. Le tarare étant souvent placé devant un mur, celui-ci empêche les légères pailles d'aller plus loin et on peut ainsi les recueillir au bas de ce mur. Deux cribles (de 5 et 4 mm), ayant un mouvement de va et vient horizontal actionné par une tringlerie qui transforme le mouvement rotatif de la manivelle, retiennent les grosses impuretés qui tressautent jusqu'à la sortie de ces grilles et sont ensuite dirigées vers une sortie latérale. Avant d'être recueilli débarrassés de toutes les impuretés sous le ventilateur les grains passent sur une troisième grille, au maillage très petit (2 mm), qui a l'effet inverse des précédentes en empêchant le blé de passer mais en éliminant la criblure, c'est à dire les petites graines d'espèces indésirables (coquelicot, bleuet, etc.) qui passent à travers et son récupérées sous le tarare.
La fête du village (2 juillet 2011) a été l'occasion de remettre en état un tarare (n° 144) et de le faire fonctionner à nouveau, à la très grande joie des enfants ! Voici le questionnaire qui était proposé en complément de son utilisation, puis les réponses...
Quelques explications
Avant l’invention de la batteuse (et des herbicides), on utilisait le tarare (on dit ici le van) pour nettoyer "le blé", ensemble composé de grains préalablement extraits des épis, mais aussi mélangé à de la paille (légère, qui s’envole facilement), de petites graines nuisibles (coquelicot, bleuet, etc.), les décompositions provenant d'insectes nuisibles ou de gros objets (terre, cailloux, etc.) Le blé ainsi "nettoyé" était utilisé pour ré-ensemencer ou fabriquer de la farine alimentaire.
Comment utiliser le tarare ?
D’abord fermer la vanne (trappe) de la trémie (bac de réception) du tarare. Puis simuler un tas de blé avec ses impuretés en mélangeant du blé, de la paille, des graines de plantes nuisibles, de la poussière, etc. Verser le mélange dans le versoir, trappe fermée.
Commencer à tourner la manivelle et ouvrir la trappe. C’est tout. Si les grosses impuretés restent dans les grilles, tourner plus vite !
Avez-vous tout compris ?
1) Pourquoi les pales du ventilateur tournent-elles plus vite que la manivelle ?
2) Quels sont les deux usages du versoir situé au-dessus du tarare ?
3) Pourquoi les trois grilles ont-elles un maillage différent ?
4) Pourquoi dans ce tarare les grilles ont-elles étés rapiécées comme un trou à un pantalon !
5) Pourquoi les grosses impuretés avancent-elles au lieu de sauter sur place sur les deux grilles ?
6) Combien de personnes s’affairaient tout autour du tarare ?
7) Pouvait-on faire plus fort, technologiquement, par exemple en faisant aussi vibrer la sortie latérale ?
8) Comment un mouvement tournant au départ se transforme-t-il en un mouvement qui pousse et tire à l’horizontal !
9) Le tarare est-il encore utilisé professionnellement de nos jours à moins de 5 km de Champfromier et, si oui, pour quoi faire ?
Réponses aux questions sur le tarare :
1) La manivelle est solidaire d’une roue de 70 dents, laquelle fait tourner une roue de 20 dents, solidaire de l’axe du ventilateur. Il tourne donc 3,5 fois plus vite (70 ÷ 20 = 3,5).
2) Naturellement le versoir sert à recueillir une grosse quantité de grain sans devoir être toujours présent puisqu’une petite trappe régule l’écoulement. Mais que se passerait-il si l’on enlevait le versoir en versant directement le grain sur les grilles ? Le vent produit par les pales ne serait plus dirigé en direction des grilles et les impuretés légères ne s’envoleraient plus !
3) Une grille, ça coûtait cher ! Le musée dispose d’ailleurs d’un autre exemplaire de tarare, plus vieux, où la grille a été faite à la main en entrecroisant du fil de fer !
4) La première grille a un maillage de 5 mm. Les grains de blé passent à travers mais les impuretés plus grosses restent (puis tombent par l’agitation des grilles). La deuxième grille de 4 mm a le même effet pour des impuretés un peu plus petites mais plus grosses que le blé. La troisième, de 2 à 3 mm, fait le contraire, empêchant le blé de passer mais pas les graines plus petites (graines de mauvaises herbes) !
5) Une légère pente des grilles ( 1 cm) fait qu’en sautant les déchets avancent vers le bord de la grille.
6) Deux à trois personnes sont nécessaires, une pour tourner la manivelle en permanence, et une ou deux autres pour verser le blé dans le versoir, et le récupérer à la sortie.
7) Oui, d’ailleurs un autre exemplaire du musée le fait !
8) La transformation du mouvement rotatif en un mouvement de va et vient est assez subtile ! D’abord une petite came située à l’opposé de la manivelle transforme la rotation en un mouvement d’avant en arrière (et un peu aussi de haut en bas). A l’autre bout d’une tige de transmission une pièce comportant un angle droit transforme le mouvement d’avant en arrière, en un mouvement de gauche à droite, de quoi secouer les grilles !
9) Oui (en 2011) le tarare est encore utilisé à Montanges, par un producteur de miel (Bernard Moyne). Il a toutefois motorisé l’engin avec un moteur de machine à laver, et débarrasse ainsi le pollen de ses impuretés (ailes cassées d’abeille qui s’envolent, etc.) : une technique simple, efficace, peu gourmande en énergie, reprenant un procédé traditionnel adapté ! Un peut plus loin, à Châtillon-en-Michaille, on peut citer un agriculteur (Lionel Cart, à La Plaine) qui cultive encore une parcelle destinée à produire ses propres semences une année sur deux, semences qui sont encore triées au tarare (lui aussi motorisé).
Crédit photographique : Ghislain Lancel.
Première publication, le 29 août 2010. Dernière mise à jour de cette page, le 10 juillet 2011.