Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Le pont de Forens, sur la Valserine (depuis 1730)

 

Le pont routier actuel, permettant de relier Chézery à son hameau, sur la D14 actuelle, est logiquement le plus souvent dit le Pont de Forens. Il serait aussi dit le Pont de l'Abbaye (à moins que cette dénomination ait concerné un autre pont, éphémère, positionné en face du passage sous les logis, et dont il reste des traces). Le Pont de Forens se devine symboliquement représenté dès les tibériades de 1612 [Ghislain lancel, L'abbaye de Chézery, p. 261]. Il est plus nettement positionné, avec une pile, sur la mappe sarde de 1730. Ce pont en bois fut reconstruit en pierre en 1863, du temps de Joseph Grosfilley, maire, ainsi qu'en garde le souvenir la pierre gravée au sommet de l'arche "1863 / Jh Grosfillet / maire".

Le pont en 1750

Un descriptif du pont de Forens en 1750 est connu par notre publication sur le Chemin des Espagnols (p. 83 et plan p. 46).


Extrait du plan de Reser (1750), l'abbaye de Chézery (D) et le Pont de Forens (E)

Rappelons ce descriptif : "3°) Dès le pont susdit [de Noirecombe], en descendant le long de ladite rivière, se trouve l’abbaye royale de Chesery (lettre D), vis-à-vis et près de laquelle passe ladite rivière, sur laquelle est établi un pont de bois sapin, dit des Forrens (lettre E), de 4 toises et 6 pieds de long [12,90 m], et de 3 pieds et demi de large [1,20 m], composé de quatre gros sommiers de bois sapin, de dix pouces et demi [30 cm] de toute carrure [section carrée], traversant ladite rivière et formant la longueur du pont susdit, liés dans trois endroits à travers par trois loups, composés de quatre pièce de bois sapin pour les tenir ensemble, étant rangés les uns contre les autres (et) faisant la largeur du pont susdit, lesquels sommiers sont appuyés de la part [du côté] de France sur une pièce dormante de bois sapin de quatre pieds et demi longueur [1,50 m], posée sur le roc ce la montagne, sur laquelle pièce de bois sont appuyés les sommiers formant le pont susdits, et de la partie de Savoye, sur un mur formant la culée du pont, dont la fondation, jusqu’à hauteur d’un pied [34 cm] plus haut que le poil [sic] des eaux, est construite en gros quartiers de pierre de taille de roc, piqués à la grosse pointe, faite en maçonnerie, et le dessus fait en quartiers de pierre de roc de la montagne, rangé en mur cru, sur lequel est posé une pièce dormante de bois sapin de la même longueur que le ci-dessus, sur laquelle sont appuyés les sommiers formant le pont susdit, ses garde-fous composés comme les ci-devant [au pont de Noirecombe].

Le pont susdit a été établi depuis un temps immémorial, et avant le premier Traité de Lion, sur ladite rivière et chemin qui tend au village de Forrens, et qu’il se disperse dans la montagne, pour l’usage des particuliers de la paroisse de Chesery en la partie de France, habitant dans le susdit village, pour aller et venir à la messe, que pour leurs commerces comme encore pour aller en France.

Il a été construit aux frais et dépens des habitants de la paroisse de Chesery, en la partie de France, à qui en est l’entretien, et qu’ils continuent à l’entretenir toutes fois et quand il manque quelque chose, et lorsque la rivière grossi et qu’elle l’emporte, comme il arrive assez souvent, il le font refaire, et le placent tantôt quelques pas plus haut ou plus bas suivant le lieu le plus commode, ce qui est arrivé dans le mois de novembre 1747 [et arrivera encore en décembre 1752], qu’il fut refait à neuf par Joseph fils d’Anselme Blanc dit Bougieux, âgé d’environ 55 ans, maître charpentier de Forrens, paroisse de Chesery, en la partie de France (…), sinon qu’anciennement il étoit construit tout en pierre de taille de roc en maçonnerie, et que lors il avoit été construit, et toujours entretenu par moitié, entre les habitants susdits et Monsieur l’abbé de Chesery, suivant qu’ils avoient ouï-dire, (…)"

 

Les réparations de 1789

On a vu que le pont de Forens avait été construit aux frais des paroissiens de Chézery, et que son entretien était de même à la charge des habitants de Chézery. La Révolution passée, en 1792 les procéduriers administrateurs du Directoire du Département de l’Ain, vont demander le justificatif des travaux pour la fixation de ses charges locales de Chézery pour l’année 1791. On apprend ainsi qu'un "devis des réparations à faire au pont de Forens placé sur la rivière de Valserine" avait été dressé et l’adjudication desdites réparations tranchée, quelques jours avant la Révolution, le 9 juillet 1789. Les travaux furent adjugés, une dernière fois par devant les officiers de la châtellenie de l’abbaye royale de Chezery, au sieur Claude Joseph Gros-Siord, charpentier à Chezery. En 1791, il restait encore à payer "200 livres pour solde des réparations faites au pont sur la Valserine" [AD01, 2L191 f° 278].

XIXsiècle

Le pont nécessitera régulièrement des réparations, plus ou moins importantes. Le 9 mai 1838 (acte n° 6), les conseillers municipaux de Chézery, après avoir rappelé que l'entretien du pont de Forens est à moitié à la charge de Forens, signalent qu'il faut remplacer une pièce qui manque par deux pièces de sapin (il est dit trois dans la copie de la Préfecture) de 40 pieds de long (à prendre à Lachaz de La Rivière) [Copie en AD01, 2O 1308]. Le paiement des frais (détail pour les deux ponts, plus 8 poutres oubliées à l'un des ponts) est acté le 10 octobre 1839. D'autres travaux sont encore à envisager en mars 1843 (acte n° 65), et l'occasion en est donéne par une avalanche au canton de La Chaz à La Rivière, où il se trouve 34 chablis gisants qui pourraient servir à réparer les ponts.

Vers un pont en pierre (1844...)

Lors de la cession de novembre 1844, le maire commence à ressentir la nécessité de reconstruire en pierre le pont de Forens, d'autant qu'il se trouve sur la nouvelle Route de Grande Circulation n° 14 allant à Trébillet : il faut construire un pont en pierre sur la Valserine, jusqu'à Trébillet Route n° 14, en remplacement du pont actuel en bois, qui à reconstruire tous les 5 ans, et qu'on ne trouve plus des bois de la bonne longueur. Ce serait à payer par moitié avec Forens, Chézery prenant 10.000 pieds de fayards à Courbe-Roche, avec l'accord des agents forestiers [AC de Chézery, D3, acte n° 87]. Mais les fonds manquent et, l'année suivante, on en revient à une estimation de 150 francs pour des travaux d'urgence en bois (pont qui est dit de L'Abbaye !) Toutefois, l'idée n'est pas abandonnée. Le conseil, lors de sa séance ordinaire de mai 1845 (acte n° 102), renouvelle sa demande de coupes de bois de 10.000 pieds de fayards à Sous-Roche, pour la construction du pont en maçonnerie qui sépare Forens de Chézery. Mais en juin 1848 la commune croule sous le poids de 12.800 francs de frais, et il n'est toujours pas construit. En juillet, on procède a de petites réparations et au paiement de 33,75 francs à Joseph Blanc pour 25 (?) jours de travail dont 3 journées de charpente qu'il a fourni pour la construction du "Pont de l'abbaye". Des débris de pont sont vendus.

Une relance accompagnée d'une alarme est à nouveau exprimée à la séance ordinaire du conseil municipale du 13 août 1849 : Le pont en bois sur la Valserine, Route n° 14, tombe en ruine. Il doit être construit à neuf pour "prévenir du grand malheur qui en pourrait résulter aux voitures d'un grand poids qui passent chaque jour". Il faut 4 poutres de 15 mètres, et 15 mètres de plateaux d'une largeur de 3,50 mètres, et du bois pour les clés, liures, parapet, etc. Une demande est faite à un agent forestier de Nantua pour 12 sapins à prendre à la montagne de La Chaz de La Rivière. Ce pont fut bien reconstruit, si l'on en juge par des lignes relatives au pont (aux ponts ?) dans le compte (et le brouillon de compte) de Jacques Duraffour, ex-maire, en date du 10 mai 1850. On y relève sur ce sujet : à Duvernay Hypolite, pour les deux pièces du pont, 30 fr ; dépense faite en les achetant, 6 fr ; pour frais de transport desdites pièces jusqu'au chemin, 4 fr ; pour fourniture de vivres (nourriture) aux ouvriers en faisant le pont, 12 fr ; dépense faite après avoir terminé le pont, 3,50 fr ; sciures des plateaux pour le pont de l'Abbaye et de la voiture, 8 fr ; Achat de clous pour le même objet (Chez Millet, des crosses pour le pont) 3,75 fr ; A déduire les plateaux et des poutres (les débris du pont), (qu'il a récupéré pour lui) 20 fr.

Pont en pierre (1863)

Le pont est reconstruit en pierre en 1863, du temps de Joseph Grosfilley, maire, ainsi qu'en garde le souvenir la pierre gravée au sommet de l'arche "1863 / Jh Grosfillet / maire".

 

Source (pour 1750) : AST (Turin), Duché de Savoye, inv. 3, maz. 3, plan topog. fasc. n. 10.

Première publication le 17 avril 2018. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

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