Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Cette planche VIII est extraite d'un ouvrage dont les exemplaires sont rares, Voyage pittoresque et navigation exécutée sur une partie du Rhône réputée non navigable. Moyens de rendre ce trajet utile au commerce, publié par T. C. G. Boissel, en l’an III de la république (1794/95).
L'auteur, qui dirigeait et participait à cette première traversée historique insiste sur le fait que le Rhône, de Fort-l’Ecluse à Génissiat, nul mortel ne l’avait jamais franchi. Non navigable sur ce tronçon, l'auteur aventurier souhaitait faire aménager cette espace pour y flotter des mélèzes venant du Valais et ainsi libérer notre pays de devoir acheter au prix fort les arbres qui font les meilleurs mats de notre marine !
A gauche de cette planche sont figurés les hommes qui descendent dans la seconde des embarcations construites pour cette aventure (le premier bateau ayant été fracassé à la suite d’une crue...) Nous sommes le 13 vendémiaire, à midi et demi (donc le 4 octobre 1794, si la publication s'est faite la même année). Malpertuis va être franchi pour le première fois par une embarcation, et ainsi toute la partie du Rhône réputée non navigable.
Boissel nous conte aussi ce qu'il a appris des habitudes des gens du pays (et des contrebandiers...) « Dès que je fus dans le bateau, je dessinai le détroit qu’il venait de franchir si singulièrement (Planche 8). Le trou indiqué dans le roc, sur la gauche, est le chemin par lequel, suspendu à une corde, nous descendîmes dans le bateau (...). Le pont de branches, jeté d’un bord à l’autre, était le passage des contrebandiers, lorsque le côté droit était de Savoie » [p. 57].
On sait que de longue date les contrebandiers avaient pris l'habitude de traverser le Rhône à cet endroit. Ainsi, dans les annotations d'une carte datée du 16 avril 1753 par Antoine Durieu et conservée aux Archives d'Etat de Turin, on relève (note 17) :
" 17. Poste, qu’on appelle le Pont de Malpertui, quoiqu’il n’i soit aucun pont sur le Rhöne dans cet endroit ; mais comme ledit Rhöne se trouve renfermé par des rochers dans ce poste, les habitants de Savoye, et autres, y jettent une échelle et sur icelle ils y mettent des fascines pour passer ledit Rhône lors qu’ils veulent aller en France prendre des marchandises défendues de sortir d’icelle, quoyque les employés des fermiers généraux mettent [détruisent et jettent] cette sorte de pont souvent dans le Rhöne. Cedit poste a été d’une grande ressource aux savoyards dans ces quartiers-là, pour passer du blé de la France les années dernières, qu’il a manqué en Savoye. " [ASTo, Corte, Paesi, Savoye, Confins avec la France, mazzo 23, fascicolo 2].
Compléments : pour le récit, on peut le lire sur Gallica. Ne pas oublier de lire la note 6 page 137 (Récit de "commis" qui scièrent la planche par en-dessous pour qu'elle casse au passage du premier contrebandier...)
Publication : Ghislain Lancel. Remerciements : Mme Hélène Tossan.
Première publication le 24 mai 2016. Dernière mise à jour de cette page, idem.