Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Les souvenirs des anciens et quelques photos privées attestent que l'on fit du ski à Champfromier (à Giron et dans les environs), avant et pendant la Seconde guerre mondiale. En 1937, l'Avant Garde (association de Champfromier, créée initialement pour le tir au fusil), s'ouvre au ski et obtient ses premiers résultats en course de fond. Une correspondance au dos d'une cartes postale datée du 1er mars 1942, confirme la pratique du ski durant la guerre : "Papa est descendu en skis (de Giron à Champfromier) et est arrivé pour la messe de 10h1/2 ; (...) épais manteau blanc (de neige) ; (...) Denise (Dhériat) est allée avec son amie Marthe faire du ski, cette dernière possède deux paires de skis et de pantalons tout neufs." [CP 276 (Zoé Ducret, épouse Pochet de Giron)].
Lucien Perrin, de Giron, skieur émérite, se souvenait que des skis étaient fabriqués à Giron chez Glaudius Tournier dès 1932, lequel fut maire en 1932/33 et président de l’union sportive. Très longs, ils étaient taillés dans du frêne qu’on allait chercher à la sortie de Bellegarde, car ceux du pays étaient trop noueux ! On en faisait une planche sciée à la scierie Pochet, rainurée, puis passée à la vapeur et serrée sur un « moule » (où l’on en plaçait deux paires) pour donner de la cambrure au ski et la forme relevée de la spatule. On les faisait ensuite sécher dans un four à pain après la cuisson du pain, et ils gardaient leur forme en étant desséchés. La forme en pointe de la spatule était taillée à sec (avant le séchage, le bois se serait fendu et aurait formé des écailles, des échardes). Après guerre les skis furent fabriqués en ikori, un bois dur d’Amérique du nord, plus onéreux mais glissant mieux (Lucien avait offert en 2011 l'un de ses ski au musée PHC, n° 328). A la Pesse il y avait aussi un fabricant de ski, meilleur que Tournier de Champfromier ! A Chézery, hameau de la Charbonnière, les skis étaient fabriqués par Alfred Cartan, qui réalisait aussi des luges Les compétitions de ski on commencé vers 1932. Dans les tous premiers temps de vieilles chaussures en cuir étaient vissées directement sur le ski. Plus tard il y eu à Giron des compétitions sur 2 jours, de quatre épreuves (fonds, descente, slalom et saut). Le tremplin était en bois, à droite de la grange de l’Errance dont l’emplacement est encore visible, reste d’un tremplin plus récent en caillasse. Son record personnel est de 30 mètres (mais à la Fédération on atteignait 60 mètres).
Lucien Perrin, venait aussi skier à Champfromier : dans les années 1937/38, en tous cas avant la guerre, il y avait à Champfromier une association de ski qui a duré 2 ans, avec comme dirigeants Ducrest Eloi (ou un de ses fils mort en Algérie, ou un Tournier ferrailleur) et Amand Camas le lapidaire, très bon skieur natif de Mijoux. Le départ était donné par un drapeau que l'on abaissait. Bien que sans nécessité, le temps était chronométré, à la seconde . Les trotteuses de deux chronos, du haut et du bas étaient réglées avant le départ. On prenait le virage devant Gaillard puis on passait entre Prost et Ducret pour arriver au café de la Rivière. Les mêmes années il y avait aussi une course de fond, avec départ sous l’église en allant vers Montanges et retour au départ en passant par Communal, soit environ 12 km.
Les champfromérands confirment le tracé de la piste de ski de Champfromier. Elle démarrait d'un terrain à plat sous Nerban (sur la hauteur entre les hameaux de Communal et du Bordaz), traversait l'actuelle Route du Dière, arrivait à l'entrée du Bordaz par un chemin (encore visible en face de l'actuelle maison Gilbert Blanc) et poursuivait par l'étroite Rue des Lades, traversait deux fois la route de Communal puis celle de Moulin-Dernier et finissait dans le village non loin en aval du Pont d'Enfer, près de la Volferine (derrière l'actuelle maison Albert Avet). Des petits tremplins permettaient de sauter les talus des routes. Evidemment il n'y avait pas de remonte pente, on se rendait au départ avec ses skis aux pieds, ce qui permettait en même temps de damer la neige.
Des compétitions furent même organisées à Champfromier (un podium, photo ci-dessus, et des officiels ci-dessous).
Par ailleurs, les gamins faisaient du "bob", en fait une luge à 3 ou 4 places fabriquée avec les moyens du bord, avec un volant de direction (dont un exemplaire de deux mètres de long est conservé au musée de PHC, n° 475). Ils partaient du tunnel de Giron et descendaient par la route jusqu'à l'actuel rond-point de Champfromier. Il fallait bien ensuite une demie-heure pour remonter jusqu'au tunnel en tirant la luge. Parfois le jeu consistait à placer des filles sur la luge. Deux garçons se plaçaient devant à plat ventre sur la chaussée et tiraient la luge en la dirigeant avec les pieds. On relevait la tête et on partait ! On n'arrivait pas toujours en bas sans aventures... la principale était d'ailleurs de faire volontairement virer les filles dans les virages ! Parfois l'on favorisait la vitesse en versant de l'eau qui gelait sur la chaussée. Et là c'était les vieux qui se rebiffaient, eux qui passaient leur temps à casser la glace ! Et les voitures ? Il n'y en avait encore que très peu à cette époque, et aucune en hiver !
Après guerre, c'est dans les stations de sports d'hiver que les jeunes des villages des environs se retrouvent pour skier. En 1982 l'Avant-Garde ouvre une activité d'été, le football.
Voir aussi : Les moissons de la mémoire, Champfromier, pp. 139-141 (qui signale qu'Antonin dit Tonin Mil Ducret, de Monnetier, était passé maître dans l'art de fabriquer les meilleurs skis en frêne).
Publication : Ghislain Lancel. Souvenirs et photos : Lucien Perrin (†), de Giron. Identifications et remerciements : Mme Simone Avet et autres champfromérands.
Première publication le 10 février 2016. Dernière mise à jour : idem.