Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

La Bovine (1903-1918)
Assurance Mutuelle contre la Mortalité du Bétail

Un volumineux carnet à souches des cotisations de la Bovine (format 27,5 x 43 x 2,5cm, comportant 6 talons par page), précieusement conservé dans des archives familiales, nous permet d’avoir une idée assez précise des effectifs en vaches et veaux à Champfromier entre 1903 et 1918, et même d’en estimer la répartition dans la commune et d’étudier l’incidence de la Première guerre sur les effectifs. Ces données sont enrichies par quelques articles de presse, aussi publiés dans cette page.

Le carnet à souche des cotisations

La Bovine, Assurance Mutuelle contre la Mortalité du Bétail, semble toutefois n’avoir concerné que les vaches et veaux. Il n’y a pas d’emplacements prévus sur les coupons pour dénombrer les bœufs, chevaux ou autres animaux que l’on trouvait encore dans les fermes. Les premières pages du carnet manquent mais les coupons sont pré imprimés pour les années 1900 et les premiers talons qui sont sauvegardés commencent en 1903 (le 2 juillet). C’est donc probablement cette année 1903 qui marque le début de l'assurance bovine à Champfromier. Le carnet comporte encore 133 pages avec des talons remplis soit 798 cotisations environ (une dizaine de talons ayant été barrés, annulés). Le dernier talon est daté du 6 août 1918. Les pages suivantes de ce gros cahier ne comportent que des talons non remplis (probablement des coupons détachés par des enfants ou distribués en souvenir) puis bon nombre de pages entières avec talons et coupons vierges.

Les cotisations étaient de 1,50 fr par vache et de 0,50 fr par veau. Dans les premières années une réduction était accordée pour une déclaration après le début du deuxième semestre, sachant que les années cotisations étaient des années civiles décalées commençant au premier avril. Le prix des cotisations n’a jamais varié durant les 16 années mentionnées (de 1903 à 1918). Ainsi les cotisations rapporteront annuellement entre 200 et 250 francs. A ces sommes il faut ajouter l’importante subvention allouée par commune (1500 francs en septembre 1903) et même les intérêts de rentes à 3% payés en 1905 (24 et 12 francs). On sait aussi qu’une subvention de 750 fr. avait été accordée par M. le Ministre de l’Agriculture, grâce à l’intervention de M. Chanal, député local [La Tribune, 11 septembre 1903].

Les noms des assurés indiqués sur les talons vont du plus simple, quand la personne était à l'époque évidente à identifier comme pour " Desvignes", à une mention avec prénom et compléments de nom ou de métier quand il y avait risque de confusion, comme pour "Ducret Jean, Prince" et "Ducret Jean, cordonnier". Les veuves sont toujours désignées par leur nom marital (y compris le prénom quand il figure).

Durant les 15 années entières relevées, le total des vaches assurées fut souvent supérieur à 150 (avec un maximum de 177 vaches en 1906). S’y ajoutait entre 25 et 30 veaux. Même si l’on remarque une forte adhésion des cultivateurs de Monnetier, on peut admettre que presque tous les possesseurs de vaches de Champfromier s’assuraient et déclaraient leur effectif réel. Généralement plus de 50 personnes cotisaient, un peu moins durant la guerre. Si la moyenne par déclarant est de 3 vaches (et d’un veau pour deux déclarants), on note d’assez grandes différences entre les vrais éleveurs avec le maximum de 12 vaches et 3 veaux pour la grosse ferme de la veuve Collet à Sur-les-Prés (aujourd’hui en ruines) en 1906, et souvent une dizaine de familles qui n’ont qu’une unique vache, familles pour lesquelles cette vache n’était parfois qu’un complément de ressource ou de subsistance, parallèlement à une activité de menuisier, cafetier ou rentier.

Le fichier (voir le téléchargement ci-dessous) donne le détail pour chaque cultivateur ou particulier assuré : à la Chandelette, Joseph Ducret n'aura qu'une seule vache de 1904 à 1906, puis toujours deux ou trois vaches (sans aucun veau) jusqu'en 1913.

L’impact de la Première guerre mondiale est peu lisible. Si le nombre annuel de cotisants baisse (43 en 1917), par contre le nombre de jeunes animaux est très important en 1915 avec 29 veaux et atteint presque un record l’année suivante avec 171 vaches, pour retomber à des chiffres bas en 1917 (157 vaches et 13 veaux).

La Bovine à travers la presse

La presse permet d’aborder d’autres aspects de cette assurance. Le compte rendu de la séance du 13 avril 1905, par M. Coutier (Maxime), président, nous apprend que les rentrées 1903 et 1904 se montent à 2979,80 fr., que les indemnités payées pour ces deux années sont de 510 francs, et que pour les visites, médicaments et instruments vétérinaires il a été dépensé la somme de 168 francs, etc. Reste 2316,60 francs dans les caisses. Pour les commandes collectives, en particulier pour les nouveaux adhérents, l'on demande de prévenir M. Evrard, secrétaire-trésorier. Enfin le président félicite les soigneurs « MM. Genolin François, Coutier Félix, Coutier Francisque qui ont, avec un inlassable dévouement, apporté tous leurs soins au bétail malade ». [ La Tribune, 9 juin 1905].

Fin avril 1907, l’ancien conseil d’administration, avec à sa tête le président Maxime Coutier, est reconduit sans avoir à voter. Leurs membres avaient été à l’initiative de cette Mutualité et "c’eût été goujaterie de leur enlever leur poste d’honneur". Quelques mois plus tard on remerciait à nouveau le Ministre et M. Chanal pour une subvention de 150 fr. en raison de pertes exceptionnelles [La Tribune, 26 avril 1907 (Article signé Pollux !) et 27 septembre 1907].

Après une longue période sans articles, le compte rendu de 1914 est le premier que l’on retrouve ensuite dans la presse. Il est intéressant pour nous informer sur les détails des pertes, chez deux ou trois sociétaires, et les rentrées d’argent, obtenues en revendant la viande et le cuir des bêtes mortes ! Dépenses : Sinistre Eugène Juilland montant à 280 francs et celui de Jean Ducret-Butte à 130 francs, etc. Recette : « Produit de la viande et du cuir, sinistre Juilland Eugène, 231, 60 francs ; Produit du cuir, sinistre Ducret J.-But, 31, 90 francs ; Subvention de l’Etat (Sinistre Desvignes), 147 francs », etc.

L’avoir en caisse est de 1363,50 francs (au 5 avril 1914), et l’on se félicite de la bonne tenue de la mutuelle après 11 années d’existence. Toutefois l’on évoque une mutuelle concurrente : il est à "désirer l’union des deux sociétés en une seule ; cette situation ridicule n’a que trop duré au grand préjudice de tous." [ La Tribune, 16 avril 1914].

On ne sait pas ce qu'est devenue la Bovine après 1918 ni si elle fut remplacée...

 

Télécharger le fichier Excel (100 Ko) complet du carnet à souches (date, nom, prénom, nombre de vaches et de veaux, montant de la cotisation, observations, et récapitulatifs annuels en second onglet).

 

Remerciement : Famille Ducret-Meunier (archives familiales) ; La Tribune (Archives de 1903 à 1918). Crédit photographique : Ghislain Lancel.

Dernière mise à jour de cette page, le 7 mars 2009.

 

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