Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Porteurs pris en fraude avec du sel marin (1707/1709)

 

Dans la fin des années 1600 et le début la première décennie des années 1700, les gardes des fermes du Roi sont actifs à Champfromier et dans les environs. Plusieurs affaires de faux-saunage font ainsi l'objet d'actes notariés. Ils témoignent que, pris de remords on se rétracte en tant que témoin, ou bien l'on est pris en possession de sel marin sur les chemins de Champfromier, comme pour les deux affaires ci-dessous. Pour éviter la prison, une seule solution, payer, et ne plus recommencer, sinon la peine s'appliquera.

Claude Michollet de Monnetier, en 1709

Claude Michollet, natif de Monnetier, est pris vers 19 heures le 7 août 1709 par des gardes embusqués dans les environs de la Combe d'Evuaz. Il est en possession de 4 livres de sel marin. Bien que la transaction fasse preuve "d'égards" envers ce coupable, à ses "grande misère, pauvreté et âge"..., la sanction est lourde, 60 livres (le prix d'environ 3 vaches), payéeS dès le lendemain !

"Soit ainsi que Sieur Edme Jolly, brigadier au poste de Belleydoux, accompagné de Guillaume Bonet, garde et employé en la brigade de Dortant [Dortan], avait le jour d’hier soir aux environs de 7 heures, étant embusqués aux avenues de la Combe des Vuax, avaient surpris et arrêté Claude Michollet [CI-11622] de Monnetier, paroisse de Champfromier, portant quatre livres de sel marin, ainsi qu’en conte le procès-verbal fait par lesdits sieurs Jolly et Bonet, dudit jour, et lequel ils étaient prêts de traduire aux prisons royales de la ville de Belley pour lui être son procès fait et parfait suivant la rigeur des ordonnances royales, ce que vu par ledit Michollet se reconnaissant coupable de crime de faux-saunage, après avoir déclaré et avoué ledit verbal contenir vérité par la lecture qui lui en a été présentement faite avait offert, pour éviter les frais (de) ladite traduction et les peines par lui encourues, de payer [renvoi : ce jourd’hui 8 août 1709] à Me Charles Izambert, adjudicataire général des Fermes et Gabelles de France, (a) proposé la somme de 60 livres pour toute amende et réparation, ce que vu et oui par lesdits Srs Joly et Bonet ayant égard à la grande misère, pauvreté et âge (ayant pitié ?) dudit Michollet qui, en cas de récidive, se soumet aux peines portées par les ordonnances royales, tout ainsi et de même que si sentence était intervenue, ont assentis, au nom dudit Me Izambert, ladite proposition et, suivant le pouvoir qu’ils ont, ont accordé et accordent par ces présentes audit Michollet la modération, requise toutefois sous le bon plaisir dudit Sr Izambert, du sieur Favre directeur général des gabelles du Lyonnais et de sieur De Reveillon contrôleur général du département du Bugey, et nous présentement dudit Michollet ladite somme de 60 livres qui leur a été présentement réellement délivrée en écus, demi-écus et monnaie courante, laquelle a été retirée et empochée par lesdits sieurs Joly et Bonnet, au vu de je notaire (...) Fait et passé à Montange, dans la maison de Claud’André Berroct, a ce présent honnêtes Henry Evrard et Joseph Tavernier-Tornier blanchisseur de Champfromier, témoins requis illettrés, et ledit Michollet de ce enquis, lesdits Sieur Jolly et Bonet ayant ci-bas signé [Signatures : Joly ; Bonet ; Devaux, notaire royal]."

Henry Juilian-Claudon, en 1709

En décembre 1709, c'est "le grand hyver", dramatique pour tous les habitants de la France entière. A Champfromier, pour le transport, des chevaux tirent derrière eux des sortes de luges, dites lièges. Ces conditions météorologiques rigoureuses n'empêchent par les gardes de sel du Royaume de traquer les fraudeurs, en sel marin. Henry Juilian est de ceux-là. Il est arrêté pour avoir dissimulé dans un chargement de vêtements deux onces de sel marin, et d'autres petits sacs contenant du sel. Son cheval et sa cargaison lui sont saisis, et il en faudra 100 livres pour le récupérer. Et encore, ne parle-t-on pas encore de la somme à payer pour éviter la prison...

"Soit ainsi que le 6 du présent (6 décembre 1709), sur les 3 heures du soir, Sieurs Antoine Perron et Claude Pecoult, brigadier et garde au poste de Montange, faisant visite rière le village de Champfromier, avaient surpris et arrêté Henry, [10330] fils de Claude [9363] Juilian-Claudon laboureur de Communal, au chemin public tendant dudit Communal en la montagne, tout auprès de la grange des Crêts [Vers Cinq Chalets)], conduisant une cavale pleine de poulain, poil noir, marquée au front, âgée de 4 ans, attelée à une liège [sorte de luge] sur laquelle il y avait quelques hardes, parmi lesquelles s’y rencontrat un mouchoir dans lequel il s’y trouvait deux onces (de) sel marin avec deux petits sacs ensellinés, ainsi qu’en conte le procès-verbal de ce fait, lesquels se saisirent de ladite cavale et hardes qu’ils conduisirent à Montange, dans la maison d’honnête Claud’André Berroct-Vally et l’en établirent gardien, pour en faire la représentation toutes fois qu’il en serait requis par justice, ce que vu par Claude Juilian, père dudit Henry, afin d’éviter les frais, a prié lesdits sieurs Perron et Pécoult de vouloir lui en faire la relache moyennant la caution qu’il était présentement prêt à leur donner ;

Et à ce cause, ce jourd’hui 11 décembre 1709, a comparu ledit Claud’André Berroct, lequel de son gré s’est rendu caution dudit Claude Juilian père, et a promis d’en faire la représentation [renvoi : qui consistent en trois draps de lit, toile mêlée, une couverte appelée tallanche, une autre méchante couverte moitié laine moitié fillet, une méchante paire de bezasset (?), un corps de jupe pour femme (en) serge grise, un cottilon même serge et couleur, un tablier pour femme cocte llines (?), trois coiffes (de) toile grossière et un mouchoir à col, une hache, une pioche, un chaudron de cuivre rouge tenant environ un plein seau, et un petit pot de fer, et a présentement retiré ladite cavale avec ses susdites hardes] soit de la somme de 100 livres que le tout a été estimé. Fait à Montange, étude de je notaire, (...) [Signature (seule) : Devaux, notaire]."

Autre affaire de sel marin à Montanges, en 1707

Deux années auparavant une affaire semblable avait mis en cause un habitant de Montanges, pris à l'entrée de Champfromier.

Le 31 mai 1707 le sieur Antoine Perron, brigadier au poste de Montanges, avait "à nuit close, surpris et arrêté le nommé Claude-François Berroct-Vally dudit Montange, tout auprès du village et au chemin public tendant dudit Montange à Champfromier, portant environ une livre de sel marin, ainsi qu’il est constaté par le procès-verbal du susdit jour, et lequel ils étaient prêts et sur le point de conduire aux prisons royales de la ville de Belley, pour lui être son procès fait suivant la vigueur des ordonnances, ledit Berroct se reconnaissant coupable de crime de fauxonnage [faux saunage], pour éviter les frais et peines, a offert de payer à Me Charles Ferraux, adjudicataire général des Fermes de France, la somme de 30 livres, en la personne d’honnête François Marcellin dudit Montange (sa caution), ce que, oui par ledit Sr Perron, ayant égard à la grande misère et pauvreté dudit Berroct, qui se soumet en cas de récidive aux peines portées par les ordonnances royales, a été arrêté par les parties".

 

Voir aussi : Sel de contrebande, perquisition (1699)

 

Publication : Ghislain Lancel. Source : AD01, 3E17442 (2 juin 1707, 8 août 1709 et 11 décembre 1709). Relevés : Ghislain Lancel.

 

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