Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
La Vi ès Bus (en patois, on prononçait "vi es bou" cette dénomination de la Vy des Bœufs) est un ancien chemin en lacets, accessible depuis Communal ou le Bordaz, chemin qui montait depuis les environs de la ruine de Mont-Jean jusqu'au plateau de même nom, donnant accès vers Lachat et Cinq Châlets. Il servait de chemin aux vaches montant l'été en montagne (aux alpages) et, naturellement, aux bœufs. La création du nouveau Chemin du Pas du Bœuf, rendant plus rentable l'exploitation de la forêt (avec l'utilisation de chars à roues permettant de déplacer des charges bien plus lourdes qu'avec les traîneaux), ne sera commencée que vers 1868 et achevée une dizaine d'années plus tard, après de nombreuses rallonges budgétaires... Le vieux chemin tortueux subsista néanmoins, pour la montée des bêtes, bœufs et vaches, tant que l'on continua de les faire travailler, pour les uns, et de les faire pâturer, pour les autres.
Bien qu'il ne soit pas balisé, le vieux chemin existe pourtant toujours bien, et il est même fort agréable à la descente (demandant un peu plus d'énergie à la montée...) Il se compose de 7 lacets (en incluant le premier, qui est presque au point de départ). Ce départ se trouve à 500 mètres après le carrefour du Dière, à gauche du Chemin du Pas du Bœuf, entre la ruine de Mont-Jean et la carrière (en un endroit repérable par une grosse pierre cubique recouverte de pierres et servant de cairn, dans les feuilles, à 10 mètres du chemin). L'arrivée retrouve ce même Chemin du Pas du Bœuf, à environ 100 m avant d'atteindre le plateau.
Les altitudes sont de 925 m au départ et de 1172 m à l'arrivée (+247m). Selon ses compétences, on peut monter en 20 à 40 minutes, soit bien plus vite que par le chemin carrossable (et descendre en dix bonnes minutes, là aussi un raccourci spectaculaire, en toute sécurité.
Itinéraire détaillé. Quelques mètres après être rentré dans la forêt (par l'accès décrit ci-dessus), on prend déjà le premier virage à droite V1 (931 mètres d'altitude) au cairn cubique. Le sentier monte en direction de la carrière, puis on tourne à gauche juste avant les premières hauteurs de cette carrière (V2, 957 m). Le virage suivant à droite permet de dépasser l'altitude 1000 mètres (V3, 1009 m) et ne doit pas se rater au retour (si l'on va tout droit on se retrouve au bord d'un petit lit de ruisseau à sec). Le virage suivant à gauche nous amène à mi-hauteur de la même carrière (V4, 1021 m). On vire à droite (V5, 1033 m), puis à gauche (V6, 1070 m), encore une fois à proximité de la même carrière, mais plus haut encore, avec au plus près un lit caillasseux très pentu de vallée sèche.
Le dernier virage à droite (V7, 1097 m, GPS x=715,810 y=5120,713) offre, en s'approchant avec précaution de la falaise, une très belle vue sur le Cruchon (et tout en bas à gauche; une vue sur une rave dans un virage du Chemin du Pas du Bœuf d'où l'on vient).
On n'est alors qu'à 25 mètres sous la Croix Meunier. Il faut absolument ne longer le bord de la falaise et y accéder, qu'avec grandes précautions (la croix n'est pas là sans nous le rappeler). Dessous, c'est le vide. Mais l'on a de cet endroit une vue magnifique, allant du village de Champfromier à la route de Giron, même en restant sagement assis dans l'herbe à quelques mètres en retraits. De là, on peut aussi repérer les pâturages de Communal et ceux en direction de Montanges, la maison du Pré-Grevet en bas devant soi, le hangar de Chernaz à droite.
Après avoir bien profité de ce panorama, il faut donc redescendre de 25 mètres pour retrouver son chemin. La jonction avec l'autre chemin et le plateau, sera un peu moins lisible vers la jonction (quelques jeunes pousses de fayard et d'épicéas ayant parfois pris place dans le chemin) mais on ne risque rien : en allant un peu à gauche et toujours en montant légèrement, on rejoint l'autre chemin (1172 m, GPS x=715,689 y=5120,899).
Que faire ensuite ? Profiter de ce beau raccourci pour se rendre, par exemple à la prairie de Cinq Chalets, où aller au promontoire de Lachat qui domine Monnetier. Plus sportif ? Alors on peut faire un grand tour et revenir en redescendant par la route des Avalanches.
Vous qui maintenant empruntez ce chemin en promeneur, pourrez encore vous imaginer croisant quelque bœufs en chemin ! Vers 1950, quand les travaux des champs étaient terminés, ceux qui avaient des bœufs montaient chaque lundi matin par ce vieux chemin (qui ne s’appelle pas la Vi ès Bou pour rien !) Au total il y avait bien 8 paires de bœufs, en comptant ceux de rechange pris par précaution en cas d’ennuis. Ils tiraient les grumes depuis les bois jusqu’à des aires en bordure des chemins de la haut, là où les camions des scieries pouvaient accéder et les charger. C’était bien payé, certains louaient même des bœufs ou du personnel pour un meilleur profit.
Mais n'allez pas croire que ce chemin était strictement réservé aux bœufs. Hélène se souvient aussi que Sophie, la grand-mère de son mari montait tous les étés à la grange de Lachat par cet ancien Chemin du pas du Bœuf avec 2 ou 3 vaches (et y faisait son beurre sur place). Les autres vaches restaient en bas.
Publication : Ghislain Lancel (2/10/2012). Remerciements : Pierrot Monrcoudiol (tracé GPS).
Première publication de cette page, le 13 avril 2010, dernière mise à jour le 19 juin 2018..