Les deux faces (dont un gros plan daté redressé) et un blason vide à l'envers !
| Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
C'est la seule borne frontière classée Monument Historique (MH) de Champfromier (dite du lieu de la Buna, classée le 12 janvier 1926, Ref. PA00116360).
Bien que sa description aux MH soit sommaire, et que sa localisation sur les anciens plans napoléoniens (A 14) ne soit pas tout à fait exacte, c'est bien elle qui est classée, de par le lieu-dit, de par la proximité de la parcelle réelle, et du fait que la borne des Trois empires est classée par ailleurs, sur la commune de Chézery-Forens (par contre la photo qui l'accompagne sur Wikipédia, Monuments Historiques de l'Ain est fausse, puisque c'est celle des Trois Empires...)
Notons que cette borne comporte les deux blasons habituels (le lion et les 3 lys) sur deux faces opposées, mais qu'en plus celui au lion porte la date de 1613 en deux parties (16-13) sous le blason, tandis que sur les deux autres faces figurent des ébauches de blason, mais pointe en haut (et probablement abandonnés par le tailleur, ayant constaté son erreur, au profit des deux autres faces.
Cette borne frontière est la première qui fut plantée pour délimiter la frontière qui est aujourd'hui celle entre le Jura et l'Ain. En voici le compte-rendu. La veille, les poseurs avaient dormi à St-Germain (de Joux).
"Et le lendemain, septième [07/09/1613], sommes allez en la Combe des Vuas, ou de la Semine, à l’endroit de l’accrüe [encrena] par laquelle le Bief Brun se jette dans ladite combe, où étant sur un prey apartenant à Louis Passerat de Châtillon-sur-Michaille, vis à vis dudit Bief Brun, à l’endroit où il se rend dans le ruisseau de la Servine [Semine] du côté du soleil couchant, à deux pas ou environ dudit ruisseau, avons fait planter une grosse borne quarrée, la face de laquelle armoyée des armes de France regarde du côté du midy en devers la Combe des Vuas, et l’autre portant les armes du Comté de Bourgogne du côté de septentrion devers la Combe de la Servine, l’aspect non armoyé du côté de soleil couchant regardant droit à la montagne opposite, même [précisément] à l’endroit d’un rocher dénommé le Forg de la Pelette, et marqué en notre thibériade du nombre vingt [Voir Préliminaires], et l’autre face non armoyée du côté du soleil levant regarde ledit Bief Brun, le tout en présence de Pierre Passerat, châtelain dudit Montange, Bernard de Vaux [Devaux] curial dudit lieu, Etienne Marmillon granger dudit Louis Passerat, Pierre Soudan et Amy Michoux [Michy ?] de Chanfrenier [Champfromier], et Noël Bouderon de Champsery [Chézery ?] demeurant en la grange de Jean Pernet d’Esbouchoux." [AD21, C3527, p.°18v°-19 (529v°-530 de la pagination réelle au crayon)].
Cette borne est schématisée par un petit carré, à l'ouest de la jonction entre le "Biez-Bron" et la Semine, sur le plan n° 1 annexé au procès-verbal de délimitation de la commune de Champfromier en 1830. Citée aussi dans le procès-verbal "jusqu’à une borne séparant la province de Franche-Comté et du Bugey, plantée sur la rive droite du biez de la Semine".
Elle est aussi schématisée aussi par un petit carré sur la feuille A1 des plans napoléoniens de Champfromier en 1833 (située rive droite de la Semine, environ 50 mètres après avoir reçu les eaux du Bief-Brun).
Le chanoine Vuillermoz, qui note n° 8 cette borne dans ses descriptions, est la n° 7 du plan qu'il a repris de M. Janin. Les deux auteurs précisent que cette pierre de 80 cm de hauteur a une section carrée de 35 cm de côté au sommet, sous une pyramide très aplatie. Les côtés nord et sud portent quelques traces d'écusson. On lit difficilement l'année 1613 en creux sur la face sud. Les deux autres faces ne portent qu'un écusson pointu vers le haut.
A propos de la question sous jacente de ces deux blasons vides à l'envers, répondons que le sculpteur local, loin d'être un spécialiste des blasons, se sera tout simplement trompé et aura corrigé son erreur en refaisant deux blasons pointus en bas sur les deux autres faces...
En 1924, M. Janin ajoute en note que cette borne fut indiquée par M. Blanc facteur, et dégagée par M. E. Favre.
Madame Vandembeusche (La Combe d'Evuaz, page 20) précise que cette borne fut remise en place à l'initiative de M. Maréchallat, instituteur de la Combe d'Evuaz. Ce replacement se fit à une date indéterminée de son poste tenu de 1925 à 1952, ce qui explique peut-être la curieuse mention de la parcelle A 14 signalée en 1926 lors de son classement aux MH. En tous cas la borne est aujourd'hui bien visible, au bord de la route, à son emplacement logique.
Publication et crédit photographique (12/05/2008 et 27/03/2011) : Ghislain Lancel
Première publication le 28 décembre 2011. Dernière mise à jour de cette page, 11 octobre 2013 .