Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Faire fortune en Californie, à l'époque héroïque de la ruée vers l'or (qui commença en 1829), c'est ce que fit Jean Ducret [CI-4920], parti à l'aventure dès l'âge de 15 ans, dit-on (donc vers 1832) ! Né le 10 décembre 1817 à Champfromier [CI n° 4920 des fichiers de ce site], fils de Julien Ducret dit Chevron et de Marie-Lucrèce Humbert, modestes cultivateurs, il est effectivement mort ayant été riche – mais aveugle – en 1900. Fait rare (mais pas à Champfromier où l'on a toujours cherché à différencier les diverses familles Ducret par un surnom), il porta de son vivant son pseudonyme de Californien. Il est d'ailleurs dénommé ainsi au recensement de 1891 (mais il était déjà de retour à celui de 1861, et même pour son mariage en premières noces en 1855, mais manquait au recensement de 1851). A Champfromier, il demeura toujours au bout de la "Rue de Monnetier", au Châtelard (de nos jours Impasse Genolin), d'abord avec ses parents dans la vieille maison à droite puis, de retour de Californie, dans la maison qu'il se fit construire à gauche, où il passa alors plus de quarante années. Sa pierre tombale a immortalisé son passage en Amérique, où son nom est gravé "Jean DUCRET Californien".
Par son testament daté du 28 novembre 1887, Jean Ducret dit Californien donne par préciput à Marie Nicollet sa femme (mais elle est morte à Marsonnas, Ain, le 19 décembre 1899, avant lui-même, décédé le 26 janvier 1900 à Monnetier), tout le mobilier y compris l'argent comptant et les créances. Il donne par préciput la petite maison à Monnetier où il habite, et le jardin, à son neveu Martin Ducret dit Chevron, curé de Cruzeille, canton de Pont de Veyle, et à la sœur de celui-ci, Marie, demeurant avec lui. Il nomme héritiers universels du surplus, ces mêmes deux neveu et nièce, Martin et Marie, et leur frère Jean-Marie [3E38351, acte n° 212)].
L'aventure du Californien de Champfromier est connue par le livre référence publié en 1918 par l'abbé Genolin :
"Un autre exemple [d’initiative] est celui que donna au siècle dernier un Champfroméran [sic], le nommé Jean Ducret dit le Californien, frère de l’abbé Martin Ducret [CI-4740], curé de Vaux [En Bugey].
Simple domestique au château, de Pont-d’Ain, pendant que son cousin M. Humbert dit la Jambe de bois (1) [François-Marie Humbert (CI-3818)] en était le supérieur, il voulut, comme tant d’autres, à cette époque, tenter l’aventure au pays de l’or. M. Humbert lui fit remettre par un de ses amis la somme de 600 fr. Avec cette somme modique, Jean Ducret s’embarqua au Havre avec trois compagnons du département du Jura, reçut le baptême habituel sous le Tropique et, après de longs jours de traversée, débarqua à San Francisco.
Son premier ennui, en arrivant, fut la dissolution de la compagnie chargée de fouiller le terrain aurifère et dans laquelle il s’était inscrit. Une autre société fut formée, laquelle se composait seulement de quatre membres, Jean Ducret et ses trois compatriotes du Jura. Il aimait à raconter les émotions qu’il avait éprouvées à la découverte des pépites et des paillettes d’or, ses déceptions et ses travaux, l’achat des outils nécessaires pour broyer et laver le minerai. L’un des trois associés étant mort au travail, les autres, après avoir prélevé sur son gain les frais de maladie et de sépulture, eurent la délicatesse d’envoyer le reste à ses parents dans le Jura. Ce trait d’honnêteté leur porta bonheur et après deux ans ils purent amasser un petit pécule.
Jean Ducret ayant contracté dans ce travail pénible une ophtalmie, échangea ses pépites et ses paillettes contre de l’argent sonnant et revint dans son pays avec cette petite fortune. Il fit construire une jolie maison, prit femme et vécut encore quarante ans. Son ophtalmie s’aggrava et finit par la perte totale de la vue. Il supporta cette épreuve avec une patience admirable, édifiant tous ses compatriotes par sa piété et consacrant sa fortune au soulagement des malheureux. ll est mort pieusement, à l’âge de 83 ans, le 26 janvier 1900" [Histoire de Champfromier, pages 255-256 (et 235)].
(1) L'abbé Genolin donne aussi tous les détails sur l'accident à l'origine de ce surnom " (...) En 1841, M. Humbert fut transféré à Pont-d'Ain. C'est là qu'il fut victime du triste accident qui lui a mérité son surnom de Jambe de Bois. Un jour qu'il examinait avec son domestique André Nicollet, les uns disent au château les autres à la minoterie, une machine à monter l'eau, il se fit prendre le pied dans un rouage et dut subir l'amputation (...)" [Histoire de Champfromier, page 235].
1) Le Pré-inventaire du canton de Bellegarde (courte mention, p. 144)
2) Le Fabuleux destin des explorateurs et aventuriers de l’Ain, Coll. Patrimoines des Pays de l’Ain , avril 2007 (Jean-Marie Ducret, dit le Californien 1817-1900, un chercheur d’or en Amérique, p. 15). Texte brodé à partir de l'original de Genolin, mais auquel s'ajoute, en plus d'une présentation historique générale et une surprenant nouvelle mention de générosité concernant le Californien : "Homme pieux et philantrope, il fait profiter de sa fortune aux plus démunis, n'ayant eu aucune descendance de ses deux unions. Il donne aussi 25 000 francs à sa famille".
Toutefois, selon une autre source, si la générosité rapportée par l’abbé Genolin n’est éventuellement pas exclue envers le clergé de Champfromier, elle n’a pas laissé de trace dans la famille. Marie Nicollet, nièce de la seconde épouse du Californien, racontait à sa petite-fille qu’elle n’avait bénéficié d’aucune largesse. Après le décès de la seconde épouse, en 1912, Jules Nicollet, le frère de Marie habitait à Conjocle. Son épouse voulut vider rapidement la maison, hors la présence des autres héritiers, prétextant que sa tante était tuberculeuse. Elle fit venir un pattier (marchand de peaux de lapins, de chiffons, pattes en argot). Vidant l'armoire de ses draps, un bruit métallique avait été entendu mais le pattier avait très vite tout ramassé, et la nettoyeuse en fut pour ses frais. Si pièces d'or il y avait encore, c'est un étranger qui en a fait son affaire… [D’après une petite-fille de Marie Nicollet].
3) L'Almanach des Pays de l'Ain, 2011 (page 97). Copie intégrale de la publication précédente (Le Fabuleux...)
Voir des compléments (date, itinéraire).
Remerciements : Mme Michèle Camas-Vanel.
Première publication en 2009. Dernière mise à jour de cette page, le 26/10/23.