Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Châtillon-en-Michaille :
Tergiversations sur le projet de prison (1810-1825)

 

Il n'y avait pas de prison à châtillon en 1794. Le 6 germinal an II (23/03/1794), Albite donne des instruction pour faire arrêter l'aubergiste Berger et le conduire dans la maison d'arrêt de Nantua [Registres municipaux].

Promue chef-lieu de canton à la suite de la Révolution, la commuen de Châtillon-de-Michaille eut alors plusieurs prisons, une première insalubre, tenue par une location de 1813 à 1819 environ, au moins une autre aussi en location durant quelques mois, celle du quartier de la Tour, et la dernière dans l'ancienne mairie. La prison de Châtillon était justifiée par la présence de la justice de paix qui condamnait le coupable d'un délit mineur à l'enfermer, et la gendarmerie à appliquer la peine [R. Tardy, t. 4, p. 45]. Elle pouvait servir aussi d'étape lors de transfert de prisonniers (vers ou depuis Nantua).

Les archives départementales détiennent un dossier d'aménagement de prison, incomplet (AD01, 2O 1134). Marie-Josèphe Famy, décédée, avait photocopié d'autres pièces, complémentaires, de source non précisée, mais qui semblent municipales, et qui ont été aimablement mises à notre disposition. Ce qui suit est donc extrait de la réunion des deux dossiers.

Précisons que les maires qui sont intervenus dans les divers projets de prison sont Jean-François-Marie Ravinet (1806-1816), Joseph Crochet (1816-1821), puis Hippolyte, son fils (1821-1830), ces deux derniers étant peu appréciés du sous-préfet de Nantua à cause de leurs implications financières et, semble-t-il aussi, par leur soutien à la religion,

Il sera souvent question d'une (première) gendarmerie, dont nous ignorons l'emplacement (qui serait toutefois à proximité du carrefour des actuelles rues Aimé Bonneville et de l'Eglise, ou peut-être déjà au RdC de l'ancienne mairie ?), et situons encore moins le local ayant servi de prison avant celle du quartier de la Tour.

 

Dans l'ancien presbytère

Tout commence le 17 novembre 1810, par une lettre d'objet "très urgent" adressée par le préfet à son sous-préfet de l'arrondissement de Nantua et transmise (le 21 novembre) au maire de Châtillon. L'intention formelle de Sa Majesté, concernant les diverses prisons de l'Empire, est, entre autres, que dans chaque chef-lieu de canton il y ait une maison de Police Municipale, laquelle "doit, outre le logement du concierge (composé d'une assez grande pièce, ou de deux petites, et placé le plus favorablement possible à l'exercice de sa surveillance), avoir deux chambres indépendantes dont une pour chaque sexe, et, autant que possible une cour. Dans celles qui doivent en même temps servir de dépôt de transfèrement pour les condamnés, il faut une troisième pièce, afin d'éviter que ces derniers ne soient jamais confondus avec les individus détenus par mesure de police municipale". La réponse des maires est attendue sous 3 jours. Pour Châtillon, Monsieur Crochet répond le 25 novembre par une lettre dont le brouillon est conservé : "Je n'ai point vu de maison dans la commune plus propre à l'établissement proposé que notre presbytère actuel". L'on y trouve les salles requises, et une partie du jardin peut se convertir en cour. Les murs et toitures sont en bon état. Et pourquoi le maire est-il si empressé à proposer cette solution ? C'est que l'église est trop éloignée du presbytère, et qu'il faut en construire un nouveau en aliénant le précédent !

Malgré le "très urgent" de l'affaire, rien ne se passe ensuite durant plusieurs années. Tout juste une circulaire ministérielle du 5 juillet 1811 précise-t-elle les dispositions du 12 juin précédent concernant la répartition des frais entre les diverses communes.

La première pièce conservée aux AD01 est une lettre en date du 20 avril 1818, adressée à Monsieur le Baron, préfet du département, par le maire qui signe "crochet (avec un c minuscule)" et que l'on identifie au renommé aubergiste du lieu. Elle concerne un premier choix d'emplacement : "La maison dont j'ai eu l'honneur de vous parler, et qui est la seule propre à établir la prison, le logement du concierge et la salle d'audience de la Justice de Paix (...) sert aujourd'hui de presbytère. (...) Elle fut acquise le 12 brumaire an 14 (3/11/1805)". Le maire poursuit son exposé au préfet : le prix porté par les experts en est de 6.000 francs, outre 324 francs d'enregistrement..., et dont le paiement serait couvert par l'argent provenant de la vente de communaux aliénés. Cette maison avait été acquise alors que la commune allait construire la nouvelle église, sans réaliser que le presbytère en serait éloigné de 1.200 pas, alors que durant les cinq mois d'hiver le sol y est froid et couvert de neige. En conséquence les membres du conseil municipal pensent désormais indispensable de construire un nouveau presbytère plus près de l'église. L'ancien local vaut maintenant 6.324 francs, sans compter 600 francs pour en exhausser une partie et obtenir une belle chambre. Une vaste cour close pourrait être aménagée dans le jardin en dépendant. Il y a 4 à 5 ans un projet tendait à établir une prison et un prétoire dans tous les chefs-lieux de canton. Toutes les autres maisons de Châtillon sont occupées par des habitants et par les préposés des douanes, fort nombreux. Le maire ajoute que le propriétaire ne veut plus louer les appartements qui servent alors de prison et de logement au concierge, à cause de leur insalubrité. Une mesure définitive doit être prise, à moins que vous ne supprimiez entièrement cet établissement.

Datée du même jour 20 avril 1818, est jointe une description de la maison envisagée. Dite située rue du Bourg (de nos jours en haut de la Rue Saint-Joseph), sa façade mesure 55 pieds de longueur (18 mètres environ). La maison comprend 3 caves, la plus belle étant voûtée en pierre. Au-dessus des caves se trouvent deux étages et le galetas. Cette bâtisse dispose de deux entrées au rez-de-chaussée, qui comprend un salon, avec une grande croisée (fenêtre) et une cheminée, et au nord un évier et une dépense. A côté du salon est la cuisine, puis la salle à manger, carrée si l'on ne tient pas compte d'un profond placard et d'un autre plus étroit. Au couchant se trouve une chambre. Le premier étage comprend un corridor donnant accès à 5 chambres. Le jardin est clos par des maisons, un mur et une terrasse. Notons que le devis des travaux d'aménagements, - qui ne seront jamais exécutés -, ne sera payé qu'en 1824. Cette description est cette fois signée par l'adjoint Crochet [Hippolyte, fils du maire, qui signe avec un C majuscule], et porte le cachet de la mairie de la commune (une couronne surmontant 3 fleurs de lys).

Le 16 février 1819 le sous-préfet adresse au maire un récapitulatif des dépenses : devis de travaux de 3.726,07 francs, et achat du local de 6.334 francs, soit un total de 10.060,07 francs, à payer par l'ensemble des communes du canton, au marc le franc de leurs contributions. Quelques temps plus tard, le 7 juillet, le sous-préfet en revient toutefois au temps présent en posant diverses questions dont il connaît forcément les réponses... : Y a-t-il une maison de dépôt dans la commune ? etc. Le 11 octobre 1819, la situation se dégrade encore : "Monsieur le maire, je ne reçois qu'aujourd'huy votre lettre du 8 qui m'annonce l'évasion de deux prisonniers de la maison de police ; je veux bien l'attribuer à la vétusté du local, mais il me semble qu'on pourrait aussi l'imputer à la négligence du concierge"... Le sous-préfet poursuit : Il faut absolument trouver un autre local d'ici la fin du mois, ou obtenir du propriétaire une prolongation de son bail, dussiez-vous consentir à une augmentation, sans se contenter d'un engagement verbal. Imaginez l'embarras où l'on serait à la fin du mois pour déposer les prisonniers ! Le 15 novembre de la même année, le sous-préfet ironise-t-il ? Il regrette de n'avoir pu soulager la commune d'un loyer en établissant la maison de police dans la caserne de gendarmerie, et estime, qu'à défaut il trouve convenable d'accepter l'offre de M. le curé de relâcher une partie de sa cure...

A la gendarmerie de Châtillon !

Mais aucune décision n'est encore prise par le préfet, qui doit pourtant donner son accord. Celui-ci, ou son directif sous-préfet, est-il réfractaire à l'idée que ce choix de prison serait en même temps un coup de pouce à la religion ? Toujours est-il qu'il poursuit une autre idée, celle qui voudrait que les gendarmes de Châtillon doivent loger dans leur chambre les prisonniers qui arrivent ! Ce n'est évidemment pas du goût du Capitaine de gendarmerie de l'Ain qui, le 21 décembre 1820, adresse un courrier au préfet pour exprimer que la brigade de gendarmerie de Châtillon réclame avec la plus grande instance l'établissement d'une maison de détention...

Le 18 octobre 1821, il n'y a toujours pas de prison. Aussi, M. Duplessis, sous-préfet de Nantua, informe par écrit son supérieur, nouvellement nommé, de ses diverses démarches des années 1819 et 1820. L'on y apprend en particulier que l'achat d'un nouveau presbytère à Châtillon aurait coûté 10.000 francs, et que les communes du canton ont refusé de concourir à la dépense. Un autre projet, cette fois de regroupement de tous les établissements publics de la commune, avait, celui-là, été refusé par le Conseil général du département. Quant au propriétaire de la caserne de la brigade de gendarmerie (le sieur Bonnevile, cité plus tard) il propose d'y réserver une chambre spécifique, moyennant le paiement de travaux (200 francs), et de lui payer 80 francs de loyer pour déplacer ailleurs le gendarme qui n'aurait plus de chambre ! Le sous-préfet s'oppose à cette dernière proposition, avec pour dernier argument que n'ayant qu'une prison, "l'on serait obligé de placer ensemble les hommes et les femmes"... Il ne reste plus qu'un seul moyen pour établir cette prison, c'est d'accepter la proposition faite l'année précédente par le curé : qu'il cède une portion de son presbytère, soit trois pièces, suffisantes pour loger le concierge, former une prison avec une cellule pour les hommes et une pour les femmes, le tout moyennant une indemnité annuelle de 100 francs (alors que la commune payait 90 francs pour l'ancien local, dont le bail expiré n'a pu être renouvelé). Le sous-préfet termine l'exposé de ses objectifs en affirmant qu'il faut prendre une décision autoritaire, d'office, de manière à contrer les prétentions de l'ancien maire et du nouveau, qui est son fils.

Visiblement le sous-préfet de Nantua savait influencer son préfet. Dans sa lettre du 3 novembre 1821 au maire, il reprend son idée de loger les prisonniers dans une partie du presbytère, avec l'appui du préfet pour faire supporter la dépense au marc le franc (proportionnellement) par toutes les communes du canton. Et il demande au maire de lui envoyer les devis des frais.

Au fond d'une grange, ou d'une étable, à côté de la gendarmerie...

Un nouveau projet voit le jour en 1822, entre Joseph Crochet, ayant laissé sa place de maire à son fils depuis un an, absent, et Vincent Baroudèle, adjoint à la mairie. Par un document papier, se voulant avoir valeur de bail et signé des deux intervenants le 20 janvier 1822, "le sieur Crochet promet et s'oblige faire une prison au fond de la grange située proche la caserne de gendarmerie, de la rendre saine, solide et bien aérée, d'un faire un plancher sous pieds (au sol), un lit de camps ; les parois du côté de la grange et de l'écurie seront en plateaux (planches brutes) bien liés et crossés (croisés) ; la porte sera doublée et solidement ferrée, avec une forte serrure à double tour et à crochet ; le soupirail du côté du nord sera garni d'un treillis en fer ou d'un petit volet fermant en dedans avec un cadenas ; il sera planté dans la colonne (un pilier) de la grange un anneau pour y attacher les criminels en cas de besoin ; la partie de l'écurie non occupée par la prison restera libre, pour que l'autorité et la gendarmerie puissent surveiller et circuler commodément. La gendarmerie pourra même en cas de besoin coucher dans cette partie de l'écurie ; à cet effet, la clef de la porte d'entrée du côté du midi, lui sera remise ; le tout sera fait et parfait à la fin de ce mois". Le loyer sera de 120 francs cette année, et 100 francs pour les suivantes. Ce bail est consenti pour deux ans. Cette grange nous semble la parcelle A 73 (bâtiment et cour, situé en face de l'auberge Crochet), appartenant audit Joseph Crochet.

Naturellement le sous-préfet n'est pas d'accord. Dans une lettre en date du 4 avril 1822, il informe d'abord son préfet que son idée n'a pu se réaliser, le curé ayant pris d'autres arrangements, et qu'en conséquence le maire a finalement trouvé un local qu'il décrit lui comme étant situé "dans le fond d'une étable à vache, qu'on a séparé de l'étable par une cloison en planches, de manière à former une petite chambre obscure, où un lit tient à peine ; le maire a cru devoir passer bail de ce local, pour le terme de 2 années, au prix de 120 francs la première, et de 100 francs pour la seconde". Le sous-préfet viendra toutefois le visiter le jour du tirage de la classe 1821, et son inspection confirmera ses soupçons, "quoique le très petit nombre de détenus qui y séjournent rend les défauts moins sensibles". Ce local sert depuis plus d'un mois. Le maire laisse au préfet la décision d'approuver ou non le bail. Quant au concierge, comme il n'a point de logement, le maire désirerait que la gendarmerie continuât d'en faire la fonction. Il s'ensuit sans surprise, par une note du préfet du 2 mai 1822, que le bail n'est pas approuvé et qu'il faut trouver un emplacement plus convenable.

Toutefois le maire ne désarme pas, et l'on devine qu'il souhaite réaffecter les propriétés de son père. Le 16 juin il adresse une lettre au sous-préfet, réclamant pour le "propriétaire (son père)" une somme de 40 francs pour les frais d'aménagement du local, et une indemnité pour le temps d'usage en tant que prison, ce que le local est encore. Par ailleurs le 9 novembre 1821, le maire avait encore exprimé au sous-préfet un autre projet, à savoir qu'un propriétaire (son père) "était disposé à approprier une maison pour en faire : caserne de gendarmerie, prison, logement de concierge et prétoire de Justice de Paix". Cette "maison de dépôt" était même prête le 31 janvier 1822, mais le maire n'en avait jamais précisé le montant des loyers... Compte tenu du nombre de salles requises, nous pensons que cette maison aurait été l'ensemble des trois bâtisses qui comprenait l'auberge actuelle rue Aimé Bonneville. Aussi, le sous-préfet, prenant son temps, informe son supérieur de ces démarches passées dans une lettre en date du 9 juillet 1822. Il ajoute et admet toutefois qu'il est juste qu'un loyer soit accordé à proportion du temps d'usage de la prison "qui paraît servir encore", à raison de 100 francs par an. Une autre préoccupation est que jusqu'à présent c'est un gendarme faisait fonction de concierge, mais que la brigade va déménager pour aller s'établir à Bellegarde, et qu'il deviendra donc nécessaire de nommer un vrai concierge. Toutefois, la gendarmerie devenant vacante, le local tant recherché pourrait y trouver sa place et, pour ce, le sous-préfet se propose de contacter la propriétaire...

A la gendarmerie de Bellegarde

Le 22 octobre 1822, le sous-préfet informe le préfet de ses nouvelles démarches, pour reprendre une partie de la gendarmerie. Mais le loyer demandé exéderait les 200 francs, sans comprendre le traitement du concierge. Il abandonne donc son idée, et se reporte sur celle d'une démarche semblable à la gendarmerie de Bellegarde. Le chemin serait plus court pour les prisonniers arrivant de Collonges, et sans étape pour les conduire ensuite à Nantua ! On pourrait aisément y arriver au moyen d'une cloison et en creusant une baie dans le mur, puis diviser le local en deux, pour les hommes et pour les femmes. Les faibles travaux seraient à la charge du département. Pour le mobilier il faudrait pour les hommes deux bois de lits, les paillasses et les couvertures, et autant pour les femmes, sachant qu'à Châtillon on n'y trouve que deux bois de lit, une paillasse et une couverture, et que les autres mobiliers auraient disparu lors de l'entrée des troupes alliées en 1815...

Enfin le bon emplacement, au quartier de la Tour

Le 10 décembre 1822, tout est à nouveau modifié et presque réglé depuis peu. Le sous-préfet, répond avec plaisir au maire qui par ses soins a trouvé un local pour l'établissement d'une prison convenable, sans plus de précisions pour l'instant. Il faudrait toutefois que le propriétaire s'engage à effectuer les "appropriations nécessaires : il faut qu'on y arrange deux pièces séparées, une pour homme et l'autre pour femme, que chacune de ces pièces soit éclairée par une fenêtre garnie de barreaux de fers, fermées d'un volet plain pour la nuit et d'un châssis à vitres pour le jour, que la porte soit renforcée de manière à prévenir toute évasion, enfin que la chambre pour le concierge soit pourvue d'une cheminée ; il serait indispensable que le concierge ne fut pas obligé de passer par la prison pour monter chez lui". Alors le maire sera autorisé à passer un bail pour 3, 6 ou 9 ans, pourvu que le loyer n'excède pas 150 francs par an.

prison

Ancienne prison de la Rue de la Tour, avec à gauche
de la porte d'entrée, la fenêtre de la cellule des femmes

Le bail, sous seing privé, est passé deux jours plus tard (12 décembre 1822), pour 6 ans, entre Hypolyte Crochet, maire, et le sieur Joseph Marie Moine, au prix de 150 francs par an, à commencer au 1er janvier. Le local consiste en "ses deux boutiques qui sont au rez-de-chaussée, et la cuisine de sa maison d'habitation, pour y établir la maison de police du canton. Il promet y faire sans délai toutes les réparations nécessaires pour donner aux dits appartements cette destination. Il fera boucher la grande fenêtre de la boutique à la hauteur de deux pieds, baronner (garnir de barreaux) le vide restant, placer un nouveau cadre vitré et un volet plein pour la nuit, refaire en entier le plancher sur tête (le plafond), renforcer la porte d'entrée en les [sic] doublant et en y plaçant de fortes ferrures, ouvrir une petite fenêtre pour la prison des femmes, la garnir d'un châssis vitré, la baronner et y placer aussi un volet pour la nuit, blanchir les deux appartements d'en bas avec de la chaux , en un mot, il fera tout ce qui est nécessaire pour que la dite prison soit propre, saine et sûre ; il supprimera le fumier qui est sous la fenêtre, et pour que le geôlier puisse communiquer avec les prisonniers, sans entrer dans la prison, il pratiquera dans son plancher une petite porte à bascule d'où il pourra les surveiller et leur faire passer ce qu'ils auront besoin. Pour arriver dans sa chambre, le geôlier ne passera pas dans celles des prisonniers. M. Moine fera réparer la porte extérieure de sa cuisine et le geôlier y passera. Ce bail durera 6 années à dater de l'homologation et le loyer sera de 150 francs, payable par toutes les communes du canton ; bien entendu que le Sieur Moine garnira ses portes et fenêtres de verrous et cadenas suffisants pour la tranquillité du concierge". Cette maison est facile à identifier, c'est celle cadastrée A 260 à l'état des sections de 1832. Elle y est notée "maison-prison" (100 m²) et appartient alors encore au même Joseph Marie Moine. C'est de nos jours la maison Marbeau, située au quartier de la Tour à l'angle des rues de la Tour et Saint-Joseph, avec de petites baies donnant sur les deux rues, dont des barreaux encore visibles.

Le 16 décembre 1822, le sous-préfet transmet à son supérieur : "d'après la description qui m'a été donnée du local, et les réparations que le propriétaire y fera suivant le bail, cette prison sera sûre et commode ; il y aura logement de concierge, chambre pour hommes et chambre pour femmes ; c'est tout ce qu'il faut". Les loyer et gage du concierge seront répartis sur toutes les communes du canton. Le préfet donne son accord le 3 janvier 1823, laissant à la municipalité le choix du concierge et de son traitement. Celle-ci, par délibération du 19 janvier 1823, décide à l'unanimité de reporter son choix de concierge sur le sieur Joseph Moine, valet de ville, "sujet probre, dévoué et fort capable". Et pour son traitement, il est fixé à 50 francs.

Les travaux traînent un peu, et le sous-préfet met la pression. Le 2 février 1823 il écrit au maire : "en attendant, comme les prisonniers de passage souffrent du froid dans la prison de Bellegarde, je vous prie de faire transporter dans ledit lieu les couvertures qui sont maintenant sans utilité à Châtillon ; on les y rapportera lorsque la nouvelle prison sera en état de recevoir les prisonniers"... Et le 9 juin 1823, encore :"il serait inutile de payer un loyer et un concierge, sans se servir de la prison"... La 17 juin 1823 la prison n'est toujours pas occupée. Le sous-préfet, décide que c'est à partir du 1er juillet que la prison recevra les prisonniers de passage, au lieu de Bellegarde, et que les effets transportés à Bellegarde reviendront à Châtillon, avec le registre papier remis au concierge par le brigadier, ainsi que d'autres objets mobiliers si besoin. Mais le 5 juillet le sous-préfet s'interroge encore de savoir auprès du maire si la prison sert maintenant à l'objet pour lequel elle a été établie...

Cette prison fut fonctionnelle, en témoignent les graffitis que l'on discerne encore sur certaines parties du crépi de deux murs. Toutefois, cette prison ne fut en usage qu'une quinzaine d'année, remplacée par celle comprise dans la maison de commune (mairie) construite en 1839.

 

Après la mise en place définitive de la prison, il ne restait plus qu'un détail à régler par l'administration, celui du paiement de Michel Clerc, architecte de Nantua, désigné le 5 mai 1818 pour reconnaître et faire le plan de chaque étage et les devis des réparations du presbytère, lequel avait été un moment pressenti pour y établir les prison, logements du concierge et prétoire. Les devis se montaient à la somme de 3.726,07 francs. L'architecte, dans un courrier du 2 juillet 1824, demande à être payé pour la rédaction de son devis. Mais les travaux projetés n'ayant pas été effectués, une fois encore le préfet suit les recommandations de M. Duplessis : M. Clerc n'aura droit qu'à 1/40e du montant du devis, soit 93,30 francs, plus 4,20 francs pour 6 feuilles de papier timbré, soit un total de 97,50 francs, et non des 150 francs souhaités, somme qui lui sera payée sur les fonds libres de 1824.

Un autre dossier en attente ressurgit aussi, celui des gages arriérés de M. Mors, concierge en 1818 et 1819, d'un montant de 120 francs, qui sera payé en 1824 par l'ensemble des communes (15 mars 1823).

 

Source : AD01, 2O 1134 (Dossier Prison, aménagement, 1818-1824)

Publication : Ghislain Lancel. Remerciements : Marie-Josèphe Famy (†) ; Jean-Paul Marbeau.

Première publication le 17/04/2024. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

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