Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Les loups

Le loup des Géorennes, une histoire de loup en 1953...

En février 1953, le sol est recouvert d’une neige très dure. Stéphane Vitali monte à la Vierge des Géorennes (aujourd’hui rénovée) pour chercher du bois d’allumage. Là, à côté d’un buisson de charmilles il voit un chien couché qu’il ne connaît pas :

Vas-t-en, lui dit-il d’un geste de la main. Mais la bête s’avère bien plus grosse que prévu et, bien loin de s’éloigner, grogne en montrant les dents. C’est un loup !

Vite, Stéphane s’en retourne et va prévenir M. Lefranc, le garde forestier, ancien militaire. Armé de son révolver, ils retournent sur place mais la bête a disparu.

L’on déjeune, et voila qu’à 13 heures arrivent gendarmes et vétérinaire de Nantua. Stéphane retourne une nouvelle fois sur les lieux, mais cette fois encadré par deux gendarmes armés de fusils, l’un devant lui, l’autre derrière.

Le voilà, crie le premier gendarme, il met en joue… mais ce n’est qu’un renard ! Stéphane connaît bien les animaux, sa parole ne peut toutefois être mise en doute ! Malheureusement, la bête reste introuvable !

Il y a tout de même une preuve, ces grosses empreintes, là dans la neige. Un expert pourra les analyser si on peut les conserver. Stéphane avait une pelle, il découpe un carré de neige autour de la plus belle empreinte. Mais comment la conserver ? A cette époque, il n’y a qu’un seul réfrigérateur vraiment efficace, c’était la chambre froide du boucher. On se transporte donc à la boucherie Camille Ducret (actuel hôtel La Rivière), et l’on place le morceau de glace au frigo. Demain on pourra confirmer la présence du loup. Mais dans la nuit, panne de courant, le matin il n’y a plus que de l’eau…

Le journal publiera un article et le bouche à oreille fit le reste. Des peurs ancestrales se ravivèrent… C’est ainsi que quelques temps plus tard, Madame Hélène (Hélène Ducret) de Montanges, revenant à pied de St-Germain - on allait encore à pied dans ces années là -, entendit les hurlement de la bête… Hélène ne revint jamais aussi vite chez elle ! Des heureux, il y en eut aussi : les écoles d’Echallon (mais pas celle de Champfromier) furent fermées 15 jours !

Aujourd’hui, le loup des Géorennes, n’est plus qu’une histoire qui fait sourire Stéphane. Il la raconte aux enfants...

Buclaloup, Volferine, Trou du Loup et autre lieux-dits au loup...

De nombreux lieux-dits témoignent aujourd'hui de la présence de loups remarquée jadis...

Buclaloup, ce lieu-dit de la Combe d'Evuaz (Champfromier), était dit-on un "endroit boisé où l'on bloquait et brûlait les loups aux temps anciens". On donne aussi parfois à la Volferine l'étymologie de loup pour Volf (sinon, Vaul, sortant d'un vallon) [Hannezo, Chézery, p. 106et 108], dont un pont (des Combettes ?) est le Pont du Loup [RD12, 17/07/1892]. La Gouille au loup, au Georennes (Champfromier), est encore bien connue. Moins connu, est le Gollet au Loup, sentier qui monte directement de la Provenchère sur le plâteau. Le baron de Raverat, cite comme montagne de Champfromier, la Colombière, où l'on voit le Trou-du-Loup [B. de Raverat, Les Vallées du Bugey, 1867, t. 2, p. 27].

A Saint-Germain-de-Joux, on brûlait peut-être aussi les loups, mais on a préféré garder le souvenir de leur pendaison, témoin ce lieu-dit "Penloup". Non loin de là et de Champfromier, à Echalon, les loups sont aussi encore présents dans les mémoires par un autre lieu-dit, la Trouée des Loups... Sur le territoire de Chézery, on a aussi sa Combe aux Loups, non loin du Marquisat, en face du Crêt de Chalam.

Un loup mange les cadavres du cimetière de Champfromier... (1464)

Mieux que les toponymes, des écrits attestent de la présence de loups à Champformier depuis le XVe siècle !

L'hiver 1463/64, la sœur du curé de Champfromier "veillait à une certaine fenêtre de la cure, montant la garde à cause du loup qui avait coutume de venir la nuit manger les cadavres dans le cimetière du dit lieu". [Genolin, Histoire de Champfromier, p. 41].

Un loup en 1879, une bande de loups en 1914, un couple en 1980

Vers 11 heures, un soir de janvier 1879, un loup a été vu dans la grande rue de Châtillon en Michaille, et il a été poursuivi par les habitants jusqu'à Ardon où il a disparu. La veille il avait dévoré un renard. [L'Abeille, du 26/01/1879].

Lors de l'hiver du début de l'année 1914, ce fut toute une bande de loup qui traversa Champfromier. Le journal local s'en fit l'écho, sous le titre Invasion de carnassiers !

« La commune de Champfromier est actuellement envahie par un grand nombre de carnassiers et d’oiseaux de proie, le froid rigoureux que nous subissons cette année les ayant chassés de leurs refuges de grandes forêts. Il serait urgent que des battues sérieuses soient organisées pour la destruction de ces carnassiers qui causent de grands ravages aux récoltes et surtout à la basse-cour.

La semaine dernière, plusieurs habitants qui chassaient le renard ont constaté avec une grande surprise le passage de loups ; les pas semblaient venir du côté de la grande forêt de Chevillard [Commune de Giron, au N-O du Collet], ils ont traversé la combe du Collet [à gauche après le tunnel, en allant vers Giron] et la montagne de Cruchon, passant au village de Champfromier et se sont dirigés dans les bois de Namphée, ont traversé la Valserine pour se diriger ensuite du côté de Menthières. Il est probable que c’est la même bande qui a été vue du côté de Montréal. » [L'Avenir Républicain, 1914 janvier/février].

Bien plus récemment, et sans publicité, des loups furent à nouveau vu à Champfromier, comme en 1980 à L'Auger, alors que Gilbert Blanc y habitait et qu'il vit passer sous ses fenêtres un couple de loups, le mâle en tête (animaux faciles à distinguer des chiens errants à leur démarche caractéristique).

 

Remerciements : Stéphane Vitali (récit du loup des Géorennes), Jean-Luc Boucher, Gilbert Blanc.

Première publication en 2010. Dernière mise à jour de cette page, le 3  juillet 2015.

 

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