Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Les premières délimitations entre Chézery et Nantua (Champfromier nord) en 1329, avec reprise en 1340

 

L'inventaire imprimé des archives départementales de l'Ain, série H, mentionne sous la cote H53 : "Acte de 1329 contenant la délimitation des terres du prieuré de Nantua et de l'abbaye de Chézery, sur le territoire de la paroisse de Montanges [sic]". En fait on ne connaît le premier acte que par sa reprise en préliminaire de celui du 8 juillet 1340. L'ensemble en latin est entièrement transcrit et traduit dans l'ouvrage d'Olivier Guichard, L'abbaye de Chézery, des origines à la Grande peste (1140-1348) [pp. 218-221].

Cette charte de délimitation devint nécessaire à la suite de l’essor de l’élevage bovin (au détriment de celui des ovins, les draps de chanvre ayant pris l’avantage à Genève sur ceux de laine). Concernant l’extension du domaine pastoral, de nombreuses querelles avaient éclaté entre villages, et l’on avait même assisté à de violents affrontements en haute vallée de la Valserine. En 1316, la grange de la Côte à Lancrans avait été assaillie par des hommes du prieuré de Nantua. Plusieurs meurtres y avaient même été commis sans que le châtelain de Ballon ait pris peine de les empêcher. Les relations ne cessaient de se dégrader entre l’abbaye de Chézery et Nantua. La délimitation ne réglera pas tout. En 1352, suite à un vol de vaches, un procès retentissant opposera Chézery et Nantua, lequel prieuré fera même l’objet d’une sentence d’excommunication [Guichard, ouvr. cité, p. 121-122 (et p. 117-120)].

Rappelons aussi qu'en 1307/1308, on avait vu la construction d'une bâtie par le comte de Savoie, au sommet du Crêt de Chalam, modeste système défensif vite démoli au cours de l'année suivante par le sire de Villars et les abbés de St-Oyan et de Chézery [Pierre Blanc, L'Offensive savoyarde contre la terre de Nantua, 1307-1308, p. 45-48].

Acte de 1340 avec rappel de délimitation en 1329

Voici les extraits significatifs de la charte évoquée, concernant Champfromier, sachant que si Montanges est représenté c'est parce que son abergement de Chalam était situé sur la paroisse de Champfromier, au nord, à la limite avec Chézery. On trouvera d'abord le rappel en préambule d'une délimitation de 1329, puis celle de 1340, qui la reprend en apportant quelques précisions.

Préambule dit de 1329 : "Anno Domini xxx trecentesimo vicesimo nono fuerunt limitationes terrarum et juridictionum ecclesiarum Cheysiriaci et Nantuaci de voluntate (...) dictas limitationes declaverunt et ordinaverunt... (pro ut) sequitur, videlicet : per nantum, qui currit per medium de Les Ramaz et descendit de Molari dicto de Chalamo eundo per prairiam de... [Lecture erronée, comprendre : la Côte du Prieur (et non de la prairie)] et ultra directe tendendo in summitate servate illorum duz Charveyron, que servata sita est supra prata illorum de Charboneyria et ex hanc per rochatia que sunt in summitate exaltorum illorum duz Charveyron et ultra tendendo per verticem exaltorum de la Lanchi."

Ce qui est traduit par "L’an de notre Seigneur 1329, frère Jean de Gigny, prieur de Nantua ct vénérable père, Nicolas, sire abbé de Chézery, ont fait procéder à la délimitation de leurs terres et juridiction (...) lesquels se sont accordés à trouver les limites suivantes : le nant qui prend sa source en haut du Crêt de Chalam et suit [vers le sud) la Combe des Ramaz, traverse la prairie... [Lire : la Côte du Prieur (lieu encore connu des forestiers, et cité par Genolin, Histoire...., page 38)] et de là, suivant une ligne droite, en amont des prés de ceux de Charbonnière, le haut de la servette de ceux de Charveyron, enfin les rochers qui dominent les essarts des hommes de Charveyron et en poursuivant, le haut des essarts de l’Auche."

Vient ensuite la reprise faite dans cet charte du 8 juillet 1340 "Deinde, quod anno Domini millecesimo tercentesimo quadragesimo die octava mensis julii, que dies erat assignata inter gentes domini prioris Nantuaci et (...) domini abbatis Cheysiriaci (...) declavarunt limites supradictos per modum qui sequitur, videlicet per nantum qui currit per medium de les Ramaz et descendit de Molari dicto de Chalamo eundo et recte tendendo in summitate servate illorum de Charveyron, que servata sita est super prata illorum de Charboneria. Et ex hinc recte tendendo per praedium esserti sive raperie, quam olim fecerant Peronetus Pelapra et Guionetus Calliet et per Magnum Rochastum seu rocherium situm juxta predictorum essart (or) um, quem rochaserium signaverunt prenominati homines et exinde recte tendendo per rochatia, que sunt in summitate exaltorum de Lanchia et ex hinc, prout consueverunt ultraque pars, usque ad locum de la Chavaleta nihil aliud innovendo vel mutando."

Ce qui est traduit par : "L’an de notre Seigneur 1340, le huitième jour de juillet, le seigneur prieur de Nantua et ses gens, le seigneur abbé de Chézery et les siens ont décidé de faire procéder à la délimitation de leurs montagnes mitoyennes (...) lesquels se sont accordés à trouver les limites suivantes : le nant qui prend sa source en haut du Crêt de Chalam et suit la combe des Ramaz, et de là, suivant une ligne droite, la pierre moussue [!] et le haut de la servette de ceux de Charveyron située en amont des prés de ceux de Charbonniere, et en droite ligne, l’essart ou raperie [essart ou terre ravinée] jadis défriché par Peronnet Pelapra et Guyonnet Calliet, la Roche Longue qui le jouxte que les hommes susdits ont fait graver, les rochers qui dominent les essarts de ceux de Charveyron et en poursuivant, le haut des essarts de l’Auche, enfin, sans changer quoique ce soit à leurs habitudes, le lieu dit de la Chenalette."

 

Le principal acte de renouvellement de délimitation sera celui de 1433. On retrouvera, bien déformés, les noms des deux défricheurs dans l'acte des us et coutume de 1625 [Mss 263]. Olivier Guichard signale aussi, en date du 15 novembre 1570, "un double des limites desdites terres et juridictions pour l'abbé de Chézery contre ceux de Monestier" [Guichard, Cartulaire 19 (page 21)].

A signaler que dans le même carton d'archivage H 53, devrait se trouver un acte de 1399, mentionnant Champfromier en latin "Ecclesia Campi fromerii" [cité par Philipon, et autres], mais l'acte manque, et aucune mention n'en a été trouvée par le personnel des archives.

 

Publication  : Ghislain Lancel. Source : AD01, H 53. Remerciements : Olivier Guichard, pour son livre L'abbaye de Chézery, des Origines à la Grande Peste (1140-1348)

Première édition de cette page, le 23 juillet 2013 . Dernière mise à jour, le 18 mars 2015.

 

<< Retour : Accueil Histoire