Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Abergement de Choufex, en 1565 [Inédit]

 

Trois jours avant le renouvellement en 1565 de l'abergement de la montagne de Challamoz aux habitants de Montanges, ceux de Monnetier avaient eu droit à un abergement nouveau, celui de la montagne de Choufex. Cet espace de prairies ne fit partie des communaux de Monnetier que durant guère plus qu'un siècle. Il fut vendu dès 1677. Mais le lieu-dit, de nos jours totalement méconnu, avait perduré dans les registres municipaux jusqu'aux premières décennies des années 1800.

Abergement de Choufex, 1565

Le 24 septembre 1565, Messire Anthoyne Dubreuil, prieur de Nantua, aberge aux manants (résidants) et habitants de Monestier (dont c'est la bien tardive mais première attestation du lieu...) la montagne (l'alpage) de En Coufex (Choufex, Chauffay, etc.) Ce n'est pas un grand cadeau puisque c'est un "lieu herme (en principe retourné en espace sauvage) plein de bois broussailles qui ne sert que retrait de bêtes sauvages"... La transaction se fera néanmoins moyennant 200 florins et une moge (vache), une belle somme à cette époque de la domination savoyarde. Et ce n'est pas sans désintéressement puisque la dîme y sera ensuite payée comme sur toute la terre de Nantua, sur "tous les blés et autres légumes". La terre pourra être partagée mais uniquement transmise à des habitants de la paroisse de Champfromier. Les représentants de la communauté de Monnetier, qui acceptent ce contrat en 1565 sont Martin Goy [CI-10178 ?] et Amed Ducrest [10033 ?]. Copie du contrat est collationnée par Etienne Genolin, le notaire bien connu de Monnetier, qui signe.

La délimitation de cette parcelle est précisée dans l'acte. Malheureusement elle est d'une écriture devenue peu lisible, dans une pliure. Par d'autres mentions postérieures on sait néanmoins que Chouffex, microtoponyme totalement oublié de nos jours, se trouvait au bord de la Valserine, entre la Chaudanne et les Iles. Sous réserve, voici cette délimitation : "dès le nant? de Fossa?…, dès le dessus dudit nant jusques à la rivière dessous et dès ledit lieu jusque à la roche de la Chenalette, près du pont des gorges convertoux? du haut? [de] la rochette de Laillie?, et le pré de Martin Mermet? [10670] et de Estienne Genollin [9939] de bize, ...? en un lieu par dessous ledit Couffex appellé LeyCotte?, que jouxte la rivière de Vault-Cherine [Valserine] du levant, le Rocher d’Eschelle du couchant". Quelques certitudes ne sont toutefois pas sans intérêt, comme cette dénomination Vault-Cherine pour la Valserine, et la mention d'un pont sur les gorges !

Un procès à Dijon en 1621

On ignore s'il y eu des cultures sujettes à dîme à Chauffex, mais en tous cas il s'y trouva des bestiaux. On sait les éternelles agressions réciproques passées entre le prieuré de Nantua et l'abbaye de Chézery. Ce lieu étant au bout de la paroisse de Champfromier, vers Chézery, il n'est pas étonnant que des violences s'y produisirent.

Par un parchemin de grande taille déposé au archives de l'Ain, on apprend que le 16 juin 1621, au parlement de Dijon (la domination Savoyarde était terminée depuis 1601), Messire André Fremot, représentant du prieur de Nantua, expose "les nouveaux ravages, violences et excès commis par lesdits religieux et habitants de Chézery, en la montagne de Chauffex". Est mis particulièrement en cause un certain Naysme Beschat dont a été victime Amed Goychardon [CI-10671] de Monnestier "pour le bétail qu'ils lui avaient violemment enlevé" (obligé par lesdits de Chézery...) Mais la cour du Parlement se contente de renvoyer les partis par-devant Me Jacques Thomas, conseiller du Roi audit parlement, se contentant de faire défense à ceux de Chézery d'user de violences envers les habitants de Monestier.

On ne sait pas si les partis retournèrent devant le conseiller du Roi...

Vente de cette parcelle de communaux en 1677

Cette terre fut vendue par les communiers de Monnetier le 27 janvier 1677, à Roland Ducret, futur meunier, l'un des six fils de Thieven coacheteurs de la Chaudanne. La vente de 1677 est rappelée dans la ratification qui survient bien plus tard, "Es Illes de Chaufaix" (5 seytives) en 1705 [3E14279, f° 170 (22 octobre 1705) - [Copie dans Mss Delaville 190]. Le même jour est ratifiée, une autre vente de 1683 au même lieu-dit à Humbert Tavernier laboureur en 1705 [3E14279, f° 172 (23 octobre 1705)]. Une parcelle aux Iles, qui semble différente, avait été hypothéquée au même Roland Ducret, le 21 janvier 1677 [Mss Delaville 189].

Mort du microtoponyme vers 1828

La dernière mention de ce microtoponyme Choufex (Chauffex, etc.) date de 1828, par une délibération municipale portant que tous les bois et broussailles depuis "Chauffey" jusqu'au Charveiron, en dessus du chemin des Isles jusqu'au nand de Fossaz, sont mis en réserve [RD 08, f° 37v (12/05/1828)]. Il meurt ensuite, comme bien d'autre mots de nos patois, qui ne sont plus usités, ni compris. Chauffex n'évoque plus aucun lieu dans la tradition orale des anciens du village, et son sens nous est perdu aussi.

 

Publication Ghislain Lancel. Source AD01, H 61 (1565) et H 73 (1621).

Première publication le 5 juin 2013. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

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