Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Un étalon royal à Champfromier (1686)
d'après O'Brien

Cette page résume de manière ciblée le premier tome l'ouvrage de O'BRIEN (L.-E.-P.), Les Chevaux du département de l'Ain. Bourg-en- Bresse, 1886-1891. 3 volumes in-8° brochés. La présence des étalons à Champfromier s'intègre dans la rubrique Le cheval, autrefois.

La lecture de ce livre a révélé un aspect peu connu de l'Histoire de France, avec la tentative par Colbert de reconstituer un haras royal de qualité après les désastres guerriers du XVIsiècle, Champfromier ayant eu les honneurs d'accueillir l'un de ces étalons à la Combe d'Evuaz.

 

Un élevage abandonné par les nobles

En 1661, Colbert, ministre de Louis XIV, cherche à relancer l’élevage du cheval, abandonné par les nobles, ruinés après les équipées dévastatrices du XVIsiècle, nobles qui se réfugièrent à la Cour du roi. Colbert fait intervenir le gouvernement dans les affaires de l’industrie agricole chevaline. Il fait rendre un édit par le Roi, lequel défend, à tous les propriétaires de chevaux, de faire se reproduire des étalons qui ne sont pas approuvés par les agents de l’administration.

Il institue des charges d’ « étalonniers », lesquelles consistent à mettre, dans les mains des éleveurs, des étalons appartenant à l’état. Ces étalonniers sont indemnisés de leurs frais d’entretien des étalons.

Les haras sont sous la direction des Intendants de Provinces. Chaque Province est dotée d’un Inspecteur particulier. Mr de Garsault est nommé Inspecteur Général des Haras du Royaume. Colbert fait venir des étalons de pays étrangers et les distribue dans tout le royaume.

 

Le Bugey ne bénéficie des dotations qu'à partir de 1678

Ce n’est qu’en 1678, après leur rattachement à la France, que "nos pays" (Bresse, Bugey, Valromey et Pays de Gex), auparavant bourguignons, bénéficient, eux aussi, de ces dotations. En 1678, les premiers étalons, venus d’Espagne, sont distribués par le Roy, gratuitement, à des particuliers, sans aucune "réfusion" de leur part, à titre d’essai. C’est Mr Bouchu, Intendant de Bourgogne et Bresse, qui vient remettre ces chevaux à Bourg. Il rend une ordonnance le 12 octobre 1678, selon l’Edit de Colbert :

Le Sieur Mathieu Poyet, sieur de Rivière, est nommé commissaire de l’Inspection des haras de "nos pays", pour reconnaître l’état des étalons appartenant au Roy, distribués par les ordres de sa Majesté, et l’état des étalons approuvés.

Le Roy ne donne plus d’étalons jusqu’en 1686. A cette date, 1686, le sieur Darlan, nouvel Intendant de Bourgogne et Bresse, fait distribuer des étalons tirés d’Allemagne et de Suisse (plus charpentés que les espagnols, et néanmoins dotés de sang oriental de par leur origine turque) afin d’obtenir des chevaux plus grands et aussi vifs.


Un L couronné (liard de 1649),
comme sur la cuisse
des étalons du Roy ?

Ceux-ci ne sont plus remis gratuitement aux étalonniers, mais contre une somme de 200 livres. Ils sont marqués à la cuisse droite d’un L couronné, conservant ainsi leur titre d’étalon du Roy. L’étalonnier en est cependant propriétaire. Il a seul le droit de faire saillir l’étalon. Il est exempté d’une partie des tailles, des corvées de routes et de logement des gens de guerre.

Ces étalons de 1686 furent ainsi placés dans "nos pays" :

En élection de Bresse : 1 à Neuville les Dames, chez sieur Bricard ; 1 à Perrex, chez sieur Dalban ; 1 autre à Perrex, chez sieur Dagallier ; 2 à St Jean/ Reysouze, chez sieur Bonnard ; 1 à Pirajoux, chez sieur Revel ; 1 à Cuet, chez sieur Rossan ; 1 à Villereversure, chez sieur Faure ; 1 à Bourg, chez sieur Marchand ; 1 au Tillet, chez sieur Rochet ; 1 à Champfromier, chez sieur Jarcelat.

En élection du Bugey (mais on a vu que Champfromier était rattaché au lot de la Bresse) : 2 à Izernore, chez sieur Racquier ; 1 à Sonthonnax, chez sieur Michallet ; 1 à Corcelles, chez sieur Marestan ; 1 à Hotonnes, chez sieur Bellon ; 1 à Prémeyzel, chez sieur Giraud.

Les sieurs mentionnés sont les étalonniers. Ce n'est donc pas le sieur Jarcelat (étalonnier) qui s'occupait personnellement de l'étalon. Ce travail était du ressort d'un éleveur de la Combe d'Evuaz où la famille possédait deux granges et était d'ailleurs exonérée de taille, au moins au titre d'étalonnier.

 

Vingt saillies par un cheval de Champfromier en 1694

Les dotations de 1687 et 1688 ne concernent pas Champfromier. C’est Prémeyzel qui fournira pendant de nombreuses années des chevaux renommés.

En 1693, il ne reste que 16 étalons du Roy sur les 32 alloués Vingt autres étalons ont été "approuvés". Mais c’est trop peu pour maintenir la qualité de la sélection. Colbert est décédé depuis 10 ans. Louvois refuse la demande de nouvelles dotations d’étalons du Roy car le royaume est ruiné suite aux guerres coûteuses de Louis XIV, ce dernier étant déjà contraint d’acheter des chevaux à l’étranger.

Mr Poyet de Rivière, Inspecteur des haras de nos pays, nommé par le roy, fait donc "approuver" un grand nombre d’étalons bugistes pour répondre aux besoins de la production.

Le Sieur Claude Gaspard du Port, seigneur de Montplaisant, écuyer, lui succède. En 1694, il fait l’inspection de printemps, en Bresse et en Bugey, des étalons du Roy et des étalons approuvés.

A Champfromier il visite un étalon "approuvé" en cette même année 1694, dont le propriétaire est Mr Monnet. Cet étalon, au jour de la visite, a déjà donné 20 naissances, suite à 20 saillies.

Notons qu'un Jean Monnet, de Giron-Devant, était l'un des plus gros imposés de la taille de la paroisse de Champfromier en 1686. Signalons aussi, sachant qu'un étalon ne devait pas "couvrir" une cavale (jument) avant cinq ans, ni passé quinze, qu'il est logique que l'étalon de 1686 ait déjà été remplacé en 1694...

Introduits en 1693 (et approuvés), on relève aussi des ânes (du Poitou), appelés bourriquets, destinés au croisement avec les juments pour faire des mulets. Ils sont 6 dans " nos pays" : 1 à Simandre, 2 à Arromas, 1 à Condamine, 1 à Sonthonnax et 1 à Loyettes.

Les étalons du Roy font, en fait, peu de temps de service. En 1696, il n’y a plus que 8 étalons du Roy dans nos pays. L’Assemblée des Provinces, au vu de la pénurie des finances du royaume, vote une somme de 2000 livres pour acquérir des étalons étrangers. En cette année 1696, Mr de Montplaisant achète, pour la Bresse et le Bugey, 6 roussins (chevaux de trait) à Lausanne, grâce à ces fonds. Il fait le voyage à cheval jusqu’à Lausanne, accompagné de son valet, à cheval lui aussi.

En 1699, le sieur du Ponthet, de Pont de Vaux, (remplaçant Mr de Montplaisant indisposé), achète à Pontarlier, à la foire de Soleure, des roussins. L’équipage quitte Pontarlier le 19 mars, arrive à Bourg le 25 mars. Les chevaux s’y reposent jusqu’au 29 mars.

L’un est réservé à Mr Malric (Régent de la terre d’Attignat, laquelle terre appartient à Mr Jarcelat, juge des terres de Nantua). Mr Malric versera 120 livres, pour ce cheval, à la Caisse des Haras. Mr Jarcelat envoie donc ce cheval, pour le compte de l’abbaye de Nantua, à Champfromier, paroisse qui dépendait de cette "abbaye".

 

Les 3 derniers étalons du Roy reçus en 1686 sont réformés lors de l’inspection de janvier-février 1700. Lors de sa visite de l’automne 1700, Mr de Montplaisant, contrôle un étalon "du pays" à Montanges, chez son propriétaire Mr Roman. Il ne va pas à Champfromier. La visite de décembre 1709 est la dernière faite par Mr de Montplaisant qui mourra peu après. Après lui, la rigueur des visites et de leurs comptes-rendus laisse beaucoup à désirer et on ne trouve plus que très peu de données.

 

D'après Françoise Coutier, avec nos remerciements.

Dernière mise à jour de cette page, le 27 juillet 2010.

 

 

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