Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Tous les anciens de Champfromier ont entendu parler du "Chatelard" de Monnetier. Cet emplacement situé au bout de l'actuelle Impasse Genolin est admirablement situé, à l'extrémité d'un promontoire délimité par deux ruisseaux aux gorges profondes, l'actuelle Volferine, et le ruisseau qui le rejoint à cet endroit, le tout avec une vue imprenable allant jusqu'à la Michaille et même aux Alpes à l'horizon. Nul doute que jadis, on occupa ce site en poste de gué, et que par la suite le lieu fut convoité par quelques notables.
Chatelard, dit-on, et pourtant les archives ne nous donnent aucune mention de ce site. Il y aurait bien un "château", le fameux château du rocher de "Nant-font" cité par le romantique baron de Raverat mais il n'est pas situé à cet endroit. Encore plus étonnant, ce microtoponyme de "Chatelard" n'est connu que dans la mémoire orale, il ne figure nul part, ni dans les plans napoléoniens de 1833, ni non plus dans les plans rénovés de 1962 !
Les plans napoléoniens témoignent de la présence en ce lieu d'un bloc de quatre habitations (possédé par cinq familles, Ducret-Chevron, Tournier, Coutier et Juliand), et d'un four (aux Ducret-Chevron) situé de l'autre côté de la rue, mais pas plus. Et le lieu-dit, du moins entre ces habitations et la conjonction des ruisseaux, est étonnamment noté "Au Colombi" ! Faute d'en savoir plus, on devra donc pour l'instant se contenter de penser que lors des derniers siècles passés existait à cet endroit une belle ferme, un manoir ou un castelet, disposant du privilège du colombier. Les rôles de taille de Champfromier nous fournissent d'ailleurs plusieurs noms de privilégiés disposant d'immenses domaines à la Combe d'Evuaz, parfois même d'étalon royal (Jarcelat), et il n'est pas exclu de penser que l'un d'eux disposait aussi d'une ferme et résidence d'été, à Monnetier village.
Que reste-t-il aujourd'hui des constructions d'autrefois ? Une partie des habitations a été détruite, mais une maison attenante à une grange subsiste. L'ancienne grange, d'accès de plein pied, comporte un porche en pierre taillée de qualité enrichi de peintures rouges représentant sous la voûte quatre croix dans des cercles (croix pattée alésée arrondie, évoquant les croix coptes ou de l'art chrétien de l'avant-gothique), et en fronton un élément de frise géométrique (triangles) et des traces d'inscriptions.
Quelle signification donner aux peintures ? Est-ce tout simplement le fait de la tradition après une bénédiction de la grange par un évêque, un élément de blason du propriétaire ou le signe d'une grange dîmale ? La dernière hypothèse devrait toutefois être écartée puisque selon plusieurs manuscrits la grange où étaient entreposées les gerbes collectées pour la taxe religieuse de la dîme semblait se trouver, pour ce qui concerne Monnetier et même si cela paraît surprenant de nos jours, à proximité de Chaudanne.
Compléments concernant les moulures (18 avril 2011)
Selon l'association PPA (Patrimoine des Pays de l'Ain), cette porte de grange du Chatelard est très intéressante : "Rares sont les encadrements civils à avoir gardé leur polychromie d'origine. La qualité de la sculpture est à noter. On est soit face à un portail d'édifice civil, soit face à un portail de demeure civile mais avec une très grande qualité" [Frédéric Thouny, secrétaire général de PPA].
Le congé de la moulure de l'encadrement, le fait que ce congé (terminaison de la moulure) est placé très haut au-dessus de l'arête vive, ainsi que la mouluration de la base évoquent un style tardif qui devrait être le XVIIe siècle (et faire écarter le XVIe siècle). [René Pierre Lehner, archéologie du bâti].
Remerciements : Thierry Genolin et sa famille. Crédit photographique : Ghislain Lancel (05/05/2005 et 07/11/2010).
Première publication le 7 novembre 2010. Dernière mise à jour de cette page, le 18 avril 2011.