Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Cheminée de bois

 


Maison à cheminée de bois, avant 1925 (Cliché Gustave Burdet, p. 82)

Mentions anciennes de cheminées de bois à Champfromier

Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, on trouve dans les actes archivés de Champfromier de nombreuses références à des cheminées de bois, en particulier dans les "granges" isolées. La mention de ces cheminées, en bois, et non en pierre (de tuf), peut surprendre mais ces spécifications proviennent généralement de "prix-faits", des documents qui ne sont pas susceptibles d'approximations de langage puisque ce sont des devis consignés par des notaires !

Que ce soit pour une maison à construire ou bien à réparer, dans ces prix-fait, ceux qui allaient réaliser les travaux n'étaient jamais autres que le maçon et le charpentier, et la partie qui concernait les cheminées était toujours du ressort du charpentier ! En voici quelques exemples à Champfromier, espacés sur une cinquantaine d'années :

"...la cheminée de la cuisine, de bois, pourrie entièrement, le tout étant à refaire à neuf" (maison appartenant par indivis à Joseph et Martin enfants de feu Marc Tissot de Monestier) [3E14278, f° 120 (7 juin 1700)].

"... qu’il faut couvrir à neuf la cheminée de ladite maison du côté du couchant et bise, et refaire à neuf les manteaux d’icelle" (Acte d’état de la grange de Chalam, pour les syndics et habitants de Montanges) [3E17442 (3 juin 1710)]

"...(promettent de) faire le couvert devant du côté du vent propre pour le couvrir de tavaillons et le dernier [derrière] d’ancelles, promettent encore de faire une cheminée de bois en ladite maison de la hauteur et grandeur convenable (...) et fourniront lesdits Ducrest et Antoine Genolin tous les bois nécessaires pour la construction desdits bâtiment, cheminée et grange " (Marché et prix fait pour François Ducrest et Antoine Genolin de Monestier) [3E17447 (6 juin 1733)].

"...il convient même de refaire les 4 dognes de la cheminée qui n’a que la moitié des ais qui puisse servir et faire un portant pour soutenir ladite cheminée, comme encore faire les manteaux et le couvert d’icelle cheminée " (Rapport d’experts pour Sr Ferdinand Ducrest de Champfromier, de la maison délaissée par feu son père à Champfromier) [3E17447 (6 septembre 1733)].

"... il convient encore de refaire les quatre dognes de la cheminé de ladite maison avec ses poutres qui la supportent, les manteaux dessus, et refaire les couverts d’icelle cheminée tout à neuf" (Rapport d’expert pour une maison acquise par Claude et Estienne, enfants de feu Claude Juilland-Claudon de Communal [3E17447 (31 mai 1733)].

"... la cheminée de ladite maison, qui est de bois, est à moitié usée" (Acte d’état et rapport d’experts pour Antoine Tournier de Champfromier, maison de Champfromier achetée au banc de cours de la châtellenie de Montanges) [3E17451 29 juin 1742)].

Un type de cheminée en bois (presque) disparu

A notre époque où, même les plus anciennes maisons de Champfromier, ont des cheminées dont la hotte est en tuf et la partie aérienne maçonnée, on peut donc s'étonner de ces mentions de cheminées en bois réparées ou construites par le charpentier !

Mais c'est oublier bien vite le passé. Gustave Burdet, même si son ouvrage traite des Bouchoux (commune limitrophe de Champfromier, mais dans le Jura), donne quelques informations sur ce qu'était une fumarda (cheminée) de jadis, bel et bien en bois :

"Il existe encore, au territoire de la Pesse, quelques types d'habitations primitives, dites maisons à cheminée de bois, les autres ont été modifiées, transformées. A part la maçonnerie extérieure, tout l'intérieur est en bois ; au début, on n'y voyait pas une pièce de fer : gonds, serrures, loquets, etc..., tout était en bois. La pièce principale est la cuisine constituée par une vaste cheminée, en forme de pyramide tronquée, de bonnet carré, se terminant au sommet par une ouverture d'où venait la lumière et par où s'échappait le fumée de l'âtre. Au-dessus de cette ouverture est disposée une planche large – volet ou manteau – mobile qu'on déplaçait à l'aide d'une corde pour s'opposer au vent et à la pluie. On faisait le feu au centre de cette pièce en partie dallée." [Gustave Burdet, Un coin du Haut-Jura, Les Bouchoux-La Pesse (1925), p. 82 et planche (et p. 159)].

A notre connaissance, il ne reste plus de nos jours qu'une seule maison à cheminée de bois, qui soit à proximité de Champfromier et des Bouchoux. Cette rareté se complète même avec un intérieur de toiture entièrement en tavaillons... Merci à son aimable propriétaire de nous avoir accueillis et autorisés à transmettre ce patrimoine des cheminées en bois dont il ne reste plus, à Champfromier, que des mentions dans de vieux manuscrits...

 
La partie la plus visible de la "cheminée", une hotte à quatre côtés, traversait la partie" grange" de la maison
(réaménagée en espace de vie)
Un tubage à l'intérieur de la hotte répond aux normes actuelles. A remarquer, sur un côté de la hotte, la tringlerie qui permet d'adapter l'ouvertures des volets extérieurs au vent et à la pluie.

 

  
La base de la cheminée commençait exactement au niveau du plafond de la cuisine, pièce située sous la partie grange. Autrefois il n'y avait évidemment pas ce tuyau noir de chauffage, ni même les volets en frisette du plafond. C'est pour le confort que, de nos jours, les deux grands volets isolent ce plafond, tout en pouvant pivoter vers le haut pour donner accès à la vaste hotte et procéder à l'entretien du chauffage actuel. Jadis, l'espace sous la hotte était totalement ouvert et il y pendait une crémaillère. Par terre étaient quatre grosses dalles plates sur lesquelles on allumait le feu, lequel chauffait le chaudron accroché à la crémaillère. La photo du milieu montre la planchette trouée (d'origine) que l'on tirait ou relâchait, pour choisir de rentrer l'un des trous sur un clou fixé au mur, et ainsi ouvrir ou de fermer les deux volets extérieurs pivotants (photo de droite, volets fermés, de nos jours en tôle). Ces volets sont reliés par un câble à la partie supérieure la planchette. Le câble actuel, coulissant dans une moderne gaine rigide, a remplacé un ancien fil de fer, mais néanmoins il est encore attaché aux deux vielles grosses pierres qui jouent un rôle de contrepoids pour l'ouverture de ces volets.

 

Crédit photographique : Ghislain Lancel (09/06/2013). Remerciements : Privé (non loin des Bouchoux).

Première publication le 16 octobre 2013. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

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