Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Sur les Prés (Ruines de)
et balade (inédite)

 

Pour se rendre aux ruines de Sur les Prés, là où se trouvait une ferme de la commune de Champfromier, rien de plus simple. Il suffit de rejoindre le hameau de Monnetier, là de prendre le Chemin du Riret et de dépasser ses rares lacets en se laissant guider par une carte IGN. On peut même prendre la voiture un moment, et la laisser dès que la route, d'abord goudronnée puis caillouteuse, devient délicate. Après l'hiver il pourra être nécessaire de s'arrêter parfois pour chasser un éboulis de cailloux ou une branche d'arbre. A pied, il faut compter près de quatre kilomètres à partir de Monnetier. Le chemin est facile, montant en permanence sur les deux-tiers du parcours, mais en pente assez douce et régulière.

Sur la gauche du chemin, peu avant l'unique virage serré à droite, on pourra voir les ruines d'un double encadrement de portes en pierre de taille encore debout (en 2011), c'est l'ancienne maison de Francisque Genolin du Riret. Après le virage suivant, à gauche cette fois, là où débute à droite le chemin conduisant aux ruines des Soliet du haut et du bas, le chemin prend de la hauteur en dominant à notre gauche le profond lit du maigre ruisseau des Charrières. Montant encore, l'on verra bientôt le sommet du Truchet obstruant l'horizon à sa gauche tandis que nous longeons le Crêt du Genou sur notre droite. La première récompense (par beau temps) est au point le plus haut de notre chemin, juste après ce Crêt du Genou. A droite, la vue est idéale (actuellement, les forestiers ayant tout coupé en 2009) pour admirer le panorama sur Forens et la vallée de Chézery.

La ruine de Sur les Prés (A 181)

Ayant admiré le paysage, trois chemins partent de cet endroit. Celui de droite laisse immédiatement à sa gauche une ruine de petit bâtiment agricole (le Mont-Pellat) puis contourne le Crêt du Genou. Celui de gauche monte à la forêt de Champfromier (vers la Biche). Enfin celui qui prolonge en face celui que nous avons suivi se dirige vers notre objectif (et permettrait de rejoindre Haute-Crête par l'est, ou bien l'Auche et la Combe d'Evuaz).

  
Dans la pente, le chemin d'accès. De jeunes pousses sur les vieux troncs maintes fois coupés...

On devine que l'on approche d'une ancienne habitation quand de vieux arbres dont il ne reste le plus souvent que la souche bordent à l'est le chemin. Un énorme frêne maintes fois coupé mais qui se régénère encore de nos jours rappelle qu'en cas de pénurie de foin, l'on allait "faire la feuille" pour ramener des feuilles de frênes à manger aux bestiaux. Près de la ferme, ces arbres, frênes, un gros hêtre aussi, étaient donc une source d'ombre en été, et de nourriture en fin de saison, avec l'avantage de procurer un rempart contre le précipice voisin en toutes saisons, et de bien signaler l'emplacement de ce chemin quand il était recouvert d'une volumineuse couche de neige...

Comme pour toutes les ruines, on n'y verra surtout que des cailloux. Les pierres de tailles coûtaient cher, et en plus il fallait les transporter. Alors on ne sera pas surpris qu'on ne les trouve que pour les encadrements de portes et de fenêtres, et pour une maison d'habitation, pas pour un bâtiment agricole !

Alors pourquoi pas s'en remettre à observer les environs, ces vieux arbres au charme ondulant, ou s'attarder à admirer cette citerne encore parfaitement conservée et fonctionnelle, creusée dans le rocher et d'au moins 3 mètres de diamètre intérieur...

 

Les recensements n'indiquent de manière certaine des occupants au lieu-dit "Sur les Prés" que de 1861 à 1911, mais pour une, deux ou quatre "habitations", où prédominent en permanence des Genolin (de la branche des Pipaz). Il n'est toutefois pas exclu qu'un Grospiron fermier et sa famille, que l'on retrouvera par la suite, y ait demeuré dès 1841. En 1861 un Jean-Pierre Genolin [CI-5175] y habite avec certitude une maison du lieu. Il est chef de ménage (38 ans, marié, 5 enfants), de parents qui semblent venir d'une ferme du Solliet d'en haut, et précédemment de Chaudanne. En 1868 Joseph, frère de Jean-Pierre, demeure avec sa famille dans une habitation distincte au même lieu (si l'on en croit la numérotation des habitations). En 1872 le nombre d'habitations passerait à quatre, avec l'arrivée de familles Collet et Grospiron. Au recensement de 1911, ils ne sont plus que quatre à vivre à Sur-les-Prés, Elina Genolin, 50 ans, veuve Collet, et ses trois enfants dont une fille lapidaire dont on perdra la trace. Les deux fils, qui exploitaient la ferme au nom de leur mère, mourront à la guerre en 1918, l'un soldat, l'autre caporal, Morts pour la France (leurs tombes sont contigües au cimetière), avant même d'avoir eu le temps de se marier. C'est aussi la mort de Sur-les-Prés. Elina, qui avait vécu toute sa vie à Sur-les-Prés, se retire en 1921, seule dans une maison de Monnetier-le-Crêt, où elle décède en 1930.

Cette maison ne semblait pas encore exister en 1833. Par contre la feuille C3 des Plans Napoléoniens, mentionne "La Maison brûlée", presqu'au même endroit. On peut donc penser que, comme de tradition, une nouvelle maison a été reconstruite à une cinquantaine de mètres de celle qui avait été détruite, ici par un incendie, avec ré-emploi de ses pierres pour construire la maison neuve. Cette pratique justifierait que l'on ne trouve plus de ruine des murs de l'ancienne habitation...

 

En 1833, les environs étaient essentiellement couverts de bois blanc et pâturages, ainsi que de terres labourables. On a peine à l'imaginer aujourd'hui où tout est en forêt de hêtres mais les anciens (pas si vieux, même pas encore retraités...) se souviennent que de leur jeune temps ces coteaux n'étaient que prairies ! Il faut d'ailleurs bien que "Sur-les-Prés" justifie de son appellation ! Un autre fait le confirme : si l'on poursuit sa route sur le chemin, l'on rencontrera bien vite deux murgers, dont l'un assez gros, et comme il se doit, placé en hauteur, au plus mauvais endroit dirait-on aujourd'hui ! C'est qu'alors, chaque fois qu'il y avait un caillou, l'herbe ne pouvait pas pousser ! Un décimètre-carré pour la culture était toujours bon à prendre, et tant qu'à faire, au lieu de retirer les pierres et de les rassembler tout en bas à l'endroit le plus facile, les enfants devaient au contraire les monter en haut de la pente, là où l'on ne perdrait rien pour la culture !

Très les Etrés (A 181 et 178)

Passés ces deux murgers, signalons que l'on laissera certainement sans la voir sur notre gauche la ruine de la première grange ou loge de Très les Etrès. Bien vite en contrebas du chemin, à droite cette fois, on repèrera plus facilement les ruines d'un autre bâtiment agricole et/ou maison, qui est signalé aussi dès 1833 (A181 et A178 des plans napoléoniens). La particularité de cette seconde ruine est que l'un des murs, celui du côté est, se situe exactement au bord du vide de la pente abrupte ! Nul doute que ce choix soit volontaire. On peut penser qu'ainsi la neige du toit, si la pente en était de ce côté, était évacuée sans aucune manipulation ! On peut aussi remarquer l'existence d'un couloir extérieur au bâtiment, côté sud, entre deux murs empierrés parallèles, dont l'un est celui de la maison, l'ensemble formant un couloir qui débouche sur le vide (comme au Solliet du haut) et qui servait probablement aussi à y pousser la neige en l'éliminant sans trop d'efforts (ou à y entreposer le fumier...)


La seconde construction.
La neige permet de distinguer facilement l'ancienne disposition des pièces.
Au fond le reste d'un mur au bord du vide.
A droite un couloir qui débouchait aussi sur le vide, quand aucun arbre n'avait encore poussé en plein milieu !

La petite promenade est à son terme, et il faut faire demi-tour. Sinon, un très beau prolongement peut se concevoir en randonnée sur la Forêt de Champfromier, voire la Combe d'Evuaz, mais là il faut prévoir la journée.

 

 

Crédit photographique : G. Lancel (13/03/2011).

Première publication le 6 mars 2011. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

<< Retours : Accueil balades ; Accueil Maisons