Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
Le printemps, lorsque la végétation est encore couchée sous le poids des anciennes neiges, c'est le meilleur moment pour découvrir des ruines ou des vieux chemins, ou mieux observer les granges anciennes. Nous venons ainsi de trouver une nouvelle pierre à sel sur l'actuelle commune de Lélex, dans la Grange du Feniet.
Cet endroit situé à la limite sud du territoire de Lélex, en contre-bas de l'actuelle route départementale D991, est caché par un massif forestier. Qui aurait pensé y découvrir une pierre à sel ! De nos jours, on ne peut y accéder que par des chemins privés, sauf comme un pêcheur longeant la Valserine, à l'eau limpide et poissonneuse. Celle-ci s'écoule toutefois dans un lit bien réduit par rapport à la large rivière glacière ancienne. Et pourtant les propriétaires confirment que cette pierre est bien connue depuis au moins deux générations, pour être une pierre à sel. Elle est posée au bas de l'avancée du pignon nord, en façade de la grange. Ce qui sous-entend que les taxés du sel venaient s'approvisionner depuis Lélex (et non Chézery).
Jusqu'à la Révolution les moines de l'Abbaye de Chézery possédaient, attenant au sud de cet endroit, le "Moulin des Moines" et "Le Pré des Moines". Même si l'on n'en a pas retrouvé de preuves, il est fort probable qu'ils détenaient également ce Feniet et le terrain attenant, dont le nom évoque un fenil, une grange à foin [Voir G. Lancel, L'Abbaye de Chézery, p. 210-211, 369-371]. La grange au foin fut-elle détachée des anciennes possessions des moines, et alors aménagée en entrepôt pour la revente du sel au bénéfice de la gabelle ? C'est probable. Les assujettis auraient pu être les habitants de Lélex faisant alors partie de l'immense ancienne paroisse de Chézery.
Notons que dans la maison figurent encore des graffitis, qui sont donnés pour dater de la Seconde guerre mondiale. On semble bien y déchiffrer une inscription "Groupe décimé", portée sur un mur dans un coin d'une pièce située au fond de l'habitation. Près de cet endroit figurait un four à pain, intérieur à la grange et débordant sur trois pièces. Le graffiti trembloté aurait donc été une triste information destinée à signaler à des résistants de la région le triste sort arrivé à ceux qui se cachaient en ce Feniet...
Publication Ghislain Lancel. Crédit photographique : G. Lancel.
Première publication, le 5 avril 2022.Dernière modification, idem.