Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Carrière de pierre à plâtre, localisation et géologie

 

Dans l'introduction du livre sur Champfromier par l'abbé Genolin, publié en 1918, il est mentionné que, se trouvant en partie sur les communes de Montanges et de Champfromier, le sous-sol comporte "une couche puissante de gypse exploité anciennement par M. Crochet et, depuis 1882, par MM. Duclos et Coutier", précisant que l'on dit que le bénitier sculpté qui est à droite en entrant dans l'église de Nantua est en albâtre de Champfromier [Page X-XI de l'Introduction (Le bénitier est actuellement dans la chapelle Sainte-Anne, et l'exploitation par Maxime Coutier est un peu plus tardive)].

Précisons que le gypse, roche de qualité voisinant le calcaire à plâtre, se trouve géologiquement à l'étage du Trias. C'est la couche la plus ancienne à affleurer dans les environs. Il est attesté que ce filon était déjà connu aux temps de la Révolution, et qu'il était seulement accessible depuis Champfromier, mais qu'il était aussi connu des habitants de Montanges... Ceux-ci sont furent alors implicitement accusés par les habitants de Champfromier d'extraction sauvage de plâtre, sans profit pour les champfromérands, qui n'ont pas d'autres ressources...

Par la suite le gypse ne sera plus exploité que sur le territoire de la commune de Montanges, et plus aucunement à Champfromier !

 carrière de plâtre
La carte géologique témoigne d'un tout petit affleurement du Trias
La carte IGN de 1937 mentionne l'ancienne carrière et l'emplacement de l'ancienne et dernière usine, située près de la route et de la voie du tram.

Sur cette carte IGN de 1937, on remarque en pointillés, suivant un tracé en diagonale, la limite communale entre Champfromier (au nord) et Montanges (au sud), et les mentions des ancienne carrière et de usine à plâtre de Pré-basson (du temps de Maxime Coutier). Un chemin, parallèle au ruisseau de la Sandézanne, relie la carrière à la voie du tram, et à l'ancienne usine. Du temps du tram, un arrêt sur demande se faisait à Pré-Basson. La troisième et dernière usine de fabrication du plâtre à partir de la roche extraite, fut édifiée tardivement, après celle qui se trouvait au centre de la carrière (un fourneau) et celle qui lui succéda à Montanges/Trébillet en 1856.



Plan de la Voie du Tram en 1907, avec sa station de Pré-Basson, et l'usine [AD01, 5S 542]

 

Dès 1907, un argument de vente de l'usine de plâtre était la construction du chemin de fer d'intérêt local de Bellegarde à Chézery, "avec embranchement particulier à l'usine". On voit bien effectivement sur cette feuille de plan manuscrit, au niveau de l'usine (réorienté pour une lecture plus facile des principales mentions), que la voie ferrée (en rouge) change de côté par rapport à la chaussée pour passer au plus près de l'usine. Le tram n'y faisait qu'une simple halte. Y faire une halte, signifiait que le tram ne s'y arrêtait que s'il voyait quelqu'un levant le bras à proximité (ou peut-être un wagon à prendre en charge)... On voit sur le plan qu'un PN (Passage à Niveau) est positionné aux deux endroits où la ligne ferrée traverse et retraverse la chaussée routière (le chemin de grande communication n° 14). Par passage à niveau, il ne faut pas s'imaginer que se trouvaient là des barrières, mais que les rails devenaient en creux en traversant la chaussée, et que les éventuels automobilistes passant par là en étaient prévenus par un panneau sur lequel était inscrit ce simple mot, "ATTENTION" ! En effet, ces rails étaient glissants par temps humide. Enfin, par mégarde ou ennui mécanique, un tram ou un wagon pouvaient se trouver immobilisés sur la chaussée !

La carrière, territoire de Montanges, en 1833

carrière 

Sur ce plan cadastral de Montanges (1833), on voit bien en rouge la limite communale avec Champfromier,
le "ruisseau de Communal" (la Sandézanne) qui a été dévié en un canal arrivant au bâtiment de traitement (A1380, dans la grande parcelle A1379),
et un chemin en pointilliés finissant en se tortillant autour du ruisseau

En 1833, la partie principale de la carrière se situe très largement sur la commune de Montanges. Les parcelles A1375 à 1382 appartiennent alors toutes à Louis Joseph Stanislas Marinet, avocat à Ballon. Notons en particulier qu'il possèce la maison et bâtiment A1376 (aux Quarts, au bas de l'extrait de plan ci-dessus) de 500 m², et, au lieu-dit La Platrière, la maison A 1380 de 430 m² à 5 ouvertures fiscales (doublée d'une plus petite sur le plan), dite "Maison d'habitation ; fourneau ; fabrique de plâtre".

 

Retrouver la carrière de nos jours

L'entrée de la dernière galerie, qui n'était fermée que par une tôle, a été obstruée avec un gros engin de chantier en septembre 2011. Néanmoins, il est toujours possible de retrouver l'emplacement de l'ancienne carrière : depuis la D 14, au niveau de Prébasson (stade de football à la limite communale entre Montanges et Champfromier) prendre à pied le chemin au niveau de la maison. Aussitôt un petit pont nous fait passer sur la rive gauche de la Sandézanne. La suivre durant un petit quart d'heure, en prenant d'abord à droite après la paroi à la verticalité impressionnante. Finalement il faudra la traverser (petit pont, au niveau de Châtey) et prendre aussitôt à gauche au Y. On longera alors bien vite sur la gauche l'ancienne carrière à ciel ouvert, de nos jours marécage où la prêle abonde. Poursuivant sur le chemin, après le virage à gauche, l'entrée de la galerie était sur la droite. Signalons que peu avant le dernier pont, un petit banc de gypse pur affleure en travers du chemin, et luit de sa belle blancheur après la pluie !


Trois variétés du gypse de Pré-Basson (violacé, veiné et albâtre cristallin banc)

 

Publication : Ghislain Lancel. Remerciements : IGN (carte géologique et EM 1937), Michel Blanc (cahier manuscrit des plans de la voie du Tram), Georges Duraffourd (souvenirs du tram).

Première publication le 10 juillet 2013. Dernière mise à jour de cette page, 03/05/19.

 

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