Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Cahier de comptes du forgeron (1906-09)

 

François Humbert, est né en 1880 à Montanges, où il exerça avec son frère le métier de forgeron. On dispose de leurs deux livres de comptes, l'un chronologique et l'autre ayant une page par client. Maxime Coutier, propriétaire de l'usine de plâtre de Montanges, est un client à part. Ses comptes sont en fin de registre (pages 356-359) et couvrent les années 1906 à 1909.

Sa lecture, outre les tarifs, nous laissent entrevoir les activités du quotidien dans la carrière et l'usine de plâtre (mèches à percer, réparations de wagonnets, etc.), les travaux occasionnels (réglage des vannes par grosses pluies) et ceux uniques ou presque (remplacement d'une roue de 300 kilos). On façonne, on répare sans jeter. Tout se forge sur place sans exclure les travaux qui en d'autres temps incomberont à d'autres corps de métier (menuisier, agent d'entretien). Comme on sait tout faire, on le fait !

Livre de compte (1906-1909)

Dans ce compte Maxime Coutier, on relève évidemment des travaux courants : 12 manches de pioche et masse 10 fr, une pioche aciérée des deux bouts 2 fr, réparation d’une casserole 0,75 fr, raciérage de deux pinces 14 fr, etc.

D’autres travaux du forgeron (et de son frère) sont spécifiques aux carrières de plâtre : 2 curettes pour mineur 5 fr, réparation de rails 10 fr, réparation de 25 mèches à percer la pierre 8 fr, réparation de deux wagonnets 12 fr, quatorze servants pour maintenir les rails sur les traverses 5,70 fr, réparation de machine à cliquet servant à percer la pierre à plâtre 8 fr, quarante centimètres d’acier barre ronde travaillée pesant 1,500 kg pour 7,75 fr, une vis taraudée à 6 cm de longueur 3,75 fr, affûtage de scies, et de ciseaux et bédanes, et fer de varlope 17,50 fr, une journée à l’usine de Prébasson pour réparation mécanique 8 fr (en 1908).

Une page entière détaille certains travaux, dont le premier semble bien être le remplacement de la roue hydraulique à aubes (300 kg) qui était sur un bief de la Sandézanne  :

"Travail fait en 1909 pour Coutier Maxime : Allé couper un gros chêne dans sa forêt, le descendre à l’usine à bras avec une charrette, le débiter à la scie à ruban, le remonter chez nous ; servant à faire une roue de transmission pesant environ 300 kg. Démonté la vieille et placé la neuve prête à fonctionner : deux journées à trois hommes pour tout le travail de la roue. Il se monte à 180 fr."

"Un deuxième chêne coupé dans sa forêt, le descendre à bras et le débiter à la scie à ruban pour faire une grande porte de cour ou grille, 30 fr.

Un troisième chêne, le même travail, débité pour faire une caisse de wagonnet, 30 fr.

Débité à ma scie à ruban une perche pour faire une échelle et les barreaux, pour s’en servir dans le tunnel, et prêté une tarière que l’on m’a cassée, le tout 8,50 fr.

Et coupé quatre équerres en tôle, et les percer, vingt-cinq boulons, 12 fr.

Trois journées pour vider et nettoyer le barrage, brasser l’eau par moments, …?, 30 fr.

Trois journées pour réparer le chemin de la carrière à l’usine, 30 fr.

[…]

Quarante francs par année pour être chargé de lever la vanne de l’écluse de Prébasson en cas de grosse pluie, donc quatre années : 120 fr.

[…]

Une demi-journée pour aller chez vous pour prendre les mesures pour faire les lames pour votre poissonnier, 3 fr.

Une demi-journée pour le nettoyage d’une table, 3 fr.

Tournage d’une grosse rail pour servir à maintenir le créneau qui conduit l’eau sur la roue, 5 fr."

 

Epoux de Joséphine Coutier [CI-6718], François Humbert s'établira ensuite à Champfromier. Ils eurent des jumelles, dont l’une, Félicie Humbert, est la mère de François et Jean Coudurier de Communal. Mort pour la France le 8 juillet 1915, le nouveau forgeron de Champfromier cessa donc bien vite son activité.

 

Publication : Ghislain Lancel. Remerciements : Jean Coudurier (Livre des comptes).

Première publication le 17/01/2024. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

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