Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Recensement de 1841

 

Le recensement de 1841 qui figure en mairie (et qui est aussi celui proposé en ligne sur le web par les Archives départementales) n'est pas d'une grande exactitude. Il n'est ni signé ni daté. Les erreurs de numérotations, les lacunes n'y sont pas rares. La population est dite de 1160 individus. Elle est consignée sur 1120 lignes, y compris 3 lignes intercalées, une ligne pour le Lieutenant des douanes et une autre pour les 42 individus des familles de la brigade des douanes, sans aucun nom ! A contrario, quelques enfants semblent comptés en double, une fois chez les parents et l'autre fois chez une nourrice ou des grands-parents. La population totale réelle serait de 1161 individus (1118 + 43 douaniers).

Observations

La première colonne, du recensement papier, est celle de la Numérotation individuelle. Compte tenu des lignes intercalées elle devient légèrement fausse au cours des pages. Ce recensement ne prévoyait pas d'indiquer les noms des rues ni des lieux-dits des habitations isolées, mais la deuxième colonne est celle de la Numérotation des rues et hameaux ! Pour Champfromier, on trouve donc confusément quelques mentions de hameaux, en marge (Communal), en ligne (Monnetier) ou en haut de page (Evuaz), et des numérotations commençant ou recommençant à 1 pour le village (488 individus, incluant le Bordaz et Communal, mais sans compter les 43 des douanes), puis Monnetier et les granges en dépendant (456 individus) et enfin Evuaz et ses granges (174 individus)... Là aussi la numérotation du village est fausse – elle est d'ailleurs signalée en marge "Ici commence une erreur commise dans le chiffre") –, sautant de 102 à 203 ! La troisième colonne, Numérotation des ménages, est à peu près correcte, encore faut-il la comprendre comme numérotation des 236 maisons de la commune et non des ménages puisque l'on y trouve souvent un fils marié, y vivant avec femme et enfants... Les colonnes des Noms de familles et prénom, outre l'orthographe (Jullien, Silvie, Julle, Jaques, Josephte, etc.) voient souvent rajouté au prénom du premier nommé le complément du nom de la famille (nom composé, surnom), par exemple Mermet et Claude Jeunesse pour la famille Mermet-Jeunesse, le complément ayant parfois été rajouté d'une autre encre. Certains prénoms manquent (comme les trois filles Bornet/Collet) ! La colonne des Titres est particulièrement confuse, mélangeant les fonctions professionnelles et les liens familiaux. Après le chef de famille, qui ne se devine que par sa position en premier de maisonnée, et pour qui la profession est indiquée (souvent Propriétaire cultivateur), suivent fréquemment Sa femme, puis son fils, et parfois à nouveau une mention de profession (présumée pour le fils aîné) suivie elle aussi de Sa femme et de leurs enfants, ou de tous les enfants du même toit non mariés réunis, ce qui ajoute à la confusion, sans parler des "grand-père" et "aïeul" ! Les six colonnes d'Etat civil par sexe, suffisamment précises pour les individus mariés ou veufs, présentent, en l'absence de colonne d'âge ou de date de naissance, une grande imprécision pour les "Garçon" et "Fille", confondant enfant et célibataire... On trouve parfois dans la dernière colonne des compléments particuliers (Aliéné, Enfant de l'hospice de Lyon, etc.) Pour le grand-père des filles trois filles Bornet/Collet sans prénom, lequel est rajouté dans une ligne intercalée, on ne sait donc pas si c'est lui qui est aveugle ou si c'est la dernière des filles.

Itinéraire du recensement

Tentons de reconstituer l'itinéraire retenu par le rédacteur du recensement, le probable secrétaire de mairie. Les premiers habitants recensés semblent curieusement être ceux de granges isolées (Sous-Balme, Collet, etc.) Peut-être ces familles sont-elles de celles qui ont deux habitations, l'une en été et l'autre en hiver. Ils auraient donc eu un domicile Rue de la Fruitière, comme les recensés qui les suivent, en allant du sud au nord. Vient ensuite le quartier du Vieux-Bourg puis la descente par l'actuelle Rue de l'Eglise, puis cette rue proprement dite du nord au sud, et arrivant ainsi naturellement aux maisons de la Caserne, l'ONU (déjà mais avec pour lors un cultivateur), le cabaret à l'emplacement de la futur Poste, les maisons de la montée des écoles (avec le maréchal), et une maison indéterminée ainsi que le logement des religieuses. Vient ensuite le Bordaz, et les granges située après ce hameau. Puis l'on arrive à Communal par l'actuelle Rue du Dière. C'est ensuite la rue du Clos de l'Epine qui est recensé, puis la rue des Sanges jusqu'à la Frache, puis des granges isolées (Pré-Grevet, etc.) et enfin le Collet (qui est considéré avec Communal), du nord au sud. Vient ensuite Monnetier, en commençant par les maison voisines du Pont d'Enfer et de la rue de Ménéchar. Suivent les granges éparses de Domplomb, Chaudanne, Serraz, etc. qui permettent de revenir au Crêt par le Chemin du Poisey. Le Crêt s'achève par la Rue du Lapidaire qui permet de rejoindre l'entrée de la Rue du Bas. Vient ensuite Monnetier-Rue jusqu'au Châtelard. L'itinéraire se poursuit par les abords de Moulin-Dernier, incluant Sous-Berny et le Croisonnier, puis Conjocle. On remonte ensuite vers les granges du Potachet, et vers Sur les Prés. La Combe d'Evuaz semble abordée et remontée par le sud-est (Sauges, Buclaloup, Golet des Murs, etc.) jusqu'au Bief-Brun, puis redescendue depuis le nord-est depuis le Pré-Caillat jusqu'à la Combe-Bandit, et finissant par les Ramas.

Répartition géographique

Ce recensement seul ne permet pas de cerner avec précision la répartition géographique des habitations. Néanmoins, il apparaît que le "village" ne représente qu'une faible partie de la population totale, soit 230 des 1160 individus recensés. Sous réserve de vérification plus fine, les populations éparses seraient de 93 habitants au Bordaz, 165 habitants à Communal,  456 habitants pour.Monnetier et ses environs,  174 habitants pour Evuaz et ses environs, habitants auxquels s'ajoutent 43 personnes de familles de douaniers (10 hommes, autant de femmes, les autres étant des enfants, sinon des célibataires) dont l'hébergement est certainement dispersé dans la commune.

Nombre moyen d'habitants par famille

Le nombre moyen d'habitants par famille, ou par feu comme on disait sous l'Ancien Régime, est de 4,67. Ce sera le plus élevé de tous les recensements de Champfromier jusqu'en 1868. Globalement, de même que pour la population totale, ce nombre sera décroissant pour atteindre la moyenne de 3,08 habitants par famille en 1968 (avec le minimum absolu aussitôt après la Seconde guerre mondiale, avec 2,93 en 1946). Voir la synthèse générale en page accueil.

Noms, prénoms et surnoms, origine

Six familles ont plus de 50 représentants de leur patronyme ; elles totalisent environ 600 individus, soit plus de la moitié de la population de la commune. Les Ducret, plus de 200 individus, pourraient presque habiter à eux seuls toute la partie centrale du village ! On se marie donc sans aller chercher bien loin. Le recensement estime bon de préciser, en note des compléments, que Judith Bornet, domestique à Communal, est "d'une commune étrangère" ! Pierrette Blanc, à Evuaz, dont le nom est pourtant très connu dans la région, est "Etrangère", sans précision.

Bornet : 68 ; Coutier : 56 (dont 33 à "Monnetier etc.") ; Ducret : 205 (dont plus de 150 à Monnetier) ; Genolin : 72 (dont 63 à Monnetier) ; Julliand : 95 (dont 46 à Communal, et probablement quelques Julliard de plus, orthographiés différemment) ; Tournier : 103 (dont 49 "agglomérés").

Les prénoms féminins (553) ne sont guère originaux, 54 Françoise, 53 Jeanne et 139 Marie ! Agathe et Claudine font preuve d'originalité ! Les prénoms masculins (566), compte tenu des nombreux individus ayant le même nom, sont un peu plus variés, André, Antoine, Auguste, etc., mais on compte tout de même 102 François, 121 Jean et 60 Joseph. Evuaz se distingue par des prénoms un peu plus inattendus, ou (très) mal orthographiés... : La Divine, Ludivine ? Naturellement le prénom mentionné dans ce recensement est le prénom alors courant, il ne se retrouvera donc pas toujours rigoureusement dans l'état civil, ou même pas du tout, ou ne sera que l'un des deux ou trois prénoms mentionnés dans l'acte de baptême, ou changera à l'occasion d'un mariage en secondes noces... Signalons aussi la fréquente variante féminine, Josephte pour Marie-Joséphine.

Ces prénoms, d'inspiration religieuse, ne font pourtant que peu de référence au saint patron local, Saint-Martin d'Auxerre, avec seulement 16 baptisés Martin (et aucune Martine). Le saint de la petite chapelle du village, St-Julien, est bien plus honoré, avec 34 "Jullien" et 28 "Jullienne". Par contre la venue à Champfromier, le 16 octobre 1605, de Saint-François de Sales, évêque et prince de Genève, continue deux siècles et demi plus tard à générer des François et Françoise en grand nombre, plus de 150 !

Malgré des prénoms peu variés, la différentiation des individus pour les familles les plus nombreuses était toutefois facilitée – du moins pour les initiés – par les compléments de noms (noms composés plus ou moins officialisés qui semblent associer le nom d'épouse d'un ancêtre, à la manière de la petite noblesse) : Mermet-Jeunesse, Coutier-Rey, etc.

La terre, rien que de la terre !

En cette année 1841, l'agriculture est de très loin la principale source d'activité. Parmi les 351 personnes dont le métier est précisé, on relève 183 propriétaires-cultivateurs (ou propriétaires-cultivatrice), 32 cultivateurs (ou cultivatrices) et 36 fermiers (au service d'un propriétaire), soit un total de 80 % des actifs. Encore faut-il certainement y ajouter une bonne partie des 10 "Propriétaires", des 36 domestiques et des 2 journaliers, hommes et femmes ! La terre étant exploitée, il est tout naturel de compter 5  meuniers, répartis dans les divers hameaux de la commune. A part travailler dans les douanes (c'est le cas pour un lieutenant et au moins 10 hommes), de quoi pouvait-on aussi vivre à Chamfromier ? Curieusement il n'y a aucune allusion aux activités forestières (on note tout de même deux gardes forestiers, tous deux du nom de François Tournier). Aucun indice non plus de lapidaires ou d'activités en rapport avec la taille des pierres précieuses à domicile. Aucune de mention non plus de fromageries, elles ne viendront que bien plus tard.

Par ordre alphabétique des autres métiers, certains complétant celui de propriétaire, on relève : Cabaretier (2), cantonnier (3), compagnon (1), cordier (1), cordonnier (2), couturière (4), marchand (5), maréchal (2), menuisier (1), ouvrier (2), sage-femme (1), tisserand (3), tourneur (1), indigent ou infirme (3), enfin sans profession (1) ! Le curé, le vicaire et l'instituteur sont voisins, près de l'église. Deux religieuses de St-Joseph sont probablement institutrices des filles. On relève aussi 5 enfants en nourrice, tous provenant des hospices de Lyon, et quelques autres des hospices ou de la charité, déjà domestiques...

Conventions pour le fichier de ce site

La numérotation individuelle a été corrigée (en conséquence des lignes intercalées postérieurement à la numérotation du document). Le numéro de maison est celui dit des Ménages dans le document original. Le (vrai) numéro de ménage n'a pas été recherché. Les notions de nom, de métier et de lien familial étant mélangées (du genre Coutier ou Coutier fils, cultivateur ou sa femme, etc.) elles sont rectifiées dans le fichier informatique. L'Etat civil a été regroupé : M pour Marié(e), V pour Veuf(ve), G pour Garçons (enfant ou adulte célibataire !) F pour Fille (avec la même imprécision...) Rappelons que ce qui précède un signe = est un complément proposé pour une meilleure compréhension (Chef=).

Code d'Identité (CI) et standardisation des noms

Le Codes d'Identité est un numéro arbitraire (mais unique) attribué à tout individu né à Champfromier. Il permet donc de faire très facilement le lien avec le fichier des naissances, et tous les autres). La recherche des CI dans ce premier recensement, par comparaison avec l'ensemble des recensements et le fichier des mariages, celui des naissances et parfois celui des décès, a permis de corriger quelques erreurs sur les noms (en particulier quelques noms de jeune fille), d'identifier les prénoms (en plaçant avant le signe = celui qui est choisi), de fournir l'année de naissance de très nombreux recensés et donc de donner un âge aux recensés ! Cette technique fastidieuse est toutefois restée sans grands résultats en ce qui concerne Evuaz, car y figurent de nombreux fermiers ayant une présence très courte sur ces terres, et que ceux-ci sont souvent originaires, pour l'un au moins des époux, des village voisins ou du Jura.

Cette recherche a aussi permis de déterminer de nombreux prénoms usuels (mis entre crochets [...] dans le fichier des naissances) et de préciser la localisation des habitations recensées.

Les lacunes de prénoms (parfois aussi de nom d'épouse) ont été partiellement comblées en utilisant les registres d'état civil. Pour la standardisation des noms, certaines corrections ont été apportées, comme Grand Clément au lieu de Clément, Jacquinod Carry au lieu de Carry, etc. (ce qui modifie notablement les tris alphabétiques). Les noms composés (surnoms), lorsqu'ils ont été retrouvés (Ducret Combet, Ducret Humbert, etc. ) ont été retenus, ce qui une nouvelle fois modifie les tris alphabétiques.

 

Remerciements. Réalisé en mairie de Champfromier par Ghislain Lancel durant les années 2007/2008. Remerciement aux deux secrétaires de mairie, pour leur accueil toujours bienveillant.

Dernière mise à jour de cette page, le 20 décembre 2009.

 

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