Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL |
C'était le 31 mai 1937 Dès le lendemain un service d'autobus remplacerait le Tram... Après la réalisation de nombreux ouvrages, dont certains spectaculaires pour l'époque (comme le Pont des Pierres, et seulement 25 années d'exploitation, c'en était fini du Tram. Un service commercial déficitaire (peu de voyageurs, et pour le transport des matériaux, les camions avaient déjà pris le relai, comme pour le bois de la scierie de Champfromier), et pour diverses autres raisons, le "Chemin de fer d'utilité publique" disparaissait.
Pour ce dernier trajet, à bord, quelques personnes, des femmes avec un bouquet de fleurs. Devant la machine, le drapeau Français. C'est tout. Sauf qu'un photographe était quand même là pour témoigner de ce triste moment.
Accrochée à l'avant du tram, on remarque une boite à lettre qui servait pour la poste... Il arrive que les cartophiles tombent sur un cachet ambulant, ure rareté !
On connait quelques variantes de ce cliché, dont l'une avait été reprise pour le mois de décembre d'un calendrier édité par le photoclub de la MJC de Bellegarde en 1994. Chacun des autres mois porte une magnifique reproduction de carte-postale montrant tous les lieux parcourus entre Bellegarde et Chézery.
Plusieurs frères Duraffourd travaillèrent pour le tram. D'après le recensement de 1926, les quatre frères aînés "Duraffour" de la Chaudanne (Champfromier) étaient employés au Tramway BC (Bellegarde-Chézery). En 1931 ils n'étaient plus que deux à y exercer un métier en rapport avec le tram, Maxime et Laurent, comme employé et manoeuvre. Mais de mémoire familiale, Laurent n'a jamais travaillé pour le BC, et il manque de préciser qu'un cinquième frère, Félix-Eugène, lui, travaillait à l'usine de Sous-Roche, qui produisait l'électricité pour le parcours du tram. Après le dernier trajet, Edmond et François furent affectés à l'usine électrique de Sous-Roche, qui continua à produire de l'électricité.
Pour la commune de Champfromier, qui s'était fortement investie dans la création de cette ligne, y compris par une forte participation financière, cette fin d'exploitation fut une grande déception. Mais sur le moment il y eu peu de remous. Marius Chapuis, maire de Champfromier, informé des pourparlers ayant pour objet de remplacer la ligne du Tram par un service d'autobus, convaincu par les arguments avancés sur les glissements de terrain à Lancrans, les pertes financières qui atteindraient 300.000 francs pour cette année 1937 et les garanties apportées par un service d'autobus aux mêmes tarifs, donne lors de sa réunion du conseil du 2 mai 1937 un avis favorable à ce remplacment. Le 1er juin la ligne d'autobus est inaugurée, on craint des émeutes, notamment par les membres du Comité qui s'était constitué contre la disparition du Tram. Mais aucune manifestation. L'Avenir Régional commente dans son édition du 10 juin 1937, par la plume de notre chroniqueur et humoriste local L. Desvignes "Il faut croire qu'en haut lieu on avait des doutes sur l'enthousiasme de la population, car la gendarmerie motorisée et la garde mobile étaient convoquées pour assurer ce qu'il est convenu d'appeler l'ordre. L'ennemi était d'autant plus à craindre qu'il s'est obstiné à rester invisible. Pas le moindre bolchevik à l'horison. De cette tartarinade, il ne restera que le souvenir, la risée des montagnards de la vallée, et la note à payer".
Mais le temps passant les rancœurs et les déceptions s'exprimeront. La Seconde guerre mondiale arrive, les allemands récupèrent les rails. Le 21 juin 1950, alors que la guerre est terminée depuis longtemps, le conseil minicipal déplore les inconvénients du service des autocars, tant pour le transport des voyageurs que pour le courrier, déplore que le tramway qui a fonctionné normalement jusqu'à fin juin 1937 ait été supprimé par décision arbitraire, rappelle que la commune avait participé à hauteur de 282.000 francs pour achat de matériel, somme considérable pour l'époque, que le matériel roulant a été liquidé en 1937 sans que la commune en ait eu connaisance, que de 1937 à 1943 le tram fut correctement remplacé par un service de cars avec 4 départs journaliers, mais qu'ensuite, en raison du manque de carburant durant la guerre, plusieurs suppressions de services avaient été opérées, mais que maintenant que le carburant est redevenu libre, les promesses ne sont pas tenues, qu'une lettre met 3 jours pour faire les 12 km entre Champfromier et St-Germain-de-Joux ! [AC Champfromier, RD16, f° 124].
Remerciements : Michel Blanc (Crédit photographique des clichés de W. Graber et localisation) ; Eric Toiseux (commentaires), MJC de Bellegarde (Calendrier 1994) ; Georges Durrafourd de Montanges (souvenirs et identification des personnes photographiées).
Première publication le 15 mai 2012. Dernière mise à jour de cette page, idem.