Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Les Géorennes

 

De nos jours le site des Géorennnes (Champfromier, Ain) n'est plus connu que par son camping où de nombreux vacanciers viennent profiter du cadre, de l'air pur et parfois aussi de ses hébergements insolites (nuits sous bulles, etc.), et par la Vierge qui domine le village de Champfromier.

Bulle camping Champfromier
Une bulle, pour une nuit insolite ! (3/10/2013)

En Jouraine, un vaste territoire sans usage

Jadis le lieu-dit des Géorennes recouvrait une vaste zone, de plus de 75 hectares, compris, approximativement, entre l'actuelle route des Burgondes (sauf le Niézelet, où fut construite l'usine MGI-Coutier) et la proximité de la Valserine d'une part, la rivière de la Volferine passant au Pont d'Enfer et la commune de Montanges d'autre part (Cadastre, Feuille D1 de 1833). Globalement, ces terrains crevassés de lapiaz de toutes tailles, et où ne poussent principalement que les buis, n'avaient guère d'utilité pour un usage agricole. Toutefois quelques chèvres broutaient dans les communaux, quelques parcelles agricoles étaient exploitées vers le sud et le rouissage se pratiquait en bordure de la Valserine. Il n'y avait aucune habitation. Ce toponyme de Géorennes est le seul du département de l'Ain. Il relève de la sous-catégorie des phytonymes (se rapportant à la végétation). De fait, les étymologies lui donnent le sens de "petite forêt", et surtout de "lieu plein de broussailles" (1).

C'est en 1701 que l'on trouve la première mention concernant l'une de ces petites parcelles labourables, la terre du "Champs de Jourannaz" appartenant à un Marcellin, laquelle était alors ensemencée en froment [3E3892b, f° 39v]. Les variantes graphiques sont nombreuses : "En Jourraine, En Jauraine, En Jourainaz, Jourainoz, Jorene", etc. La graphie "Les Georennes" n'apparaît qu'à partir de l'état des sections de1833.

Le deux Vierges des Géorennes

Les Géorennes forment un massif légèrement surélevé par rapport au village. En ce même XIXsiècle les curés y virent en bordure un emplacement idéal pour y placer une statue de la Vierge. La première statue de "La Vierge à l'Enfant" fut sculptée par Cubizol en 1856, en l'honneur de Marie, après la proclamation par Pie IX du dogme de l'Immaculée Conception (8 décembre 1854), lequel déclarait que la mère de Jésus était exempte du péché originel. Dégradée, elle fut remplacée par la copie actuelle, inaugurée le 13 octobre 2002 [RD22, p. 129]. Les anciens la trouvent moins élancée... On pourra comparer en observant une carte postale de la première statue, vers 1910 (2). Des processions du 15 août (jour de l'Assomption, jour où la Vierge monte au ciel) furent assidûment suivies jusqu'à la Première guerre mondiale, et même la Seconde guerre. Voir des photos sur plaque.

Un éclairage permanent est réalisé en 1997 [RD21, p. 205]. Depuis cette date, chaque nuit, tout le village peut voir la Vierge illuminée.

Le renouveau des Géorennes

Il va sans dire que, jadis, ce terrain n'était que le refuge de quelques bêtes sauvages. Nul n'ignore la "Fontaine au Loup", que de nos jours on n'appelle plus que la "Gouille (mare) au Loup". Elle est signalée en 1825 dans les registres de délibération [RD 08, f° 16v]. Un loup y fut encore vu en 1953. Les vipères étaient nombreuses dans les lapiaz.

Au XIXsiècle le banc de calcaire compact se trouvant sous les lapiaz de surface des Georennes fut un moment exploité, pense-t-on pour y tailler les lavoirs. A l'arrière du camping, l'on voit encore parmi les buis les emplacements de petites carrières et des traces de trous de barres à mines. Des déchets de taille furent utilisés au siècle suivant pour rehausser le niveau du sol des habitations situées en contre-bas près du rond-point.

Les registres de délibération témoignent qu'encore en 1882 on ne se préoccupait de ce lieu qu'en tant que parcours (lieu de pâturage sur les terrains communaux). Le conseil prie alors son administration supérieure (le préfet) "de lui accorder l'autorisation de faire pâturer le bétail" dans divers cantons, dont celui des Géorennes, ainsi que de "l'arrachage à la main de l'herbe qui se trouve dans les clairières de la forêt" [RD12, p. 21]. La même demande est reconduite annuellement en 1883, 1884, 1885, 1886, 1887 et 1888. Certains communaux étaient cultivés. En 1913 celui des Géorennes, dont le sieur Corbet avait précédemment eu la jouissance, est attribué à Nestor Dujoux (et celui voisin du Nezelet, en deux parcelles, à François-Edgar Ducret) [RD14, p. 32]. En 1952, une ancienne "couture", précédemment occupée par Mme veuve Léontine Ducret décédée, est transformée par la municipalité en pépinière forestière. C'est Hubert Molard, ex-garde forestier, qui s'occupera de la création de cette pépinière de résineux. Quatre sapins (4 m3) sont vendus en 1978.

Les constructions voient le jour après la Seconde guerre mondiale. La maison d'habitation de M. Eugène-Alphonse Ducret, au lieu-dit Réret, avait été incendiée par les Allemands en avril 1944. Il demande alors que la commune lui cède une parcelle de terrain communal de 6 ares pour y construire sa nouvelle demeure. Le conseil lui accorde effectivement ce terrain dans l'immense parcelle D 252, au prix de 5 (francs ?) le mètre-carré, et il sera borné [RD15, p. 75]. Certaines personnes avaient aussi construit sans se soucier d'une quelconque autorisation. En 1964, Joanny Mermet en a le remords. Il demande au maire de régulariser son "ancienne usurpation de terrain communal". Il y possède en effet un garage qui fut édifié en partie sur ce terrain communal (aussi D 252) par un précédent propriétaire. Il sollicite ainsi l'achat d'un terrain de 270 m² (!) mais propose aussi d'en soustraire et remettre à la commune une bande de 63 m² située en bordure d'un chemin communal pour faciliter l'entrée des véhicules dans un local communal. La commune accède à la demande, au prix de 0,25 francs le mètre-carré [RD17, p. 202].

En 1980, André Coutier maire, la municipalité examine la possibilité de créer un lotissement qui pourrait comprendre 3 lots. L'étude du projet est confiée à M. Olmi [RD19, p. 91 et 93]. En octobre, le projet se précise. Pour une meilleure distribution des parcelles il est convenu d'acheter 100 m² de terrain à Maurice Grenard. Ce projet est adopté en complément de la parcelle D59 (4.543 m²) en 3 lots, avec accord du préfet en date du 11 février 1981, puis recherche de subventions [RD19, p. 99, 100, 104 et 113]. Priorité est donnée à M. Valençon, qui adresse la première demande pour la troisième parcelle (puis le lot n° 2). Jean-Roland Ducret (bien vite remplacé par Christian Nicollet) et José Escribano obtiennent leurs permis de construire en juin 1981 [RD19, p. 126 et 129]. L'électricité arrive en juin 1981. La municipalité chiffre le total des travaux (voirie, eau potable, électricité, etc.) à 92.300 francs (soit un prix de revient de 20,50 F/m²), plus une somme de 20.000 F d'imprévus, et fixe le prix de vente à 25 F/m² [RD19, p. 130, 132]. Par délibération du 23 avril 1982, les trois lots sont attribués [RD19, p. 158]. Il n'y a plus qu'à construire.

En 1988, la commune émet un avis favorable de principe pour la vente de terrain communal aux Etablissements Coutier, puis une nouvelle aliénation du terrain communal au profit de M. François Mairet, pour y construire une maison [RD20, p. 94 et 97].

Un camping créé en 1977

Dans le cadre d'une action entreprise avec le concours du C.D.A.R., André Coutier ayant été élu maire en mars 1977, le Conseil municipal envisage dès le mois de novembre l'aménagement d'un terrain de camping, qui n'est encore dit que "sauvage", sur le terrain communal de Georennes. L'aire du camping sera à aménager par les cantonniers. Dans un premier temps, l'eau pourrait être amenée par tuyaux au sol [RD19, p. 8]. L'année suivante, l'idée vient d'améliorer encore ce camping et de profiter d'une subvention de 75 % sur le montant des travaux pour le faire classer en 1, 2 ou 3 étoiles. Mais il faudrait un régisseur, du personnel d'entretien et prévoir d'équiper le camping en eau et électricité. Le problème le plus délicat est celui de l'assainissement, en raison de la nature rocheuse du sol... Aussi le Conseil municipal décide de rester pour un temps sur le projet de camping sauvage [RD19, p. 42]. En février 1979, un devis (Grossiord) est adressé, avec les montants hors taxe de 13.000 francs pour l'eau et 4.500 francs pour les égouts. Le Conseil préfère alors envisager une installation plus complète, subventionnée [RD19, p. 47]. De fait, au mois de décembre le Conseil reçoit une ébauche de projet du terrain faite par la Direction Départementale de l'Agriculture, avec subvention et emprunt au taux réduit de 7,5 % sur 20 ans [RD19, p. 71]. Finalement le 18 janvier 1980, le Conseil adopte un projet montant à 250.000 francs (dont 32.000 francs de subvention départementale, 50.000 francs par le Ministère de l'Agriculture, et le reste par un prêt de la C.N.C.A.) et la préfecture donne son accord le 8 avril [RD19, p. 76]. Suite à la visite d'un membre de la Délégation Départementale au Tourisme, la subvention du département se monte à 60.000 francs [RD19, p. 82]. En septembre, l'architecte Ruby adjoint un bloc sanitaire au projet de permis de construire [RD19, p. 95]. Le camping est électrifié (avec le lotissement) en juillet 1981 [RD19, p. 136].

L'ouverture du camping se fait le 15 juin 1982, avec pour gérante, Mme Gisèle Vaillant [RD19, p. 167]. La promotion du camping intervient en 1987. Le conseil mandate la SEMIVALBE pour procéder à la promotion et à la commercialisation des prestations de séjour au camping. La commune participera à hauteur maximale de 7.028 F pour un document de promotion des campings-caravanings dans le bassin Bellegardien [RD20, p. 62]. L'emploi du gérant est à caractère saisonnier. En 1988 les conditions d'emploi et la rémunération sont à l'étude. L'indemnité de responsabilité du régisseur de recettes du terrain est fixée à 240 F (les fonds maniés étant supérieurs à 12.000 F) [RD20, p. 94]. Des caravanes de personnes travaillant sur le chantier de l'autoroute sont installées au camping. Il est décidé de maintenir le tarif de 175 F par semaine et par caravane ou camping-car, durant la saison estivale 1988 (du 15 juin au 15 septembre) [RD20, p. 97].

En septembre 2007, la municipalité mentionne dans ses travaux une borne camping-car à installer, financée par la CCBB [RD24, p. 16]. C'est après le départ à la retraite de Monique Harpin en 2013 que la commune confie la gérance du camping à Mickaël Chavrier, qui innove avec des hébergements dans des bulles transparentes. Eric Destaing prend le relai pour peu de temps en 2018. Depuis 2020, Diane et Fabien font revivre le camping, ajoutant une petite restauration accessible à tous, et bien sympathique !

 

 

(1) Ghislain Lancel, Microtoponymes de Champfromier (2015), p. 97.

(2) Ghislain Lancel, Cartes postales anciennes de Champfromier (2016), p. 97 (ou en ligne, troisième type de recherche, n° 244)

Publication et photo : Ghislain Lancel.

Première publication le 2 septembre 2020. Dernière mise à jour de cette page, idem.

 

 


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